Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 4 mars 2009 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Monsieur Joulaud, la capacité de l'Europe à trouver une position commune sur le concept stratégique est une priorité absolue. Nous devons agir dans le cadre de l'Alliance avec la même efficacité que celle qui préside à la préparation du sommet du G20 de Londres. Cela implique de rencontrer nos partenaires européens pour définir une position commune avant toute discussion avec les Américains ou les autres membres de l'Alliance atlantique. C'est la seule méthode efficace si nous voulons parvenir à une révision intéressante du concept stratégique. Si chaque pays européen engage des démarches individuelles à Washington pour défendre ses propres intérêts, cela ne fonctionnera pas. Même si cela s'avère difficile, nous devons avant tout trouver un point de convergence entre Européens.

J'en viens à l'industrie de la défense. Je vous rappelle quelques chiffres, même s'il est extraordinairement complexe de fixer le pourcentage du budget de la défense par rapport au PIB : doit-on, par exemple, intégrer les pensions ? Pour ne citer que les trois premiers budgets militaires européens, les Britanniques consacrent à leur défense environ 2,4 % du PIB, les Français un peu plus de 2 %, les Allemands à peine plus de 1 %, les autres pays suivant tant bien que mal. Nous sommes très loin du compte, et si nous voulons réaliser l'Europe de la défense, il faudra revoir la part du budget de la défense dans le PIB et renforcer l'intégration des programmes industriels.

Sur ce dernier point, l'A400M, qui a déjà pris deux ans de retard, risque de constituer un contre-modèle pour de nombreux États européens qui, compte tenu de ce qui se passe avec cet avion, pourraient hésiter à s'engager dans d'autres projets. Cela dit, nous pouvons aussi mettre en avant des éléments positifs et la crise peut en constituer un. Étant donné les restrictions qu'elle impose, les Italiens et les Allemands reconnaissent désormais la nécessité de développer des programmes conjoints en matière industrielle, notamment dans le domaine de la défense. Je laisse à Hervé Morin le soin de vous citer des exemples concrets mais cette dynamique contrebalance l'effet négatif du retard de l'A400M.

Votre question, monsieur Gilard – l'Europe, combien de divisions ?– est majeure, puisqu'elle rejoint celle des budgets que je viens d'évoquer. C'est pourquoi il est nécessaire que nous ayons un débat de fond sur le retour de la France au sein de l'Alliance atlantique en gardant à l'esprit ce qui est important. Et ce qui compte, c'est de redéfinir le rôle de l'OTAN, le concept stratégique de l'Alliance, tout en progressant sur la défense européenne. Regardons vers l'avenir et disons-nous que cette décision est un marchepied pour nous permettre d'aller plus loin sur ces questions. Ne nous enfermons pas dans l'idée que, en réintégrant le commandement militaire, nous allons perdre notre crédibilité, renoncer à notre indépendance et abandonner notre singularité – pour ma part, je n'y crois pas.

Quant à la réaction des États européens, disons-le clairement : la défense européenne n'est une priorité pour aucun d'entre eux. La volonté de construire une Europe politique est portée par le Président de la République, avec beaucoup de force, et par Mme Merkel, avec un certain retard, dû à un système de décision plus lent. Ailleurs, les choses patinent. Je crois cependant que la crise va changer profondément la façon dont les États européens considèrent cette question. En Italie, en Espagne comme au Royaume-Uni, on comprend que, pour s'en sortir, il faudra aller plus loin et plus vite en matière de construction européenne, et qu'aucun pays ne s'en sortira seul. Ce qui est vrai pour l'économie vaudra, je l'espère, pour la défense.

Un certain nombre de situations concrètes – et des risques d'instabilité subsistent ici ou là, notamment en Afrique du Nord et dans les Balkans – ne manqueront pas de démontrer la nécessité d'une Europe de la défense, simplement parce que personne d'autre ne voudra intervenir. L'Alliance atlantique, déjà engagée en Afghanistan, au Kosovo, nous laissera nous débrouiller seuls. Ma position sur cette question est très pragmatique, et c'est pourquoi je crois en l'Europe de la défense. Le jour où nous serons confrontés à une certaine instabilité dans les Balkans, l'Alliance atlantique nous répondra qu'elle est déjà intervenue dans les années 1990 et qu'elle ne compte pas le faire dans les années 2010. L'Europe devra alors trouver les moyens d'intervenir et nous nous apercevrons que la dissémination de centres de commandement opérationnel au Royaume-Uni, en France et en Allemagne n'est vraiment pas pratique et qu'il serait préférable d'avoir un centre de commandement intégré à Bruxelles – ce qui nous permettra de progresser plus rapidement que nous ne le faisons actuellement.

S'agissant des opérations extérieures, monsieur Guilloteau, je ne suis pas du tout certain que l'entrée de la France dans le commandement intégré en diminuera le nombre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion