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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 4 mars 2009 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, chers amis, c'est pour moi un plaisir et un honneur d'intervenir devant votre commission pour évoquer avec vous la pleine intégration de la France dans l'OTAN et sa relation avec la défense européenne.

Avant de répondre à vos questions sur un sujet que vous connaissez parfaitement bien, je voudrais présenter quelques remarques d'ordre général.

J'attire tout d'abord votre attention sur le fait que le contexte stratégique a changé et sur la nécessité de bien avoir présent à l'esprit le moment où la décision d'un retour dans le commandement intégré de l'OTAN est envisagée par le Président de la République. Je rappelle que si le général de Gaulle a décidé en 1966 le retrait de la France du commandement militaire intégré, c'était pour que notre pays retrouve le plein exercice de sa souveraineté sur son territoire, notamment en n'ayant pas de troupes américaines sur le sol français et en interdisant le survol automatique de celui-ci par des troupes étrangères. Dans le même temps, dans le courrier qu'il adressait au Président américain, il rappelait l'attachement de la France à l'Alliance atlantique. Cette décision a été prise à un moment où les relations entre le bloc soviétique et les pays occidentaux étaient en train de se dégrader. La France a choisi de se tenir à l'écart de cette dégradation, pour essayer de construire une politique étrangère originale et plus autonome vis-à-vis de ses alliés.

Le contexte stratégique est radicalement différent aujourd'hui : d'une part, l'opposition entre les blocs a disparu au profit d'un ensemble multipolaire et, d'autre part, la France participe de façon pleine et entière à l'ensemble des opérations militaires de l'OTAN, en Afghanistan comme dans les Balkans, puisqu'elle est actuellement le quatrième contributeur de troupes pour ces opérations.

La question du retour de la France dans le commandement militaire intégré se pose donc dans un environnement géostratégique radicalement différent et les options qui s'offrent à la France ne sont plus les mêmes qu'auparavant.

En deuxième lieu, je tiens à faire remarquer que la poursuite et le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense restent une priorité absolue de la politique étrangère française et ne manqueront pas de se concrétiser au cours des années à venir, sous forme de décisions pragmatiques. Je souhaite, en tant que responsable des affaires européennes de ce gouvernement, que les progrès accomplis se poursuivent. La décision du retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l'OTAN, si elle est prise lors du sommet de Strasbourg-Kehl, devra s'accompagner d'un renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense – c'est une priorité – et constituer un point de départ.

Depuis une dizaine d'années, la politique européenne de sécurité et de défense a connu deux accélérations majeures, dans deux champs très différents.

La première, à laquelle j'avais participé directement, fut la décision prise par Tony Blair et Jacques Chirac, en 1998, de renforcer les institutions de défense européennes. Il s'agit du sommet de Saint-Malo, qui s'est traduit par la mise en place à Bruxelles de structures politico-militaires qui n'existaient pas auparavant, tels l'état-major européen, le comité politique et de sécurité, le comité militaire et l'Agence européenne de défense. Pour la première fois dans l'histoire de l'Union européenne, des opérations totalement européennes ont été lancées. Enfin, après plusieurs années d'efforts, une stratégie de sécurité a été définie. A mon sens, elle mériterait d'être approfondie car les intérêts stratégiques européens doivent être précisément définis. À l'époque, ces décisions reposaient sur une architecture institutionnelle de sécurité.

La deuxième accélération a eu lieu en 2008, notamment sous la présidence française de l'Union européenne. Elle s'est cette fois-ci plus exprimée au travers d'opérations concrètes sur le terrain que de valorisation des institutions. Des opérations civiles et militaires de grande ampleur ont été lancées, telles l'EUMM – la mission de surveillance en Géorgie –, l'EUFOR – la force opérationnelle de l'Europe – au Tchad, l'EULEX – la mission de police et de justice – au Kosovo, ou encore l'intervention de la force navale européenne Atalante, destinée à combattre la piraterie au large de la Somalie. Désormais, près de 10 000 hommes sont engagés directement sous un commandement européen, dont 2 500 Français.

Le renforcement de la défense européenne reste une priorité majeure de la France. Plusieurs axes de réflexion s'offrent à nous et portent aussi bien sur la stratégie européenne de sécurité et de défense que sur la politique d'armement européenne ou les structures de commandement militaire européennes, avec la mise en place d'un centre de commandement des opérations. Ce dernier point doit, à mon sens, rester un objectif stratégique à long terme de la France et de l'Union.

Je voudrais maintenant faire quelques remarques sur l'OTAN.

Tout d'abord, au-delà des incantations, il faut regarder la réalité de nos engagements et de nos choix politiques. Or, la réalité, c'est que depuis plusieurs années, la France a fait le choix de participer à l'ensemble des opérations militaires de l'OTAN, conduites sous mandat des Nations unies, car nous avons estimé qu'elles répondaient à une double exigence de sécurité pour notre pays et de conformité au droit international. Il en est ainsi de l'opération conduite au Kosovo, où la KAFOR assure la paix entre les différentes communautés, comme de l'engagement de nos forces en Afghanistan, sous mandat des Nations unies et dans le cadre de la légitimité internationale, qui font de notre pays, je le répète, l'un des premiers contributeurs de troupes au sein de l'OTAN. J'ajoute que la France assure, sur le terrain, le commandement de certaines opérations, et cette contribution militaire nous conduit légitimement à réfléchir à ce que pourrait être notre influence sur l'évolution de l'OTAN et sur sa doctrine stratégique.

S'il veut renforcer son influence, notre pays doit prendre toute sa place dans la chaîne de commandement et participer à la nécessaire transformation de l'Alliance atlantique. Autrefois défensive et dirigée contre le Pacte de Varsovie, cette organisation est aujourd'hui engagée dans des opérations de maintien de la paix mais, à mon sens, ses contours et ses missions ne sont pas définis avec suffisamment de clarté. Comme pour la défense européenne, il me semble que si une décision est prise à Strasbourg-Kehl, elle devra être le point de départ d'un renforcement de l'influence de la France au sein de l'Alliance et d'une redéfinition du concept stratégique de l'OTAN de façon à ce que ses missions et sa vocation soient mieux définies.

Autre point sur lequel je tiens à insister : l'OTAN et la défense européenne ne sont pas opposées mais complémentaires, et c'est une situation politique nouvelle. Il y a encore quelques années, l'administration américaine vivait tout renforcement de la défense européenne comme une agression plus ou moins directe contre l'OTAN et l'ensemble des alliés de l'Alliance atlantique. Ce n'est plus le cas, et le discours de Joe Biden lors de la Wehrkünde à Munich a été très clair : il en ressort que le renforcement de la défense européenne ne pose plus aucun problème aux Américains, qui estiment qu'il est de l'intérêt de l'Alliance de pouvoir compter sur une défense européenne plus forte.

Plutôt que de nous interroger sur le fait de savoir si le plein retour de la France au sein de l'Alliance constitue une rupture stratégique, demandons-nous comment nous pouvons obtenir avec nos partenaires européens la capacité politique de développer la défense européenne.

Je crois pouvoir affirmer que le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'Alliance atlantique rassure un certain nombre de nos partenaires, en particulier les pays d'Europe centrale et orientale. Il nous restera à convaincre nos partenaires de la nécessité de disposer de budgets de défense suffisamment élevés pour rendre crédible la défense européenne et pour permettre le renforcement de ses opérations sur le terrain. Nous devrons également les convaincre, en particulier les Britanniques, de la nécessité d'un commandement unique situé à Bruxelles.

Redéfinir le rôle de l'OTAN et renforcer la défense européenne : tel est, à mes yeux, le défi que notre pays doit relever. Je le crois plus important que la décision symbolique que constitue le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN.

Je dirai pour conclure que toutes les approches effectuées et tous les travaux réalisés l'ont été en étroite concertation avec notre partenaire allemand. Le fait que le sommet de l'Alliance se tienne à la fois à Kehl et à Strasbourg est un symbole très positif – car il n'y aura pas de renforcement de la défense européenne sans une alliance forte entre la France et l'Allemagne – comme l'est la décision d'installer en France une unité de la brigade franco-allemande, qui suppose la présence permanente de soldats allemands sur notre sol.

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