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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 17 février 2009 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Nous avons l'impression de revivre le débat sur la loi DADVSI, adoptée il y a trois ans. M. Donnedieu de Vabres nous avait alors expliqué que son texte ferait émigrer massivement les internautes vers les sites de téléchargement payant. Force est de constater que son pari est perdu. L'entêtement du Gouvernement actuel montre que vous persistez dans l'erreur.

Ce projet de loi traduit un pari perdu d'avance car il présente bien des inconvénients.

Il fait planer des menaces sérieuses sur les libertés publiques et la vie privée – je vous renvoie à l'avis de la CNIL, selon laquelle il n'a pas trouvé le bon équilibre entre la protection du droit d'auteur et la protection de la vie privée.

L'article 2, consacré à la HADOPI, crée un véritable régime d'exception : il rompt le principe d'égalité devant la loi, il ignore le principe fondamental de présomption d'innocence, il néglige les droits de la défense les plus élémentaires.

Ce projet de loi a fait l'objet de beaucoup de critiques. Les avis des associations d'internautes et de consommateurs sont connus. J'ai évoqué la CNIL à l'instant, mais je pourrais tout autant citer l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui met le doigt sur les difficultés évidentes d'application. Le rapporteur a fait référence à une note du CGTI, dont il serait utile que les parlementaires aient connaissance. Pour 2,5 à 3 millions de nos concitoyens, habitant dans des zones dégroupées, il sera impossible de suspendre l'abonnement à Internet sans couper la ligne téléphonique. Le Wi-Fi étant un modèle ouvert, des internautes seront incriminés par erreur et il leur incombera de prouver leur bonne foi.

Par ailleurs, ce projet de loi s'oppose au développement du haut débit et à l'entrée de la France dans l'ère numérique, pourtant réaffirmée par le Gouvernement dans son plan « France numérique 2012 ».

Au surplus, il présente l'inconvénient majeur de diviser nos concitoyens. Les socialistes sont historiquement attachés à la défense du droit d'auteur et à la juste rémunération des créateurs. Depuis deux siècles, le droit d'auteur a toujours été destiné à défendre les petits contre les gros, c'est-à-dire les auteurs et les créateurs isolés, à travers leurs sociétés de gestion et de perception, contre les producteurs et les diffuseurs de l'industrie culturelle. Le droit d'auteur, ce n'est pas la défense des créateurs contre leur public. Or votre projet de loi divise les Français en opposant systématiquement les créateurs aux internautes.

Enfin, le texte n'aide aucunement à l'émergence d'un modèle économique nouveau, rémunérateur pour la création. Vous établissez un lien étonnant entre la situation actuelle en matière de piratage et celle de l'offre légale, mais celle-ci pourrait très bien se développer aujourd'hui.

Votre réponse à propos de la chronologie des médias est un peu courte. Personne ne peut affirmer qu'elle sera prochainement ramenée à quatre mois ; on annonce toujours des accords qui ne sont finalement jamais signés.

De même, les mesures techniques de protection sont tombées timidement et progressivement ces derniers temps.

Bref, ce projet de loi est illusoire car il ne crée aucune rémunération nouvelle pour les créateurs. Nous regrettons cette occasion manquée, qui fait perdre encore beaucoup de temps. Par nos amendements, nous proposerons évidemment de réduire ses effets néfastes, mais nous émettrons aussi des propositions pour que soient justement rémunérés les créateurs, auteurs et artistes à l'ère numérique. Ce sera la contribution positive du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

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