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Intervention de Serge Poignant

Réunion du 25 novembre 2008 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Poignant, rapporteur :

Le « paquet énergie-climat », sur lequel nous nous prononcerons aujourd'hui, vise à définir l'essentiel de la réponse européenne au défi du changement climatique. Il met en oeuvre le fameux « triple 20 ».

Quelques chiffres simples : depuis que les enregistrements sont fiables, c'est-à-dire depuis 1850, douze des treize années les plus chaudes dans le monde ont été observées entre 1995 et 2007. D'après les modèles des scientifiques du GIEC, la température moyenne annuelle du globe pourrait s'élever de 1,1 °C à 6,4 °C d'ici à 2100, du fait du doublement de la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère à la fin de ce siècle si l'inaction politique se prolonge. L'impact de ce réchauffement serait d'autant plus grave que l'élévation de la température moyenne serait importante et, en tout état de cause, serait fortement ressenti si une augmentation de 2 °C au moins se produisait.

L'urgence tient plus conjoncturellement au calendrier des négociations internationales : conférence de Poznan début décembre, puis conférence de Copenhague dans un an, pour définir ce que sera l'après-Kyoto.

Ce sentiment d'urgence nous a animés lors des débats des dernières semaines, nous poussant à siéger quelquefois jour et nuit, afin que le ministre puisse porter à Bruxelles l'engagement clair de l'Assemblée nationale : cela explique aussi le bouleversement de la procédure ordinaire, les débats dans l'hémicycle – Grenelle et débat sans vote du 18 novembre – ayant précédé les réunions de commission sur ce paquet.

Le Parlement européen se prononcera en première lecture le 17 décembre et le Conseil Énergie le 8 décembre. Le Conseil européen votera les 11 et 12 décembre. Pendant ce temps se tiendra la conférence de Poznan, qui doit conclure les 13, 14, 15 décembre.

Les négociations avec les autres États membres sur le « paquet énergie-climat » sont extrêmement difficiles. Nous avons pourtant absolument besoin d'un accord sur ce paquet avant la fin de l'année. C'est une priorité de la présidence française de l'Union européenne car, sans engagement européen fort, nous n'aurons pas d'accord post-Kyoto satisfaisant. Or, un tel accord international est indispensable tant pour lutter contre le réchauffement climatique que pour préserver la compétitivité de nos entreprises.

Le « paquet énergie-climat » s'insère dans une politique européenne de l'énergie plus large, avec un troisième paquet de libéralisation du marché intérieur et le tout récent plan de sécurité énergétique.

Le présent paquet comprend quatre propositions destinées à mettre en oeuvre le « triple 20 » : réforme du système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre – SCEQE, ou ETS en anglais – ; répartition de la charge de l'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre – GES – dans les secteurs non soumis aux quotas – agriculture, bâtiments, transport – ; prévision d'un cadre juridique pour le captage et le stockage géologique du CO2 ; encouragement de la production et de l'utilisation d'énergies renouvelables.

Un règlement réformant les règles relatives aux aides d'État à caractère environnemental est déjà entré en vigueur.

Les négociations sont particulièrement difficiles, l'Italie et la Pologne préférant reporter ces mesures, compte tenu de la crise. Les principaux enjeux de ce paquet portent aujourd'hui sur les quotas de CO2.

Depuis 2005, il existe un système d'échange de quotas d'émission, ce qui devrait permettre d'atteindre l'objectif de « moins 8 % » pour les quinze États européens en 2010 au lieu de 2012 initialement prévu. Pour atteindre les « moins 20 % », il faut réformer le système, c'est-à-dire élargir le champ d'application, mettre aux enchères les quotas d'émission, instaurer des plafonds sectoriels plutôt que nationaux comme c'est le cas aujourd'hui. C'est sur ces points que portent les discussions. À quelle vitesse et à quel niveau seront mis aux enchères les quotas ?

Les rapporteurs de la commission chargée des affaires européennes, Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert, ont souhaité s'en tenir aux principes, sans entrer dans les détails – niveau des seuils, pourcentage d'affectation des recettes, modalités de financement, etc –, considérant que le Parlement n'était pas le négociateur.

Notons que la résolution ne balaie pas systématiquement les différentes dispositions des textes du « paquet énergie-climat », mais qu'elle tient compte des risques de blocage actuels dans les négociations. La Commission chargée des affaires européennes a fait le choix d'une perspective plus opérationnelle qu'exhaustive.

La résolution qui nous est soumise soutient pleinement les objectifs ambitieux du triple 20 au point 1, avant d'accorder une attention particulière à la question des quotas de CO2.

Le point 1 ne vise que les objectifs définis globalement pour l'Europe, en les replaçant d'emblée dans le contexte international, mais sans rappeler les objectifs définis par État membre, qui sont de 23 % d'ENR pour la France et de 14 % de réduction des GES dans les secteurs hors quotas.

Le point 2 s'oppose à l'automaticité d'un passage de 20 à 30 % de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en cas de signature d'un accord international et demande que le Conseil et le Parlement européens soient préalablement consultés pour vérifier que les autres pays développés s'engagent à réaliser des réductions d'émission comparables et que les pays émergents apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités.

Ce refus du passage automatique de 20 à 30 % de l'objectif de réduction des émissions de GES porte sur la procédure, et non pas sur le fond.

La position du Gouvernement, réaffirmée lors du débat dans l'hémicycle du 18 novembre, et celle de l'Assemblée nationale – article 1er du projet de loi issu du Grenelle de l'environnement – est bien de basculer vers l'objectif de 30 % en cas d'accord international. Le Parlement et le Conseil devront toutefois apprécier si l'accord international est satisfaisant – point important pour les entreprises. Parmi les critères d'appréciation figurent le nombre de pays parties prenantes et l'effort accepté par chacun.

Le point 3 regrette la place secondaire accordée à l'objectif d'efficacité énergétique et aborde la difficile question du signal-prix – prix qui intègre le coût des émissions de gaz à effet de serre. Celui-ci est nécessaire, mais il doit être concilié avec la préservation du pouvoir d'achat des ménages les plus fragiles. La rédaction de ce point 3 est conforme aux dispositions que nous avons votées à l'article 2 du projet de loi issu du Grenelle de l'environnement.

La « commission Champsaur », mise en place par le Gouvernement pour réfléchir à l'avenir des tarifs réglementés et dont sont membres MM. Jean-Claude Lenoir et François Brottes, doit prendre en compte la dimension environnementale.

La résolution insiste ensuite sur les risques de blocage du fait de l'impact de la mise aux enchères dans le secteur de la production électrique. C'est l'objet du point 4. La présidence française a proposé un système de dérogation à la Pologne, qui menace d'utiliser son veto. Dans les pays dont 60 % de l'électricité proviennent de centrales à charbon, les centrales thermiques à charbon devraient être exemptées jusqu'en 2016 de l'obligation de payer pour la moitié de leurs émissions polluantes. Pour l'instant, la Pologne n'est toujours pas d'accord. Le Président de la République doit rencontrer les responsables polonais et d'Europe de l'Est le 6 décembre.

Le point 5 vise les risques de « fuite de carbone » – risques de délocalisation d'industries fortement émettrices de CO2 ou électro-intensives, sans bénéfice pour l'environnement, et au détriment de la compétitivité européenne. Les risques de blocages viennent sur ce point de l'Allemagne ou l'Italie.

Conformément à la position française, il est proposé de demander à la Commission européenne d'accélérer le calendrier prévu : prévoir des critères précis et quantitatifs permettant de déterminer dès 2009 au lieu de mars 2010 la liste des secteurs soumis à un risque significatif de fuites de carbone.

Les mesures à prendre au cas où l'accord international n'apporterait pas de garanties suffisantes devraient être arrêtées avant le 31 décembre 2010, au lieu de juin 2011 – dans l'objectif de l'accord de Copenhague.

Le point 6 rappelle que, dans ce cas également, un « ajustement aux frontières », visant à inclure les importateurs dans le système communautaire d'échange des quotas d'émission, doit demeurer une option ouverte en cas d'échec des négociations internationales et note, à cet égard, qu'un mécanisme similaire est prévu par la récente directive relative au transport aérien.

La position de la France sur cette question est constante : très tôt dans la négociation, la France a proposé un dispositif visant à inclure les importateurs dans l'ETS européen. Ce dispositif ne s'appliquerait qu'en faveur des secteurs sujets aux risques de fuites de carbone et à l'encontre des pays tiers qui, à l'issue des négociations internationales, ne s'engageraient pas à prendre des mesures de réduction des émissions de CO2 correspondant à leur capacité.

Les autres États membres les plus sensibles aux questions de compétitivité préfèrent le maintien de l'attribution de quotas gratuits pour les secteurs exposés à la concurrence internationale. La difficulté réside dans le passage de quotas gratuits alloués par les États à la mise aux enchères. Certaines industries craignent les rétorsions de pays tiers. Les travaux du Centre d'analyse stratégique concluent à une probable compatibilité du mécanisme d'ajustement aux frontières avec les règles de l'OMC.

Le point 7 approuve l'encadrement quantitatif de l'usage des biocarburants de première génération et demande un renforcement des efforts de recherche sur les véhicules électriques et les véhicules à pile à combustible dans le cadre du plan stratégique pour les technologies énergétiques – SET.

Le « paquet énergie-climat » fixe un objectif spécifique et contraignant de 10 % de sources renouvelables dans le secteur des transports en 2020. Alors que cette obligation semblait faire référence à 10 % de biocarburants, le Conseil Énergie informel de début juillet 2008 a « découvert » que le texte ne mentionne que des « sources renouvelables », ce qui permet d'inclure dans le ratio de 10 % d'autres sources comme, par exemple, l'électricité.

La Commission Environnement du Parlement européen préconise le découpage de l'objectif de 10 % en deux sous-objectifs : au moins 4 % pour les véhicules électriques et les biocarburants de seconde génération ; 6 % pour les biocarburants de première génération. La Commission Énergie a, enfin, voté en faveur d'une clause de révision en 2014.

Le Conseil Énergie propose des critères qualitatifs dits de « durabilité » plus stricts que ceux prévus initialement par la Commission européenne : ne comptabiliser, à partir de 2009, que les biocarburants assurant une réduction de CO2 d'au moins 35 % par rapport à l'essence ou au diesel traditionnels, ratio qui passerait à 50 % en 2015.

Le point 8 juge nécessaire de trouver dès 2009 des moyens de financement pour les projets de démonstration des technologies de captage et de stockage du carbone. La proposition de résolution choisit de ne pas rentrer dans les détails parce que le sujet n'a pas encore été débattu.

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la capture et le stockage du CO2 pourraient contribuer à près de 20 % de la réduction requise pour diminuer de moitié les émissions de GES d'ici à 2050. Le déploiement de cette technique encore expérimentale n'est pas prévu avant 2015-2020.

Le point 9 encourage un renforcement du volet externe du « paquet énergie-climat » afin de favoriser un rapprochement avec les pays en développement dans les négociations internationales sur le changement climatique. Pour cela, la résolution propose d'affecter une partie du produit de la mise aux enchères des quotas en faveur des actions d'adaptation et d'atténuation dans ces pays et d'assouplir les plafonds fixés pour le recours aux mécanismes pour un développement propre, les MDP. Le « paquet énergie-climat » autorise la délivrance de quotas pour des projets gérés par des États membres destinés à réduire les émissions de GES hors du système ETS. Sont visés les MDP – dans les pays en développements –, pas les MOC (mise en oeuvre conjointe) – dans les pays d'Europe de l'Est hors UE –, ni le marché volontaire dont la Banque mondiale juge qu'il manque d'une norme généralement acceptable.

Le sommet d'Alger, le 19 novembre, a ouvert la porte à une coopération renforcée entre l'Afrique et l'Europe.

Cette proposition de résolution appelle de ma part un avis très favorable, compte tenu de l'excellent travail réalisé par nos collègues de la Commission chargée des affaires européennes, parfaitement clair et approfondi, à la faveur de très nombreuses auditions, ici et à l'étranger.

En outre, les différents points de la résolution sont conformes aux dispositions adoptées par l'Assemblée lors du vote en première lecture du projet de loi Grenelle 1.

Je n'ai donc que des nuances à vous proposer, avec trois amendements venant en complément de ces différents points.

Le premier rappelle l'importance de l'énergie nucléaire pour assurer la sécurité d'approvisionnement énergétique et la compétitivité économique sans émission de CO2.

Le deuxième appelle à l'approfondissement du soutien au développement des ENR, par le soutien à la recherche, notamment dans le domaine du solaire.

Le troisième amendement appelle à la poursuite de la réflexion et des expérimentations pour une meilleure prise en compte de la contribution des forêts à la capture du CO2.

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