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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 19 septembre 2007 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

ministre de l'Économie, des finances et de l'emploi, s'est réjouie d'avoir ainsi l'occasion de s'exprimer devant les deux commissions de l'Assemblée et de répondre à toutes les questions qui relèvent de son champ de compétences, sachant que certaines sont plutôt du domaine du grand ministère de Jean-Louis Borloo.

À l'occasion d'un débat organisé la semaine dernière par Libération sur le thème : la politique est-elle l'esclave du financier, elle avait tenté d'expliquer quel pouvait être le rôle de l'État en matière de politique industrielle, en particulier en tant qu'actionnaire. L'opération Gaz de France Suez en est une bonne illustration car elle peut s'analyser à la fois comme une opération patrimoniale d'ordre public et comme l'expression d'une politique industrielle.

Elle commencera par répondre à ces questions simples : pourquoi, qui, comment, quand et pour qui ?

Première question : pourquoi cette opération ?

Après des mois d'incertitude et de valse-hésitation il était important qu'une décision soit prise rapidement, pour permettre aux entreprises, ainsi qu'à leurs salariés, d'aller de l'avant dans un environnement énergétique en évolution rapide. Le Gouvernement a toutefois pris le soin et le temps d'analyser, sans aucun a priori, toutes les options possibles pour l'avenir de Gaz de France, qui ont fait l'objet d'un large débat au sein du Gouvernement.

La première, qui était de fusionner Gaz de France et EDF, a été écartée tout simplement parce qu'elle n'aurait été acceptable pour la Commission européenne qu'au prix d'un démantèlement profond des deux entreprises et, probablement, du parc nucléaire français. Pour sympathique qu'elle paraisse, il s'agissait donc d'une fausse bonne idée.

La deuxième option aurait consisté à abandonner purement et simplement le projet de fusion avec Suez. Cela serait revenu à laisser Gaz de France définir seul une stratégie autonome à moyen terme, ce qui représentait une perte d'opportunité pour l'entreprise car Suez aurait sans doute rapidement trouvé un axe stratégique de développement, le cas échéant le conduisant à un partenariat stratégique structurant avec un autre grand acteur européen du domaine énergétique, espagnol, italien ou allemand.

Le Gouvernement a donc opté pour une troisième voie en proposant une fusion entre Gaz de France et Suez, en recentrant les activités du groupe sur l'énergie et en en écartant la partie environnement. Cette solution répond aux besoins de Gaz de France en lui donnant accès à d'importantes capacités de production électrique et en lui assurant une dimension internationale dont disposait Suez.

Deuxième question : qui ?

Fort d'une capitalisation de près de 90 milliards d'euros et d'un chiffre d'affaires consolidé de 72 milliards d'euros (avant scission de la branche environnement de Suez), le nouveau groupe GDF-Suez sera l'un des plus grands acteurs multi-énergies aux plans européen et mondial, présent sur l'ensemble de la chaîne de valeur – production, transport, commercialisation, fourniture de services annexes. Le groupe sera ainsi leader du gaz en Europe – premier acheteur et premier commercialisateur, premier réseau de transport, deuxièmeopérateur de stockage – et leader mondial du gaz naturel liquéfié. Le nouveau groupe sera incontournable pour les producteurs, ce qui lui permettra d'acheter du gaz dans des conditions plus compétitives. Il sera également en mesure de mener une politique encore plus volontaire d'investissements dans l'amont gazier. Compte tenu de sa capitalisation boursière, il aura les moyens financiers de ses ambitions.

Avec GDF-SUEZ, la France comptera désormais deux des trois ou quatre premières utilities européennes, au rang desquels figurent également EDF.

Troisième question : comment ?

Il est prévu, dans un premier temps, d'introduire en bourse 65 % du pôle environnement de Suez, qui seront distribués aux actionnaires de Suez, puis, immédiatement après, d'opérer la fusion entre Gaz de France et Suez, sur la base d'une parité de 21 actions Gaz de France en échange de 22 actions Suez. Cette parité a été jugée équitable par les conseils d'administration des deux entreprises. Il est important de préciser qu'ainsi aucun dividende exceptionnel en cash ne sera versé aux actionnaires de Suez, ce qui permettra de préserver entièrement la capacité d'investissement de l'ensemble fusionné.

Quatrième question : quand ?

La fusion devrait pouvoir être effective dans le courant de l'année 2008 compte tenu du temps nécessaire pour opérer la scission puis la cotation de Suez Environnement, mais aussi du délai d'examen par la Commission européenne et de la nécessité de procéder à la consultation des instances représentatives des personnels des deux entités. C'est donc un chantier lourd.

Les grands paramètres de l'opération n'ayant pas changé, les deux entreprises ont demandé à la Commission européenne, qui a déjà approuvé le projet de fusion l'année dernière, une extension jusqu'au 31 octobre 2008 de l'autorisation précédemment donnée.

Cinquième question : pour qui ?

Nombreux sont ceux qui ont déjà exprimé des craintes légitimes sur les conséquences que pourrait avoir cette fusion. Or, l'opération bénéficiera à tout le monde, en prenant en compte les intérêts de l'État comme ceux des consommateurs et des salariés.

L'État y trouvera son compte, même si sa participation passe de 70 à 35 %, tout simplement parce qu'il s'agira de 35 % d'un ensemble beaucoup plus vaste, ce qui donnera une dimension stratégique et une force nouvelle à l'entité ainsi créée, dans laquelle l'État demeurera le principal actionnaire.

En outre, en créant un nouveau champion européen de l'énergie, c'est d'abord la sécurité d'approvisionnement de la France qui s'en trouvera renforcée.

En droit des sociétés, détenir 35 % du capital signifie disposer d'une minorité de blocage : rien de déterminant ne pourra affecter cette nouvelle entité sans avoir préalablement été approuvé par l'actionnaire minoritaire à 35 %. L'État sera en outre largement représenté au conseil d'administration.

Il faut rappeler qu'il ne cédera aucun de ses titres Gaz de France et que la diminution de sa participation résultera du seul effet mécanique de la dilution liée à la fusion. Cette opération ne marquera donc pas du tout un désengagement de l'État qui est et restera l'actionnaire de référence du groupe.

Au demeurant, pour empêcher qu'une décision du conseil d'administration puisse être contraire aux intérêts essentiels de la France, le Gouvernement prendra une action spécifique, appelée golden share, qui donnera à l'État le pouvoir de s'opposer à la cession des infrastructures gazières de Gaz de France situées sur le territoire national.

Le consommateur y trouvera lui aussi son compte.

Aucune hausse des prix de l'électricité et du gaz liée à cette opération n'est à craindre, bien au contraire. C'est en effet l'État qui, en vertu de la loi, continuera de fixer les tarifs de vente du gaz naturel en France, après avis de la Commission de régulation de l'énergie, et en répercutant à la hausse comme à la baisse, comme la loi le prévoit, l'évolution des prix d'approvisionnement, qui suit le cours du pétrole. Le projet de fusion entre Gaz de France et Suez ne change donc rien à la situation existante. Qui plus est, dès lors qu'il deviendra premier acheteur et commercialisateur de gaz en Europe, GDF Suez disposera d'une position forte dans la négociation de ses prix d'achat avec les gros fournisseurs.

Les salariés y trouveront également leur compte.

Ce qui est sûr, d'abord, c'est qu'ils n'y perdront rien : les deux entreprises étant complémentaires à la fois en termes de métiers et de positionnement géographique, les recouvrements entre activités ne devraient être que marginaux. Mais les salariés pourront même y gagner : la taille du groupe permettra de leur offrir en interne des nouvelles chances d'évolution professionnelle, tant en France qu'à l'étranger.

Les salariés de Suez Environnement peuvent aussi être rassurés : GDF Suez conservera une participation stable de 35 % dans le capital de la société Suez Environnement. Un pacte d'actionnaires sera négocié prochainement afin d'assurer la stabilité de l'actionnariat de la société.

Avec un groupe comme GDF Suez, avec des opérateurs comme EDF, Areva ou Total, la France peut être fière de joyaux que le monde lui envie. On ne peut que se féliciter, pour l'État comme pour les consommateurs et pour les salariés, que ces champions industriels, extrêmement actifs dans leurs domaines, soient français.

Le Rapporteur général a remercié le ministre pour la clarté de son exposé et rappelé qu'il faisait partie de ceux qui ont cru, dès l'origine, à l'intérêt de cette opération, pour les clients, ménages et entreprises, mais aussi pour l'État, d'un point de vue patrimonial et financier.

Pour assurer la parité de l'opération tout en maintenant la participation de l'État à 35 % du nouvel ensemble, il faut faire maigrir Suez et c'est ce qui explique la décision de se séparer des activités environnement. Mais nombreux sont ceux qui considèrent qu'il y a une vraie synergie entre les activités environnement et énergie, par exemple dans le domaine de la valorisation énergétique des déchets, mais aussi parce qu'il est important pour les collectivités locales de disposer d'une offre diversifiée pour l'eau, l'énergie et des déchets.

On peut donc se demander pourquoi l'on est obligé de procéder à cette scission. N'aurait-on pas pu envisager, dans le cadre d'une opération véritablement patrimoniale, que l'État achète des actions du nouvel ensemble à la hauteur nécessaire pour en conserver 35 % ? Cela aurait coûté entre 1,5 et 2,5 milliards d'euros, somme dont il dispose puisque 5 milliards d'euros restent disponibles sur le compte de participation, qui est précisément fait pour les opérations patrimoniales mais dont on a décidé qu'il serait utilisé pour rembourser les dettes de l'État à la sécurité sociale. Pourquoi n'a-t-on pas été plus ambitieux, d'autant que cela aurait été conforme à l'intérêt patrimonial de l'État au regard des perspectives de valorisation de ce groupe ?

Par ailleurs, dans la mesure où les reports fiscaux déficitaires du côté Suez sont importants, le rapporteur général aimerait savoir comment se présenteront les choses dans le nouveau schéma : celui-ci modifie-t-il les montants donnés dans les éléments fournis aux analystes financiers ?

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