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Intervention de Michel Diefenbacher

Réunion du 22 octobre 2008 à 8h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Diefenbacher, Rapporteur spécial :

Le montant des crédits de la mission Sécurité inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 s'inscrit dans le prolongement de la LOPSI 1 – loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – qui avait été marquée par une augmentation importante des crédits et qui avait conduit à une amélioration sensible de la performance du système. Par ailleurs, il marque la première année d'application de la LOPPSI 2 avant même que celle-ci ait été délibérée, mais les orientations du Gouvernement en matière de sécurité sont maintenant claires : stabilisation des crédits, baisse des effectifs et poursuite de l'amélioration des performances.

On peut tirer de la LOPSI 1, arrivée à son terme le 31 décembre 2007, un bilan très positif, grâce notamment à la qualité de la gestion du ministère de l'Intérieur tout au long de la mise en oeuvre de la loi.

Pendant toute la période, les effectifs de police sont passés de 132 411 en 2003 à 148 474 ETPT – équivalents temps plein travaillé – en 2007, soit un taux de réalisation de 99 % du plafond d'emplois, et à 147 982 ETPT en 2008, soit un taux de réalisation de 99,6 %. Quant à la gendarmerie, son effectif global est passé de 96 724 militaires et civils en 2003 à 100 410 ETPT en 2007, soit un objectif atteint à 98,3 %, et à 100 743 ETPT en 2008, soit un taux de réalisation de 99 %.

Les rémunérations ont été améliorées dans les conditions qui ont été fixées, pour la police, par le « protocole corps et carrières » et, pour la gendarmerie, par le plan d'adaptation des cadres aux responsabilités exercées – PAGRE –, l'objectif étant de parvenir à la parité globale de rémunération entre policiers et gendarmes.

Les méthodes et les moyens ont été modernisés et renforcés, l'accent étant mis en particulier sur le développement de la police technique et scientifique avec le développement du fichier automatisé des empreintes digitales – FAED – et du fichier automatisé des empreintes génétiques – FNAEG.

Il convient également de souligner la souplesse d'adaptation du ministère de l'intérieur en matière immobilière, dans la mesure où les coûts de construction ont été beaucoup plus élevés que ceux prévus au départ. Grâce à des redéploiements, la dépense prévue de 375 millions d'euros a pu atteindre 530 millions d'euros. C'est là l'un des avantages majeurs que la LOLF offre aux ministères en leur permettant une souplesse de gestion des crédits qu'ils n'avaient pas auparavant.

Favorable du point de vue de la gestion des crédits, la LOPSI 1 a également conduit, en matière de lutte contre la délinquance et d'activité des services, à des résultats très favorables.

Alors que la délinquance générale avait augmenté de 15,3 % entre 1999 et 2002, elle a diminué de 8,2 % entre 2002 et 2005. Les résultats les plus spectaculaires ont été constatés en zone de gendarmerie où la croissance de la délinquance avait été très forte dans la période précédente.

Cette baisse de la délinquance touche également la délinquance de proximité qui a baissé de 25,1 % de 2002 à 2006, alors qu'elle avait augmenté de 10,6 % entre 1999 et 2002.

Plus intéressant encore est le taux d'élucidation qui a crû de façon importante ce qui montre à la fois que la motivation des services et la qualité de leur travail se sont améliorées : le nombre de faits élucidés par rapport à celui des faits constatés est de 34,81 % en août 2008, alors qu'il n'était que de 26,27 % en 2002.

Entrant désormais dans la période impartie à la LOPPSI 2 – loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure –, il nous faut constater que le cadre budgétaire est beaucoup plus contraint.

La mission Sécurité voit, dans le projet de loi de finances pour 2009, son enveloppe d'autorisations d'engagement fixée à 16 160 millions, soit une diminution de 0,5 % par rapport à l'année précédente, et celle des crédits de paiement à 16 230 millions, soit une augmentation de 2,2 %.

Au sein de cette enveloppe globale, les dépenses de personnel représentent 85 % de la mission, soit 13 800 millions, ce qui correspond à une augmentation en autorisations d'engagement et en crédits de paiement de 3,2 % par rapport à l'année dernière. Toutefois, les différentes lignes sont traitées très différemment.

L'augmentation la plus importante – elle est même massive – porte sur les crédits de pensions de retraite. Elles atteignent désormais 5,5 milliards d'euros, soit 40 % de la totalité des dépenses de personnel, en augmentation de 21 % par rapport à l'année précédente du fait d'une augmentation du taux de contribution employeur. L'augmentation est encore plus spectaculaire pour la police nationale, soit 38 % en une seule année, après que les crédits de pensions de la gendarmerie nationale ont augmenté de près de 40 % au cours de l'année 2008.

Dans ces conditions, les rémunérations des personnels en activité doivent augmenter d'une manière beaucoup plus modérée, soit 1,3 % pour la police et 0,6 % pour la gendarmerie, sachant que les rémunérations individuelles des agents vont, elles, augmenter à un rythme beaucoup plus rapide que les dotations budgétaires. Outre que les revalorisations du point d'indice ont d'ores et déjà été annoncées, soit 0,5 % en juillet et 0,3 % en octobre 2009, il convient d'ajouter le glissement vieillesse technicité – GVT – ainsi que les conséquences budgétaires de la mise en oeuvre du protocole corps et carrières ou du PAGRE pour la gendarmerie.

Les services ne peuvent, dans ces conditions, tenir leur enveloppe budgétaire qu'en diminuant leurs effectifs. Pour la police nationale, le plafond d'emploi diminuera en 2009, de 2 383 ETPT, tandis que la gendarmerie connaîtra 1 246 suppressions d'ETPT, soit un peu plus de 3 600 personnels sur la seule année 2009, cet effort devant se poursuivre au cours des années suivantes.

C'est là l'un des paradoxes de la situation dans laquelle nous entrons : pour la mission Sécurité, les dépenses globales de personnel augmentent, de 3,2 %, mais les effectifs diminuent de 1,5 %.

Les moyens de fonctionnement hors personnel sont à peu près stables par rapport à l'année dernière, soit autour de 1 800 millions d'euros, tandis que les crédits d'investissement sont en baisse, du fait du « contrecoup » de l'achèvement de la LOPSI 1 qui a marqué un effort majeur en la matière. Les enveloppes en matière d'investissement reviennent donc à un niveau plus modéré, passant de 607 millions d'euros en 2008 à 508 millions d'euros l'année prochaine, la baisse la plus sensible étant celle des crédits de la gendarmerie nationale, soit moins 23 %.

Afin de garantir, dans ces conditions, le maintien et, si possible, la progression de l'efficacité des services avec des dotations budgétaires stables et, dans certains cas, en diminution, plusieurs réponses sont apportées.

Si la première est de donner la priorité absolue à la police scientifique, la deuxième tend à la poursuite de la réorganisation de la sécurité publique. À cet égard, deux mesures peuvent être mises en exergue.

Il s'agit, d'abord, des redéploiements entre la police et la gendarmerie, même s'il n'y en aura pas beaucoup en 2009. Dans un premier temps, les redéploiements se traduisent par des dépenses supplémentaires, car il faut réinstaller les services et muter les personnels. Dans la police nationale, pour éviter tout problème social, il avait été accepté, lors de la suppression de tel ou tel commissariat, d'appliquer la règle selon laquelle les fonctionnaires de police choisissent librement leur service et leur lieu d'affectation, ce qui s'est traduit dans bien des cas par des sureffectifs à l'impact budgétaire important. Ces sureffectifs se résorbent progressivement, ce qui permettra une répartition des effectifs de police plus conforme aux besoins de fonctionnement des services.

Aujourd'hui, nous entrons dans la période d'efficacité maximale de la réforme des redéploiements des services de police et de gendarmerie.

La seconde mesure importante tient à la diminution des effectifs de CRS et à la création d'unités nouvelles que sont les compagnies de sécurisation et les unités territoriales de quartier – UTEQ.

La réorganisation des compagnies républicaines de sécurité s'explique par le fait que l'évaluation de leurs conditions de fonctionnement montre qu'elles ne consacrent à leur coeur de métier, qui est le maintien ou le rétablissement de l'ordre public, que 15 % de leur temps, le reste étant dévolu pour l'essentiel à des activités de sécurisation, activités que les CRS ne peuvent remplir avec le maximum d'efficacité. D'une part, ces activités ne relèvent pas de leur métier et, d'autre part, les unités évoluent dans un cadre géographique qu'elles connaissent moins bien que les services de sécurité publique. L'idée a donc été d'alléger les effectifs et le nombre des compagnies républicaines de sécurité et de réorganiser les structures d'état-major, notamment zonal. Les moyens économisés de cette manière permettront la création de compagnies départementales de sécurisation ce qui, du point de vue de l'efficacité du service, me semble très positif.

Ces compagnies, localisées dans un département déterminé, et qui y servent tout au long de l'année sauf besoin urgent dans les départements limitrophes, bénéficieront d'une formation en matière de lutte contre la délinquance – la première compagnie de sécurisation a été mise en place en Seine-Saint-Denis le 1er octobre 2008. Elles pourront par ailleurs s'appuyer sur les nouvelles unités territoriales de quartier – huit de ces unités ont été créées dans trois départements.

Troisième réponse apportée pour garantir l'efficacité des services, le réexamen des gardes statiques auxquelles la police et la gendarmerie consacrent au total à peu près 4 000 ETP.

Si des moyens de protection sont nécessaires afin de garantir la sécurité des institutions de la République – Élysée, Matignon, Assemblée nationale, Sénat... –, des ambassades – celles des États-Unis, d'Israël et de Grande-Bretagne, notamment – ou d'autres institutions comme le Palais de justice de Paris, on ne peut cependant que s'interroger sur le volume des effectifs consacrés à leur protection. C'est ainsi que la sécurité du Palais de justice de Paris immobilise plus de 500 agents, soit trois fois plus que l'hôtel de Matignon.

Autant il est nécessaire d'assurer la sécurité de l'activité juridictionnelle à Paris, autant on peut se demander si cette responsabilité doit peser à ce point sur les seuls services de la gendarmerie. C'est un domaine sur lequel il nous faut travailler en liaison avec le ministère de l'Intérieur. Il existe d'autres solutions telles que la sous-traitance, la vidéosurveillance et la mise en oeuvre plus active des moyens des administrations concernées.

Quatrième et dernière piste permettant de garantir l'efficacité des services, la poursuite de l'effort de mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie.

Beaucoup a déjà été fait dans ce domaine, mais on peut faire plus encore. Désormais, la direction générale de la Gendarmerie nationale fait partie intégrante du ministère de l'Intérieur comme la direction générale de la Police nationale ce qui devrait permettre une meilleure synergie entre les deux services. Déjà, la mutualisation de commandes, d'actions de formation d'entretien et des matériels a été engagée. Demain, la localisation du directeur général de la Gendarmerie nationale et de son équipe rapprochée au sein même de l'ensemble immobilier de la place Beauvau permettra la recherche d'une synergie notamment en matière immobilière et de gestion des crédits. Actuellement, la gendarmerie nationale gère elle-même son immobilier contrairement à la police nationale où elle est gérée par la direction de la Programmation, des affaires financières et immobilières – DPAFI.

Il en va de même pour la gestion de crédits, sachant que si elle relève demain de la DPAFI du ministère de l'Intérieur, cela peut conduire non seulement à alléger la charge administrative de la gendarmerie nationale, mais également à réexaminer le dispositif. Alors que l'ordonnateur secondaire des dépenses de la gendarmerie nationale est aujourd'hui l'échelon zonal, la logique voudra demain que l'ordonnateur secondaire soit le préfet de département.

Le ministère de l'Intérieur a fait la preuve de la performance de sa gestion en période de vaches grasses. Il devra faire, demain, la preuve de sa performance en période de vaches maigres. Tel est, à mon avis tout l'enjeu de la LOPPSI 2.

En conclusion, je propose à la Commission d'adopter les crédits de la mission Sécurité tels qu'ils nous ont été soumis.

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