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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 4 mars 2009 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Ce sont là les deux vraies questions : pour l'avenir, le renforcement du pilier européen de l'Alliance et de la défense européenne est plus important que le débat sur la pleine participation de la France au commandement militaire intégré de l'OTAN, dont la portée est symbolique. Il faut regarder les choses en face, voir quelle est la réalité de nos engagements et quelle est celle des intérêts français en termes de sécurité. La réalité de nos engagements, c'est que nous participons aux opérations de l'Alliance ; la réalité de nos intérêts en termes de sécurité, c'est que nous avons besoin d'elle pour garantir notre sécurité. Notre avenir politique dépend de notre capacité à définir cette défense autonome.

Quant à notre capacité à convaincre nos partenaires européens, il me semble que la première chose à faire est de définir une stratégie de sécurité commune et de procéder à une analyse commune de la menace. Pour avoir participé à plusieurs reprises à des travaux européens sur l'évaluation de la menace, je peux vous dire que ce n'est pas une partie de plaisir ! S'agissant de l'Iran, par exemple, les intérêts de sécurité de l'Europe ne se confondent pas avec ceux des États-Unis. Une éventuelle guerre et des bombardements en Iran auraient des conséquences infiniment plus graves pour l'Europe que pour les États-Unis, que ce soit sur le plan économique – approvisionnement en énergie, construction de futurs gazoducs – ou sur celui de la sécurité, puisque la portée des missiles Shahab-3, dont les essais sont en cours, et des éventuels missiles Shahab-4, leur permettrait de toucher le continent européen mais pas le sol américain. La première des priorités de l'Europe est donc de parvenir à une définition commune de nos intérêts de sécurité et de nos intérêts stratégiques. Nous devons adopter une position commune sur la situation en Afghanistan ou en Asie centrale ; or, nous en sommes encore loin.

Toutefois, nous n'arriverons à convaincre nos partenaires que si nous leur apportons la preuve que la défense européenne ne se fait pas contre les Américains et contre l'OTAN mais qu'elle est complémentaire des travaux de l'Alliance. Nous devons prouver que ce qui se passe en mer Rouge, dans le Golfe ou dans un certain nombre de pays d'Afrique concerne directement l'Europe et qu'il est de son intérêt d'avoir une défense européenne autonome pour y faire face, parce que les Américains ne le feront pas, trop heureux d'être déchargés de ce fardeau.

J'en viens enfin à un point très important, mais je ne vous cache pas que les progrès en la matière ne sont pas forcément la priorité des États européens : il s'agit de l'équipement militaire de l'Europe. Si, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres domaines industriels, à quelques exceptions près – je pense à EADS –, nous rencontrons des difficultés, c'est que nous avons privilégié des approches nationales plutôt qu'une approche collective, aucun pays ne voulant renoncer à une partie de ses industries. Plus nous réussirons à intégrer la défense européenne, plus nous bâtirons de programmes communs et avancerons dans la voie d'un équipement militaire commun, plus nous renforcerons la défense européenne. A ce titre, le retard pris par l'A400M est préoccupant, car c'est le seul exemple de programme européen de très grande ampleur. Or, il se heurte à des problèmes budgétaires et de spécifications que vous connaissez sans doute mieux que moi, mais qui illustrent les difficultés de l'Europe pour mener à bien un programme militaire commun dans de bonnes conditions.

Les trois éléments que je viens de citer doivent permettrent de progresser dans la constitution d'une défense européenne autonome.

Ensuite, comment convaincre nos partenaires américains de la nécessité de mettre en oeuvre un pilier européen ? La réponse est beaucoup plus simple car les Américains sont très pragmatiques : cela dépend presque exclusivement des moyens militaires que nous sommes prêts à engager dans l'Alliance atlantique. Lorsque l'Europe répond positivement à une demande de l'Alliance d'envoyer des troupes supplémentaires et des forces spéciales en Afghanistan ou d'investir pour sa rénovation, elle peut prétendre avoir une influence. Dans le cas contraire, ce sont les autres qui commandent.

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