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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 14 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Pour ce qui est du contexte, un préalable a été rempli : une approche européenne des actions à mener. À défaut d'une gouvernance économique européenne, il était indispensable, pour que les actions des gouvernements européens soient crédibles et efficaces, qu'elles s'inspirent des mêmes principes et soient appliquées dans un même temps. Après les tours et détours de certains États qui ont souhaité ou cru possible de jouer chacun dans sa cour, et après le constat de la non-faisabilité d'un fonds européen à la Paulson, la réunion et les décisions de l'Eurogroupe vont dans le bon sens, malgré leur caractère tardif, incomplet et insuffisant pour faire face à la crise globalisée à laquelle nous sommes confrontés.

Les interlocuteurs de la commission des finances, notamment les autorités des marchés monétaire et financier, nous ont réaffirmé que le système bancaire français était solide dans ses fondamentaux, puisqu'il est bien capitalisé et qu'il fait la part la plus importante à l'activité de dépôt. Il n'empêche que, en raison notamment de l'existence de produits toxiques dont certaines banques ont pu se porter acquéreuses, nous sommes confrontés à une crise de confiance et à un risque de paralysie économique.

Deux moyens essentiels nous sont proposés, par le biais de deux entités : une société de refinancement et une société dont l'État est l'unique actionnaire, une société des participations de l'État. Il me paraît essentiel, madame la ministre, que nous obtenions de votre part des précisions et des éclaircissements sur plusieurs points, dont certains ont été rappelés par le rapporteur général. Ainsi, la nature juridique de la société de refinancement n'est pas explicitée. Quel sera son capital ? Comment sera composé l'organe qui l'administrera ? Quelle sera l'implication de l'État ? À mes yeux, celle-ci doit être forte, dès lors qu'il ne peut s'en remettre aux seuls acteurs du marché, dont nous avons vu où ils nous ont conduits. Les administrateurs seront-ils rémunérés ? De quelle compétence disposera cette société qui doit être créée dans les plus brefs délais ? Fera-t-on appel à la Banque de France ? Quant au Parlement, puisque c'est son rôle, compte tenu des pouvoirs des commissions des finances, il devra avoir toute sa place – de manière pluraliste – dans le suivi et la surveillance des opérations de l'établissement.

À la différence du fonds Paulson aux États-Unis, cette société n'a pas pour objet de racheter les actifs dégradés des établissements en difficulté mais, et c'est préférable, de refinancer les activités des établissements financiers et de relancer le crédit interbancaire, en contrepartie d'une rémunération de la garantie de l'État et de celles qu'apporteront les établissements qui en bénéficieront. Mais, là encore, à quelles conditions et à quel prix l'État accordera-t-il sa garantie ? Ce prix sera-t-il le même pour tous les établissements ou la décision sera-t-elle prise au cas par cas et, alors, selon quels critères ?

Les éléments d'actif pris en garantie seront plus larges que ceux acceptés actuellement par la BCE. Il s'agit notamment des prêts assortis d'une hypothèque, de certains prêts aux entreprises et des prêts à la consommation consentis aux particuliers. Comment s'assurer qu'ils seront d'une qualité suffisante ? Disposera-t-on de l'expertise nécessaire pour les évaluer ? Autant de questions sur lesquelles nous n'avons pas toutes les réponses pour l'instant.

Quant à la société de participation, dont l'Etat sera l'actionnaire unique, elle pourra être amenée à lever des financements, qui bénéficieront de la garantie de l'Etat, afin de souscrire des titres émis par des organismes financiers – en d'autres termes, afin d'entrer dans le capital de ces établissements. Quelle sera la nature juridique de cette société ? Quel sera son mode de gouvernance ? Comment le Parlement sera-t-il impliqué dans le suivi et dans la surveillance de son action ?

Enfin, en comptabilité patrimoniale, les actifs de cette société de participation seront-ils agrégés à ceux de l'Etat ? Et comment seront comptabilisés les montants qui seraient couverts par la garantie de l'Etat, au regard des critères de Maastricht et, tout simplement, de la nécessaire transparence ?

Plusieurs Etats de l'Union étant concernés par des dispositifs de cette nature, pouvez-vous nous dire ce qui est envisagé, au niveau européen, pour traiter cette question ?

Les mesures d'urgence qui nous sont proposées peuvent aller dans le bon sens. Si elles doivent rétablir la confiance des marchés, elles ne doivent toutefois pas nous exonérer de faire rapidement des propositions pour plus et mieux réguler. Elles constituent une réponse utile, mais partielle et insuffisante pour faire face à une crise économique qui exige une autre politique économique, budgétaire, fiscale, d'autres initiatives sur le plan européen. A ce niveau, il a été question de plan de relance. Encore faut-il prendre des initiatives pour aller dans ce sens.

De tout cela, nous devrons débattre lorsque nous examinerons la semaine prochaine les projets de loi de programmation des finances publiques et de finances pour 2009. Comment croire qu'un projet de loi de finances préparé depuis quelques mois soit de nature à répondre à la crise actuelle ? Madame la ministre, monsieur le ministre, il faudra que vous puissiez répondre à toutes ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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