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Intervention de Jean-Claude Mathis

Réunion du 29 octobre 2008 à 11h15
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Mathis, rapporteur pour avis :

Avant d'aborder le thème de cet avis budgétaire, consacré cette année à la rénovation des services offerts aux anciens combattants, je m'attacherai en premier lieu à vous présenter brièvement les crédits dédiés au monde combattant au sein de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Si ces crédits diminuent de 3,1 % par rapport à l'an dernier, du fait de la baisse continue du nombre des bénéficiaires, qu'il s'agisse des pensions militaires d'invalidité, de la retraite du combattant et des soins gratuits, le projet de budget qui nous est présenté vise avant tout à protéger les intérêts des ressortissants et à préparer les réformes structurelles à venir.

J'en veux pour preuve l'attention portée à la solidarité, qui demeure une priorité de l'action du secrétariat d'État : les crédits d'action sociale de l'Office national des anciens combattants progressent en proportion de ses interventions, notamment, en faveur des veuves ; en outre, la subvention de 5 millions d'euros qui avait été allouée l'an dernier à l'Office est reconduite afin de lui permettre d'assurer en année pleine le versement de l'allocation différentielle aux conjoints survivants les plus démunis ; surtout, l'accès à cette allocation est élargi à de nouveaux bénéficiaires, puisque le plafond mensuel est porté de 680 à 750 euros et que l'allocation personnalisée au logement (APL) est exclue de la base de calcul des ressources. Il reste à souhaiter que l'allocation à la personne âgée (APA), à son tour, ne soit plus prise en compte dans ce calcul.

D'une manière générale, le soutien aux politiques de reconnaissance et de réparation ne se dément pas, comme en témoigne la progression de 2,5 % de la dotation par pensionné, et l'appui renforcé apporté aux deux opérateurs en prévision des missions nouvelles qu'ils devront assumer dans le cadre de la révision générale des politiques publiques : la subvention d'investissement de l'ONAC connaît en effet une hausse de 3,6 %, tandis que le budget de l'Institution nationale des invalides (INI) augmente de 1,9 % par rapport à 2008. Ainsi, avant le renouvellement de leurs contrats d'objectifs et de moyens pour la période 2009-2013, les deux établissements disposent des moyens de poursuivre leur modernisation : développement de ses capacités informatiques et amélioration de ses outils de gestion, pour l'ONAC ; mise en sécurité de ses installations, pour l'INI.

Mais à l'évidence, ces points positifs ne sauraient faire oublier les attentes du monde combattant, qui sont nombreuses, et dont je rappellerai les plus importantes.

La revalorisation de la retraite du combattant, pour atteindre 48 points d'indice de pension militaire d'invalidité en 2012, demeure la principale demande des associations, fondée sur la promesse de campagne du Président de la République. Après deux augmentations successives de 2 points, en 2006 et 2007, la retraite du combattant a été portée à 39 points d'indice de pension militaire d'invalidité au 1er juillet 2008 par le projet de loi de finances pour 2008 ; 30 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2009 pour financer l'extension en année pleine de cette revalorisation. Sans méconnaître la charge importante – près de 38 millions d'euros – qu'elle fera peser sur le budget, je soutiendrai par un amendement la demande des associations de relever de 2 points d'indice le montant de la retraite, parce que je pense qu'il est judicieux, pour tenir l'engagement présidentiel, de maintenir le rythme de hausse adopté depuis trois ans, afin de ne pas prendre de retard et de grever de manière inconsidérée le projet de loi de finances pour 2012.

La remise à plat du « rapport constant » entre l'évolution des pensions et celle des traitements bruts de la fonction publique constitue une autre revendication des associations ; en effet, si la réforme opérée en 2005 a simplifié le mode de fixation du point d'indice de pension militaire d'invalidité, elle n'a pas pris en compte le retard accumulé par la valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité au cours des vingt dernières années, retard estimé à 44 % par les associations d'anciens combattants.

Autre sujet, la décristallisation totale des pensions : comme vous le savez, les « prestations du feu » – pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant – versées aux ressortissants des pays placés antérieurement sous souveraineté française, ainsi que les pensions de réversions servies à leurs veuves ont été alignées sur les valeurs applicables en France à compter du 1er janvier 2007, ce qui représente un coût de plus de 100 millions d'euros en année pleine. Mais le versement de la pension de réversion « décristallisée » aux veuves de ces ressortissants est subordonné à l'obligation de résider en France, ce qui introduit une inégalité de traitement entre les veuves, relevée d'ailleurs par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) dans une délibération de juillet 2007.

Le relèvement progressif du plafond de la rente mutualiste jusqu'à 130 points d'indice de pension militaire d'invalidité constitue une autre demande récurrente des associations d'anciens combattants. Après les trois augmentations successives opérées par les lois de finances pour 2002, 2003 et 2006, le plafond a été porté à 125 points d'indice de pension militaire d'invalidité à compter du 1er janvier 2007 par la loi de finances pour 2007. La dotation consacrée aux rentes mutualistes, déjà en hausse de 4 % dans la loi de finances pour 2008, progresse à nouveau de 6,86 % dans le projet de loi de finances pour 2009, notamment pour financer l'entrée dans le dispositif de nouveaux bénéficiaires issus de la quatrième génération du feu. Il semble donc raisonnable de conclure que toute majoration supplémentaire du plafond devra s'effectuer à un rythme compatible avec les exigences budgétaires.

J'en viens à présent à la seconde partie de cet avis, qui concerne la rénovation des services offerts aux anciens combattants.

Fondée sur un rapport d'audit mené par le contrôle général des armées en collaboration avec la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS), la décision de rationaliser « l'administration au service des anciens combattants en faisant de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre un guichet unique à maillage départemental de la prestation de service aux anciens combattants » a été prise dès le 12 décembre 2007 par le premier conseil de modernisation des politiques publiques.

Cette décision, qui sera mise en oeuvre progressivement au cours de la période 2008-2011, signe à terme la disparition de la direction des pensions, des statuts et de la réinsertion sociale et de ses directions départementales, et fait de l'ONAC et de son réseau territorial le point d'ancrage du dispositif.

Plusieurs points méritent, à mon sens, d'être soulignés après cette brève introduction.

Premier point, la décision de simplifier les structures en charge des anciens combattants constitue l'aboutissement d'une réflexion suscitée depuis une dizaine d'années par la diminution régulière du nombre de bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre appartenant aux trois premières « générations du feu », et par la baisse d'activité des différents intervenants qui, depuis l'adossement du secrétariat d'État aux anciens combattants au ministère de la défense en 1999, assurent la gestion des droits prévus.

Deuxième point, l'adaptation nécessaire des structures aux activités devait respecter certaines contraintes, à savoir la garantie des prestations et d'un service de proximité auxquels le monde combattant est très attaché. À cet égard, le choix de l'ONAC comme interlocuteur unique du monde combattant au niveau central et territorial semble particulièrement approprié. Doté d'un savoir-faire dans les domaines de la reconnaissance, de la réparation, de la solidarité et de la mémoire, l'Office dispose également d'un personnel attentif aux spécificités du monde combattant.

L'ensemble des prestations exercées en commun par la DSPRS et l'ONAC, c'est-à-dire la gestion des droits liés à la reconnaissance et à la réparation, seront confiées au seul Office, qui assurera également l'accueil et l'orientation des usagers pour les missions transférées à d'autres directions du ministère de la défense ou à d'autres opérateurs.

Cela étant dit, la question des transferts n'est pas complètement résolue ; certains transferts demeurent en suspens parce que les modalités pratiques des reprises ou le choix des repreneurs peuvent s'avérer complexes ; c'est le cas, en particulier, de l'appareillage, de la tutelle sur les opérateurs et du pilotage du programme budgétaire ou encore des archives. Je ne m'attarderai pas sur ces points, qui sont développés dans l'avis, lequel comporte également un tableau prévisionnel des transferts auquel vous pourrez, si vous le souhaitez, vous reporter.

Troisième point, l'organisation territoriale de l'ONAC sera modifiée. Le nouveau schéma s'inspire des propositions de cinq groupes d'études constitués dans cinq départements représentatifs de zones plus ou moins rurales, et composés notamment de représentants d'anciens combattants.

Les services déconcentrés de l'ONAC seront réorganisés en services départementaux de proximité comprenant trois agents au minimum, qui assureront l'accueil, le renseignement des usagers, les relations avec les partenaires locaux et l'instruction des dossiers d'action sociale.

Des pôles fonctionnels, installés dans certains services départementaux, seront chargés chacun d'un type d'action spécifique au service de l'ensemble des services départementaux : instruction des cartes et titres, conduite des projets concernant la mémoire…

Quatrième point, la réforme a pour objectif l'efficacité, envisagée sous le double aspect de la qualité du service et de la maîtrise des coûts.

En ce qui concerne la qualité du service, la concentration des structures et l'organisation dans chaque département d'un point de rencontre de proximité simplifiera les relations des anciens combattants avec leur administration, progrès non négligeable compte tenu de l'âge des ressortissants.

Par ailleurs, les efforts entrepris par la DSPRS pour réduire les délais de traitement des dossiers, concernant notamment les pensions militaires d'invalidité, seront poursuivis.

Quant à la maîtrise des coûts, la nouvelle organisation doit permettre au niveau local de dégager des gains de productivité en concentrant l'activité sur les pôles fonctionnels traitant d'un nombre de dossiers suffisant pour garantir le maintien des compétences techniques des agents et pour rentabiliser l'acquisition des matériels.

La mise en place d'un interlocuteur unique pour le monde combattant doit également aboutir à une réduction des effectifs et de la masse salariale.

Le volume des emplois à transférer a été évalué mission par mission par la DSPRS et approuvé par les différents repreneurs. Sur la période 2009-2011, 293 postes seront transférés vers les opérateurs ; 156 postes seront réaffectés en interne Défense ; 309 postes à l'extérieur du ministère ; 607 postes seront supprimés. L'ONAC, qui compte un peu moins de 1 400 agents entre le siège, les directions départementales et les 8 maisons de retraites, réduira, à missions constantes, ses effectifs de 150 personnes sur la période 2009-2013, en grande partie grâce au non-remplacement des départs (retraite, détachement et démission).

Cinquième point, les personnels constituent, avec l'informatique, les principaux enjeux de la nouvelle organisation.

La question des personnels doit être envisagée sous l'angle des reclassements et de la formation. Si le reclassement des agents administratifs peut être effectué au sein des services préfectoraux avec l'appui des préfets, celui des personnels techniques s'avère plus compliqué, en raison du profil des postes à transférer et des contraintes qu'impose le transfert (mobilité géographique, formation…), d'autant que la moyenne d'âge de ces effectifs est élevée. Le reclassement des personnels sur les bases de défense constitue un objectif prioritaire, mais qui est actuellement compliqué par la restructuration de la carte militaire, et par le fait que les mouvements au sein du ministère de la défense se télescopent avec les mouvements de personnel générés par la RGPP dans les autres administrations.

En ce qui concerne la formation, d'importants moyens devront être mis en place pour favoriser la polyvalence des agents dans les services départementaux de proximité, en vue d'assurer le maintien d'un service de qualité dans le cadre des missions traditionnelles de l'ONAC et de sa nouvelle vocation de service de proximité.

S'agissant de l'informatique, l'ONAC devenant le point d'entrée pour différents services instructeurs, les services départementaux de proximité devront être connectés à des applications de suivi de dossiers qu'ils géreront en commun avec ces services. L'effort à consentir dans le domaine informatique est d'autant plus important qu'à l'heure actuelle, l'Office et ses services départementaux ne sont pas reliés au réseau informatique de la DSPRS et de ses 18 directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC). C'est pourquoi, un logiciel de mutualisation des informations concernant toutes les cartes et titres est d'ores et déjà en cours d'installation entre toutes les directions interdépartementales et, comme je l'ai indiqué, le projet de loi de finances pour 2009 augmente de 3,6 % la subvention de fonctionnement de l'Office.

Enfin, tout en étant conscientes des contraintes imposées par le contexte économique et budgétaire, les principales associations se sont, dans un premier temps, profondément émues du projet de supprimer la DSPRS, « âme du secrétariat d'État aux anciens combattants ». Rassurées par la suite sur le fait que la disparition de la direction ne préfigurait pas la disparition du secrétariat d'État lui-même et du budget identifié, et que l'attachement du monde combattant à l'exercice du droit à réparation serait respecté, elles ont salué le rôle central conféré à l'ONAC dont elles assurent à parité la gestion.

Toutefois, au cours des entretiens que j'ai eus avec leurs représentants, ces derniers m'ont fait part de leur déception de n'avoir pas été associés plus en amont à la préparation de la réforme, et de leurs réserves concernant la qualité d'un service de proximité aux effectifs resserrés et polyvalents ; les associations seront donc très attentives au maintien d'un service de qualité et aux efforts déployés pour former les personnels et moderniser les systèmes d'information.

De même, la question de la mémoire, avec la diminution du nombre des délégués à la mémoire combattante, a été très souvent évoquée lors des auditions. À l'évidence, la perspective de voir réduit cet effectif de moitié (de 75 à 30 ou 35 délégués) au sein de pôles géographiques de mémoire, préoccupe énormément les anciens combattants qui ne tarissent pas d'éloges à l'égard de ces personnels actifs, dévoués et efficaces, qui ont su tisser des liens étroits avec les associations locales et sont devenus les partenaires incontournables de l'éducation nationale pour toutes les actions de formation concernant la mémoire.

Si la présence d'un seul délégué mémoire est nécessaire mais suffisante dans certains départements, un renforcement des personnels serait au contraire indispensable dans des départements à forte connotation mémorielle, même si le directeur départemental de l'ONAC joue un rôle très important dans la mise en oeuvre de la politique de mémoire.

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