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Intervention de Anne-Marie Idrac

Réunion du 21 janvier 2009 à 10h45
Commission des affaires économiques

Anne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur :

Cela fait maintenant huit mois que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié la mission de veiller au commerce extérieur. Je passe plus des deux tiers de mon temps hors de France, ce qui représente une trentaine de pays visités en 2008 et au moins une quarantaine en 2009, sans compter des déplacements en province, où je m'émerveille du tonus des entreprises exportatrices, comme hier à Pau.

Les enjeux structurels sont connus, l'enjeu majeur étant, dans les prochaines années, de consolider notre part de marché, qui se situe autour de 4 %. Il faut profiter de la crise pour l'accroître, surtout dans les pays émergents. En Chine, elle n'est que de 1,5 %, en Inde de 2 % et au Brésil de 3 % seulement. Notre part de marché s'est stabilisée à la baisse alors que la Chine, qui représente près de 9 % du commerce mondial, est en passe de dépasser l'Allemagne et de devenir le premier exportateur mondial. Cette percée s'est faite au détriment de la part relative des États-Unis et du Japon, tandis que l'Italie résistait mieux et se plaçait juste derrière la France. C'est pour nous un nouveau challenge, après celui que nous lance l'Allemagne.

Le commerce extérieur constitue un enjeu en termes d'emploi puisque 1 milliard d'exportations représente 15 000 emplois. Autrement dit, nos exportations, qui pèsent 400 milliards, soit 20 % du PIB, emploient le quart de la population active. Nous devons avoir une attitude positive, et éviter de sombrer dans le défaitisme puisque nous restons tout de même le cinquième exportateur mondial.

Le maintien, voire la conquête de parts de marché, pose le défi de la compétitivité prix. Malheureusement, la dégradation de nos soldes, et corrélativement de nos parts de marché et de notre rang, n'est que la partie émergée de l'iceberg. Notre moindre compétitivité nous place dans une situation moins favorable que l'Allemagne, même si nos entreprises ont fait beaucoup d'efforts.

S'agissant de la conjoncture, les chiffres de l'année 2008 seront publiés le 6 février, mais d'ores et déjà la tendance est claire : la chute des exportations due à celle de la demande étrangère a été plus rapide que celle des importations qui ont été portées par le prix du pétrole et le niveau soutenu de la consommation. Ce constat justifie d'avoir axé le plan de relance sur l'investissement. Nous sommes extrêmement dépendants de la conjoncture des pays voisins, les deux tiers de notre commerce extérieur étant destinés aux membres de l'Union européenne, et 60 % aux Quinze. Cette caractéristique est un atout dans la mesure où elle nous protège des aléas du dollar, mais nous avons été touchés de plein fouet dès le deuxième trimestre de 2008 par la chute brutale de la demande en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne et en Italie. Les exportations de nos concurrents ont aussi diminué très fortement : celles de l'Allemagne ont reculé de 10 % en novembre – le dernier mois dont les résultats sont connus.

Quant au secteur automobile, notre excédent, qui était il y a quatre ans de 12 milliards, s'est transformé en un déficit qui pourrait bien atteindre 3 milliards cette année, et près de la moitié de la dégradation du solde global lui est imputable. Le recul de la part de marché de Renault ou de Citroën sur les marchés européens ne peut être endigué sans une politique d'innovation et de compétitivité. L'industrie automobile doit être au coeur de l'analyse fine qu'il faudra mener sur les bienfaits et les méfaits de l'internationalisation en mesurant l'impact des délocalisations.

Il convient cependant de relever un point positif dans le contexte actuel : nos grands contrats se portent bien, les années 2007 et 2008 s'étant révélés des crus remarquables. Il s'agit d'un bon baromètre de nos performances industrielles dans la haute technologie. Ces contrats sont conclus pour partie avec les pays émergents, en particulier le Moyen-Orient, et ils amorcent le redéploiement que nos industries doivent impérativement opérer pour diversifier leurs débouchés. Dans plusieurs pays, les plans de relance se font par les infrastructures et, même s'ils réservent une part importante à l'industrie locale, les grandes entreprises françaises et leurs sous-traitants pourraient en tirer bénéfice. Les services de Bercy ont ainsi évalué à 0,7 point sur deux ans l'impact du plan Obama dans sa dimension environnementale et en faveur des infrastructures collectives. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en parler avec une dizaine de maires de villes américaines.

Le panorama ne serait pas complet si l'on omettait de souligner que nous restons exportateurs de services, même si nous sommes à cet égard moins dynamiques. Avec une centaine de milliards en volume, nous occupons le quatrième rang.

En quoi a consisté notre action l'année dernière ?

Tout d'abord, je me réjouis de la convergence de vue entre le Gouvernement et votre Commission. Le rapport Cousin-Gaubert, c'est simple, nous l'avons appliqué, et il constitue une pièce importante de la reconfiguration complète de notre appareil au service de l'exportation, que j'ai opérée ces derniers mois.

Premièrement, Ubifrance a été réorganisée et rénovée de fond en comble. Cet établissement public porte les actions de l'État en vue d'accompagner les entreprises. Nous avons délibérément ciblé les PME et les VIE. L'administration de l'État a été restructurée de façon à distinguer les actions économiques relevant du domaine régalien et les missions commerciales incombant à Ubifrance. Au 1er janvier 2009, quinze missions établies dans huit pays lui ont été rattachées et, au 1er septembre 2010, soixante-quatre d'entre elles dispersées dans quarante-quatre pays, soit 85 % du réseau, auront été transformées en bureaux d'Ubifrance. Et vous pourrez contrôler. De leur côté, les missions de l'État stricto sensu ont été redéfinies, la diplomatie économique se révélant, par les temps qui courent, décisive pour peser sur la régulation mondiale.

Deuxièmement, le caractère coopératif de la réorganisation doit être souligné, puisque nous avons réussi, en nous appuyant sur la bonne volonté de chacun, à faire travailler ensemble les chambres de commerce – en quelque sorte le bras séculier d'Ubifrance en province –, Ubifrance, les conseillers du commerce extérieur et les chambres de commerce françaises à l'étranger. Cette « équipe de France » – telle est maintenant l'expression – est rassemblée sous un logo unique et l'ensemble des acteurs vise désormais les mêmes objectifs, en particulier l'accompagnement des PME.

Troisième élément de la réforme : l'activation des procédures. En 2008, le nombre de volontaires internationaux à l'étranger a augmenté de 13 %, de même que les opérations collectives d'accompagnement d'entreprises. L'assurance prospection, qui a été remodelée en début d'année, a vu augmenter le nombre de ses bénéficiaires, de 23 %, et l'assurance-crédit, hors nucléaire, a progressé de 30 %. Les procédures ont donc été remodelées et revitalisées. En 2009, Ubifrance devra augmenter de 25 % ses accompagnements d'entreprise, toutes formules confondues.

Vos préconisations concernant les PME ont donc été suivies, et avec dynamisme. La chute de la demande et la crise pourraient inciter au repli sur soi, mais ce n'est pas notre posture compte tenu des emplois qui sont en jeu et de l'envie des entreprises de s'ouvrir à l'international, qu'elles soient poussées par la nécessité ou qu'elles cèdent à l'appel du large.

Au-delà, j'insiste sur le lien qui existe entre exportation et innovation, qu'il faut considérer aussi bien dans le court terme que dans le moyen terme pour fonder notre stratégie de positionnement industriel. Notre problème principal réside dans notre compétitivité, mais le Gouvernement fait le choix de miser sur l'innovation.

OSÉO, et je m'en félicite, s'est impliqué davantage dans l'assurance prospection dédiée à l'innovation et la recherche, et dans l'accompagnement bancaire et financier des entreprises exportatrices. Son bilan d'activité, récemment publié, montre qu'il existe bien une prime à l'innovation. Une entreprise innovante a dix fois plus de chances d'exporter qu'une entreprise ordinaire. Les entreprises innovantes et fortement exportatrices embauchent plus que les autres, investissent davantage, et elles résistent mieux que les autres. Ces éléments prouvent la pertinence du crédit d'impôt recherche, auquel toutes les entreprises exportatrices que j'ai rencontrées ont fait appel sans émettre la moindre critique. Beaucoup de pays pourraient être jaloux de ce mécanisme.

De même, les pôles de compétitivité jouent un rôle important pour inciter les PME à exporter. Plusieurs d'entre eux ont passé des accords avec les pôles internationaux. J'ai dédié une section d'Ubifrance à cette activité particulière et j'ai signé dans ce but une convention d'objectifs et de moyens avec OSÉO et Ubifrance.

Un point mériterait sans doute des travaux spécifiques de la Commission : la propriété intellectuelle, qui devient plus cruciale que jamais. La législation française est exceptionnelle, mais elle soulève des problèmes de mise en oeuvre et de coopération avec nos collègues européens. Dans le sillage de la présidence française, nous poussons à la reconnaissance d'un brevet européen, et d'une juridiction ad hoc. Je m'y applique dans les négociations internationales, notamment dans celles qui doivent aboutir à l'accord de commerce anti-contrefaçon, dit traité ACTA.

À court terme, il faut aider les entreprises à surmonter leurs difficultés à financer leurs exportations, qui risquent de compromettre leur position à l'international. Dès le mois d'octobre, je suis intervenue, en liaison directe et étroite avec les PME, pour débloquer des mécanismes de caution, ou de confirmation de lettres de crédit. Il s'agit de mesures très techniques mais, de l'avis général, elles ont contribué à soulager les entreprises.

Dans quelques jours, nous présenterons la politique de la COFACE pour 2009, qui sera délibérément dynamique et volontariste. Elle mettra l'accent sur des pays tels que le Brésil – où c'est l'année de la France et où je me suis rendue avec le Président de la République avant Noël – tout en veillant à réagir rapidement pour éviter les risques. Dans le dispositif que Christine Lagarde élabore à la demande du Président de la République pour venir une nouvelle fois en aide aux banques, il est prévu d'assortir le soutien de conditions en matière de financement des grands contrats. Par exemple, l'un des grands problèmes posé à l'aéronautique est celui de savoir si ses clients parviendront à se financer.

Le Parlement, et je l'en remercie, a voté la multiplication par deux de la réserve concernant les pays émergents, qui finance des opérations ponctuelles, comme un satellite, une usine de dessalement, un métro. Là aussi, des emplois sont à la clé.

En ce qui concerne le Grenelle, je prévois un plan d'action pour mieux structurer la filière industrielle. La semaine prochaine, je serai en Inde à la tête d'une délégation d'une centaine d'entreprises et d'organismes – il y aura l'ADEME, de très grosses entreprises et des toutes petites start up – pour participer, à la demande du gouvernement indien, à un salon consacré au développement durable qui se tiendra à Delhi. Je compte multiplier ce genre de déplacement et organiser l'été prochain une manifestation réunissant l'ensemble des nombreux acteurs du secteur, lesquels ne sont pas toujours très structurés, autour de sujets prioritaires tels que la capture et le stockage du CO2 ou le traitement de l'eau. Des accords ont été conclus, ou sont en passe de l'être, avec plusieurs pays au titre des mécanismes pour un développement propre, les CDM, c'est-à-dire les Clean Development Mechanisms. Ils seront au coeur des négociations de Copenhague et il faudra lier nos enjeux industriels à la négociation multilatérale.

Le G20, réuni à l'initiative du Président de la République le 15 novembre dernier, a rappelé qu'il n'y avait rien de plus important que de lutter contre le protectionnisme. À ce jour, les tensions sont limitées au Pakistan et à l'Indonésie mais, dans certains grands pays émergents comme l'Argentine, la Russie, et l'Inde, où les exportations de pneus de Michelin sont désormais pénalisées, il existe quelques manifestations préoccupantes sans qu'elles aient eu de véritable impact sur le commerce international. Toutefois, le signal politique n'est pas bon.

En dehors du protectionnisme à l'ancienne faisant intervenir les droits de douane et les obstacles non tarifaires classiques, apparaît une « zone grise » dont relèvent des pratiques comme les exonérations de TVA à l'export en Chine, la constitution de stocks de précaution fournis par des producteurs nationaux, ou encore les pseudo-mesures environnementales. Les plans de relance pourraient en receler également : il faudra veiller aux taux des prêts qui seront consentis dans ce cadre, pour éviter les ruptures de concurrence.

Dans un tel contexte, l'OMC apparaît plus que jamais comme un lieu remarquable de régulation mondiale, notamment en matière financière, et l'organe de règlement des différends doit conserver tout son rôle. Par l'intermédiaire de l'Union européenne, la France a demandé son intervention s'agissant de l'acier, du roquefort – même si sa taxation à 300 % a profité à la moutarde – ou le boeuf américain aux hormones. Le Président de la République fait de la lutte contre le protectionnisme un enjeu important, qui sera discuté lors du prochain G20, au début du mois d'avril.

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