Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Annie Rosès

Réunion du 16 juillet 2008 à 14h45
Commission des affaires économiques

Annie Rosès :

délégué général adjoint de l'Association des utilisateurs de transport de fret, a indiqué que l'assocation dont il est le délégué représente les industriels utilisant le transport de fret, tous modes confondus : ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien. Aujourd'hui, elle regroupe approximativement 170 entreprises, qui doivent à elles seules représenter de 50 % à 60 % du fret ferroviaire en France. Cette association regroupe également des fédérations professionnelles, ce qui la met en contact avec les petites et moyennes entreprises.

La mise en oeuvre des orientations du Grenelle de l'environnement inspire quelques questions, qui peuvent passer pour impertinentes. Faut-il transposer les conclusions du Grenelle de l'environnement ? Si oui, comment ? Ne faut-il pas en accommoder certaines ? Faut-il en transposer tout ou partie ? Avons-nous, avec le Grenelle, amorcé un virage dans la bonne direction ? Il semble important, pour éclairer le travail parlementaire qui va commencer, de souligner trois lacunes.

Le fret a été abordé quasiment exclusivement sous l'angle des nuisances environnementales, sans considération pour son rôle économique. Or, si les transports sont nécessaires, c'est parce qu'ils sont au service de l'industrie. Il est important de le rappeler. Nous sommes de plus en plus nombreux à regretter que ces rencontres ne se soient pas plutôt appelées « Grenelle du développement durable » pour englober les trois piliers que sont l'économique, le social et l'environnemental.

Le Grenelle a un peu trop rapidement à nos yeux transformé l'objectif initial de réduction des émissions de gaz à effet de serre en objectif de report modal. Or il ne s'agit que d'un moyen parmi d'autres d'atteindre la cible. Pour commencer à répondre à la question de M. Paul sur un éventuel frémissement inaugurant le report modal, consécutif à la hausse du prix du gazole, il faudrait répondre positivement, mais pas seulement. Il n'est pas de semaine où la presse professionnelle ne donne l'exemple d'un chargeur ayant basculé tout ou partie de son fret de la route vers le rail ou la voie d'eau, ou en combinant autrement rail et route. Mais beaucoup d'industriels réfléchissent à une stratégie pour réduire leurs coûts de transport en conservant à la route sa primauté dans les acheminements : optimisation des tournées, recours à des matériels de transport plus performants, voire, à plus long terme, la remise en cause des plans de transport via la déspécialisation des sites de production ou le raccourcissement des circuits de distribution, pour minimiser les distances parcourues. Or rien ne dit que le transport ferroviaire en sera le bénéficiaire. Il faut bien avoir à l'esprit que ce que les chargeurs envisageront sûrement le report modal, mais pas seulement le report modal.

D'où cette troisième lacune, sans doute difficile à combler. Le Grenelle ne s'est pas donné les moyens d'analyser en profondeur les réactions des acteurs au signal que constitue le prix.

Le corollaire est un triple risque. Le premier, c'est de ne pas atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d'ici à 2012. Les infrastructures qui sont nécessaires, sinon suffisantes, au développement du fret ferroviaire ne s'inscrivent pas dans la même échelle de temps. Le deuxième, c'est de passer à côté de l'objectif de report modal à cause d'une mauvaise anticipation du comportement des acteurs, malgré les efforts que nous ne manquerons pas de faire pour l'atteindre. Le troisième, enfin, c'est le plus grave, c'est d'entraver la compétitivité des industriels utilisant le fret.

Quelles sont les attentes des chargeurs ? Ils espèrent disposer de l'offre la plus diversifiée possible et ils se réjouissent, s'agissant du rail, de l'ouverture à la concurrence qui créera une émulation propice à la création de nouveaux services ferroviaires. Ils s'interrogent beaucoup à propos des autoroutes ferroviaires, auxquelles ils s'intéressent comme à toute offre nouvelle. Surtout, ils voudraient voir la mobilité garantie par tous les modes de transport. Il est prioritaire qu'ils puissent continuer à transporter ce qui se produit – parce que ce qui se produit, c'est ce qui se vend – sans craindre d'être contraints de ne produire que ce qui se transportera.

Par ailleurs, les chargeurs, quelle que soit l'échelle à laquelle ils opèrent, nationale, européenne, ou mondiale, souhaitent éviter qu'une intervention ne favorise ou ne pénalise trop un mode de transport, et, par voie de conséquence, ses utilisateurs, par rapport aux autres. Il faut aussi pouvoir jouer la complémentarité modale. On doit être très favorable au développement de solutions ferroviaires, mais sans nier le rôle que continuera de jouer le transport routier auquel il faut donner les moyens de s'optimiser tant au plan environnemental qu'au plan économique. Il faut éviter tout ce qui peut freiner la mobilité. Or, aujourd'hui, nous sommes quelque peu inquiets de ce qui pourrait se dessiner.

Le fret ferroviaire se heurte avant tout à un problème de capacité et de partage du réseau. La mauvaise qualité du réseau a déjà été signalée. La question de la qualité des services fournis par les opérateurs, et qui va en s'améliorant, passe au second plan. Les plages de travaux sont mal anticipées, ou trop vite décidées, ce qui pèse fatalement sur les choix des industriels. La répartition du trafic entre le fret et les passagers est délicate, s'agissant du contournement des agglomérations. Faut-il séparer les deux réseaux ? La question n'est pas suffisamment posée dans le cadre du projet de loi. Il a été écrit à un certain moment que les créneaux libérés par les lignes à grande vitesse seraient affectés au fret et il serait bon que les déclarations se traduisent dans les faits. Il serait bon aussi que l'allocation des sillons et la gestion opérationnelle de la signalisation reviennent à RFF. Nous attendons sur ce point le rapport du sénateur Haenel. Quant aux fermetures de ligne, elles interviennent pour cause de vétusté, mais aussi faute de trafic. Les entreprises ferroviaires se sont engagées dans une logique de massification et n'assurent plus, comme au bon vieux temps du service public ferroviaire, une desserte fine du territoire. Il est certain qu'une réorganisation du secteur est en cours. Il faut s'en féliciter bien qu'elle ait des effets secondaires sur l'aménagement du territoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion