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Intervention de Anne-Marie Idrac

Réunion du 21 janvier 2009 à 10h45
Commission des affaires économiques

Anne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur :

Je m'efforcerai de répondre dans un premier temps aux questions portant sur l'organisation, la gestion et les moyens.

Monsieur le président, la formation des ambassadeurs et a fortiori des responsables de l'international au ministère de l'économie s'est beaucoup améliorée. Par ailleurs, nous souhaitons que le commercial soit pris en main par des professionnels du commercial : c'est la raison de la dévolution à Ubifrance des commerciaux du réseau, assortie d'une formation ad hoc du personnel local. Les missions économiques travaillent, elles, sur un autre plan : elles peuvent contribuer à éclairer le Gouvernement sur d'éventuelles mesures de protectionnisme, oeuvrer à la levée d'obstacles non tarifaires ou participer à la conclusion de grands contrats. Voilà pourquoi je vous trouve un peu sévère quant à leurs compétences, les entreprises, quant à elles, semblant plutôt satisfaites.

Vous avez évoqué la concurrence entre le privé et le public. Il est vrai que, dans la convention qui la liait précédemment à l'État, Ubifrance était jugée à l'aune de son chiffre d'affaires, ce qui l'encourageait à se placer en situation de concurrence avec les chambres de commerce. J'ai tenu à supprimer cet indicateur de résultats dans la nouvelle convention.

S'agissant des chambres de commerce à l'international, la situation n'est pas si claire. Lorsque les frottements créent l'émulation, c'est bien, mais c'est moins bien lorsque les combats sont ceux du village d'Astérix. Toutefois, la conscience des enjeux contribue à améliorer l'état d'esprit.

À cet égard, je voudrais souligner l'importance des régions, qui, au travers des subventions aux VIE, de l'accompagnement ou des aides aux diagnostics menés par les CCI, représentent des financements de l'ordre de 50 millions d'euros. S'il est normal que les collectivités locales veuillent porter leurs propres étendards – ce qui se révèle parfois efficace, mais souvent contre-productif –, il convient d'harmoniser au mieux leur action.

Je ne demande pas davantage de moyens que ceux que j'ai eu la chance d'obtenir. L'augmentation des crédits d'Ubifrance, que vous avez votée, permettra d'accompagner davantage de PME – 25 % de plus par rapport à 2008 – et de réduire leurs coûts – le taux de subvention pour participer à un salon passe de 35 à 50 %. Plus généralement, c'est la diligence et l'efficacité de la mise en oeuvre des moyens que nous visons, non leur augmentation.

S'agissant des VIE, leur nombre doit passer de 6 000 à 10 000 afin d'accompagner l'exportation et de contribuer à l'effort général d'internationalisation des réflexes et des comportements professionnels. Les PME se déclarent souvent satisfaites de leurs VIE et j'espère qu'elles formeront davantage de groupements pour les employer en commun.

Monsieur le président, nous achèverons début mars la restructuration d'un dispositif de portage tombé en désuétude. Le pacte PME International, présidé par Henri Lachmann – président du conseil de surveillance de Schneider Electric –, se veut une extension du pacte PME ; il devrait mettre fin à la mise en concurrence, par les donneurs d'ordre, des Français avec d'autres fournisseurs.

Alors que les exportations à destination de l'Europe des Quinze accusent une légère baisse, celles vers les nouveaux États membres ont augmenté. Ceux-ci sont encore dans une période de transition et il apparaît très important pour les entreprises françaises de se placer sur le marché de l'utilisation des fonds européens – infrastructures, réhabilitation urbaine –notamment en Roumanie et en Hongrie.

Monsieur Gagnaire, pour chercher la croissance, il faut aller loin, même si vous avez raison de dire que, pour une PME, cela est difficile. De ce point de vue, il ne faut pas renoncer à une zone comme le Maghreb, qui représente 20 % des exportations françaises, mais où l'Italie et la Chine voient leur part augmenter.

En Afrique, la plupart de nos interventions financières sont déliées, mais un nombre croissant prend place dans le cadre de l'AFD et de la politique définie par le Président de la République au Cap. Sous forme de prêts, elles sont censées stimuler le secteur privé et les PME, dans des pays qui offrent des perspectives de développement tout à fait intéressantes. Avec M. Severino, président de l'AFD, nous travaillons, dans le respect des règles du développement, à une meilleure articulation entre les appels d'offre et les financements conduits par l'AFD et les entreprises françaises.

Les grands contrats sont la partie visible, politiquement porteuse, de notre action à l'étranger. Mais ils ne représentent, avec 40 milliards d'euros, qu'un dixième des exportations ; 90 % d'entre elles sont non pas le fruit d'une diplomatie économique, mais le résultat d'un travail commercial, pragmatique et opérationnel, réalisé par les entreprises. Pourtant, vous avez raison de dire qu'il faut modifier le « code génétique » des PME. Nous avons aujourd'hui 98 000 exportateurs, quand l'Allemagne en compte 350 000 et l'Italie 200 000.

Il est surprenant que les pôles de compétitivité aient tardé à se mettre à l'exportation, travaillant sur des niches qui ne peuvent se rentabiliser sur le marché français, ni même européen. Ubifrance et la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services ont signé une convention, dont j'ai pris l'initiative, par laquelle l'État apporte 600 000 euros pour contribuer à l'internationalisation des pôles de compétitivité. C'est un début. Mais prenons garde à certaines approches trop généreuses, qui pourraient conduire à un partage contraire aux nécessités de protection de la propriété industrielle.

Le taux de croissance du secteur de l'agro-alimentaire est supérieur à 7 % en 2008 alors qu'il est en moyenne de 4,5 % dans les autres secteurs. L'un des enjeux fondamentaux des négociations OMC est celui de la protection des indications géographiques. Ce sujet constitue un deal breaker, sur lequel la confrontation avec les États-Unis sera rude. Le ministère de l'économie sera également vigilant quant à la présence des entreprises agro-alimentaires sur les salons internationaux, dont Sopexa et Ubifrance sont, à des degrés divers, responsables. Enfin, la France perdra sans doute sa place de premier producteur de vin au profit de l'Italie, la concurrence provenant, comme on le sait, de la Nouvelle-Zélande et du continent américain.

Il est intéressant de constater que des pays comme l'Inde, dans le cadre de sa deuxième révolution verte, sont demandeurs d'une offre structurée qui recouvre l'ensemble de la filière, des questions d'irrigation à celles de logistique, en passant par la machinerie agricole ou la sécurisation de la distribution. Nous avons tout intérêt à articuler notre offre d'ingénierie à notre rôle politique international, notamment dans le cadre de la lutte contre la faim.

Pour ce qui concerne les grandes cultures, il est important que nous puissions jouer à armes égales avec les autres producteurs. À cet égard, les négociations à l'OMC dépendront en grande partie de l'attitude américaine sur le farm bill, sur les subventions à l'agriculture – notamment aux biomasses –, sur les aides alimentaires – potentiellement liées – et sur les crédits de soutien à l'exportation.

Monsieur Loos, la question des investissements est très complexe. Nous nous efforçons de développer un argumentaire sur le retour de la France sur la scène internationale, sur les réformes, sur la flexibilité et l'innovation. Notre pays ne souffre pas de désamour, mais il se trouve en concurrence avec d'autres, dans un contexte de contraction des investissements internationaux. En 2007, les investissements directs étrangers entrants étaient de 115 milliards, avec 35 000 emplois créés ou maintenus. Les onze premiers mois de 2008 ont connu une baisse, avec 75 milliards d'euros. Ces investissements proviennent majoritairement des pays de l'OCDE, les pays du Golfe ou la Chine étant encore très minoritaires.

L'Agence française pour les investissements internationaux, présidée par David Appia, a pour objectif de nouer quelque 6 000 contacts internationaux par an. L'accent sera mis sur les pôles de compétitivité, un indicateur de performance y étant consacré. Sous tutelle du ministère de l'aménagement du territoire, l'AFII devra également participer à la restructuration des terrains militaires. S'agissant de la mise en concurrence des régions, l'Agence ne manque pas de mettre en lumière les avantages comparés des différentes collectivités sur son site : présence d'un pôle de compétitivité, cadre de vie, caractéristiques du bassin industriel, prix du foncier. Enfin, vous avez évoqué la possibilité d'un recyclage des investissements : j'examinerai cette question.

En accord avec le Premier ministre, j'ai demandé au Conseil d'analyse économique d'étudier le lien qui existe entre les investissements internationaux – en France et à l'étranger –, les importations et les exportations. Nous savons que 40 % des exportations sont le fait des filiales en France de grands groupes internationaux. Nous savons aussi que le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises françaises à l'étranger est le double du chiffre d'affaires des entreprises à l'exportation. Mais les stratégies d'investissement ont tellement évolué ces dernières années que la situation est complexe et exige une telle étude.

La rencontre entre le Président de la République et le Dalaï-lama en Pologne n'a pour l'instant aucune conséquence tangible, dans un contexte où le marché chinois est lui aussi en train de chuter.

S'agissant des négociations à l'OMC, les sujets qui bloquent sont ceux qui concernent l'Inde et les États-Unis. L'accent sera mis sur l'industrie, avec des initiatives sectorielles sur lesquelles nous souhaitons une plus grande ouverture des pays émergents. Nous ne savons pas quelle sera la position du Président Obama, mais il est certain que le Congrès jouera un rôle majeur, comme l'année dernière, où, malgré l'impulsion donnée par le G20, il n'avait pas été possible à Pascal Lamy de réunir les ministres concernés et d'aboutir à un accord sur les modalités. Un test important de la volonté des États-Unis sera le sommet du 2 avril.

Pour conclure, quelles sont les perspectives qui s'offrent à nous ? Les dernières prévisions économiques, associées à la loi de finances pour 2009, tablent sur un déficit de 43 milliards en 2009. La réduction de la facture pétrolière et la résistance de l'euro expliquent la nette amélioration par rapport à 2008, qui termine sur un déficit compris entre 55 et 60 milliards.

Je crois avoir répondu à vos questions, dont la qualité et la variété montrent votre intérêt pour le sujet, qui concerne beaucoup plus nos concitoyens qu'eux-mêmes veulent bien le penser.

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