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Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 22 octobre 2008 à 8h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Montchamp, Rapporteur pour avis :

C'est un texte volontariste que nous examinons aujourd'hui, puisqu'il prend la mesure des enjeux cruciaux qui sont ceux des comptes sociaux. Certes, il ne règle pas le problème structurel du retour à l'équilibre, à long terme, des comptes de la sécurité sociale, d'autant plus qu'il intervient dans un contexte économique qui s'est dégradé depuis quelques mois, et plus encore depuis quelques semaines.

Il comporte toutefois des mesures importantes de redressement des comptes de la sécurité sociale, et cela, dès 2009, de même qu'il s'inscrit dans un cadre pluriannuel qui permet de définir une trajectoire de résorption des déficits à l'horizon de 2012.

En ma qualité de rapporteure pour avis, je ne m'attacherai pas à commenter en détail les dispositions prévues par le projet de loi : c'est là la mission de nos collègues de la commission des affaires culturelles. En revanche, il m'a semblé important de rendre compte à la commission des finances des évolutions qui affectent les comptes sociaux et, en regard, de présenter l'impact global sur les comptes des mesures contenues dans ce texte.

Je tiens auparavant à saluer les avancées permises cette année grâce au projet de loi de programmation des finances publiques, dont la discussion par notre assemblée a débuté cette semaine, et qui fixe, dans un cadre pluriannuel, des objectifs d'évolution des déficits et de la dette publique, par la fixation d'une norme de dépenses et d'une prévision d'évolution des recettes. Cette dernière intègre d'ailleurs un objectif de gel des niveaux atteints par les exonérations de cotisations et les niches sociales. C'est une bonne nouvelle pour les régimes de sécurité sociale qui accusent des pertes de recettes importantes à ce titre – pertes qui ne sont d'ailleurs par toujours compensées. Surtout, je me permets de rappeler qu'un tel cadrage pluriannuel existe, en matière de sécurité sociale, depuis la LOLFSS de 2005.

Une fois n'est pas coutume : on ne peut en effet que se réjouir de l'élargissement à l'ensemble des finances publiques d'une méthode dont les vertus ont pu être éprouvées pour les comptes de la sécurité sociale depuis trois exercices déjà.

La recherche d'une vision consolidée des comptes publics doit être une préoccupation constante, et ce projet de loi y contribue grandement.

Je parlerai, en premier lieu, de l'équilibre général et des recettes de la sécurité sociale.

Il faut tout d'abord reconnaître que la situation financière de nos comptes sociaux n'est pas bonne : le déficit du régime général s'établit en effet à 8,7 milliards d'euros cette année, ce qui est très lourd. En l'absence de mesures de redressement, il atteindrait 15 milliards d'euros en 2009, soit un niveau encore largement supérieur à celui de 1995. C'est à l'aune de ces prévisions, établies par la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2008, que l'on doit juger de l'effort qui est fourni par le PLFSS. Et cet effort est conséquent. L'ensemble des mesures prises dans ce texte permettra en effet de réduire le déficit du régime général de plus de 6 milliards d'euros !

L'effort de réduction des déficits est réparti équitablement entre la mise en place de recettes nouvelles et les mesures d'économies, et ce n'est pas la moindre vertu de ce texte.

Tout d'abord, en matière de recettes nouvelles, ce sont essentiellement les branches maladie et vieillesse qui en bénéficieront – on le comprendra aisément. Le projet de loi propose ainsi une majoration conséquente de la taxe sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires, dont le rendement est estimé à 1 milliard d'euros. Par ailleurs, 400 millions d'euros sont attendus de la mise en place d'un « forfait social », sous la forme d'une contribution patronale sur certaines niches sociales liées à l'intéressement et à la participation. Il faudra intégrer à nos réflexions l'évolution des structures de rémunération pour porter l'effort sur la sphère de rétribution globale, et pas simplement sur la part salariale, ce qu'esquisse le forfait social qui vous est soumis.

Le projet propose également de pérenniser la contribution acquittée par l'industrie pharmaceutique, le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires la concernant étant relevé à 1 %. Enfin, s'agissant de la branche vieillesse, les cotisations retraites seront relevées de 0,3 % en 2009.

La nécessité de réaliser des économies est centrale et, de ce point de vue, le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis s'y attache fortement. Le texte prévoit en effet 1,9 milliard d'euros d'économies pour la seule branche maladie du régime général. J'aurai l'occasion d'y revenir. C'est également en termes d'économies réalisées que l'on trouve, à mon sens, la mesure la plus vertueuse de ce PLFSS. Il s'agit, notre président l'a évoqué, de deux transferts de dettes, opérés parallèlement en PLF et en PLFSS. L'un concerne la suppression du FFIPSA et la reprise de sa dette, à hauteur de 7,5 milliards d'euros, par l'État. L'autre concerne le régime général et le fonds de solidarité vieillesse – FSV –, avec un transfert de leurs dettes respectives à la CADES, à hauteur de 27 milliards d'euros, sans prolongement de la durée de vie de la Caisse, et sans augmentation de la CRDS ou de la CSG – puisque le financement s'opère par un transfert de 0,2 point de CSG. Ces deux mesures phares permettront de réaliser une économie substantielle en termes de charges d'intérêt de 1,4 milliard d'euros au total, dont 1,1 milliard d'euros pour le seul régime général dont la trésorerie est gérée par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS.

L'importance des déficits cumulés par la sécurité sociale m'a en fait conduite, dans le cadre de la préparation du rapport qui sera publié au début de la semaine prochaine, à établir un diagnostic sur la gestion de la trésorerie et le financement de la dette de la sécurité sociale. S'agissant de cette question de la dette et du coût de la trésorerie, on est là sur un risque endogène : c'est le risque dans le risque.

J'ai ainsi été amenée tout d'abord à constater l'étendue des progrès réalisés depuis la LOLFSS : nous sommes aujourd'hui informés tant de l'évolution du coût des exonérations de charges que de leur compensation, nous pouvons suivre la gestion de la trésorerie du régime général, ainsi que les modalités du financement de la dette sociale par la CADES. Cette information gagnerait toutefois à être encore améliorée. J'ai fait part, tout à l'heure, de mon attachement à une vision consolidée des comptes sociaux. Celle-ci me semble en effet essentielle pour construire des prévisions solides, engager un véritable travail de prospective sur l'avenir de l'ensemble des comptes sociaux, mais surtout, pour parvenir à un pilotage effectif du « risque financier » qui pèse lourdement sur les comptes de la sécurité sociale. C'est pourquoi je vous proposerai, mes chers collègues, de vous prononcer en faveur d'un amendement que j'aurai l'occasion de vous présenter lorsque nous aborderons l'examen du texte article par article.

En deuxième lieu, je ferai quelques remarques sur les mesures relatives aux dépenses prévues dans ce projet de loi de financement.

Ce sont, bien entendu, les dépenses de l'assurance maladie et de la branche vieillesse qui, par leur dynamisme, sont les plus préoccupantes. Ce projet de loi prévoit plusieurs mesures structurelles d'ajustement de la dépense, les seules qui peuvent garantir la pérennité de notre système de sécurité sociale.

L'assurance maladie voit ses dépenses réduites de 1,4 point par rapport à leur dynamique naturelle, sans que la protection des assurés n'en soit affectée. C'est une des caractéristiques principales de ce texte.

Le projet de loi pose également les jalons d'une plus grande efficacité des hôpitaux en préfigurant le projet de loi « Hôpitaux, patients, santé, territoire » que vient de présenter Mme Bachelot en conseil des ministres. Des gains de productivité sont possibles à l'hôpital, ils sont nécessaires pour assurer la pérennité des établissements publics de santé – y compris dans les domaines de la santé publique que l'on ne regarde pas toujours de près, en particulier la psychiatrie.

Tout en freinant sur les dépenses inutiles, il faut accélérer là où des besoins croissants se manifestent. La poursuite de la progression de l'ONDAM médico-social s'inscrit dans cette philosophie. Il est vrai que la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – a dégagé ces dernières années des excédents importants. Ils ont été utilisés pour moderniser les établissements ou rendus à l'assurance maladie. Mais au-delà des visions comptables et court-termistes, il faut poursuivre l'effort de la Nation pour anticiper les besoins et mettre cela en perspective du texte « Hôpital, patients, santé, territoire », la création des agences régionales de santé – ARS – permettant d'espérer une gouvernance efficace de ce lien entre santé et médico-social que nous appelons de nos voeux et qui contribuerait à soulager une partie de l'effort de dépense strictement maladie.

Ce projet de loi travaille pour le long terme. Mais la bataille du long terme se gagne aussi par les innovations quotidiennes portées par l'administration. À cet égard, je voudrais saluer le projet d'ONDAM médicalisé, porté par l'assurance maladie. Ce projet pourrait avoir, sur la présentation des comptes sociaux, un impact aussi important que celui que la LOLF a eu sur le budget de l'État. Dans quelques années, j'espère que nous pourrons voter les objectifs de dépenses, non plus, comme aujourd'hui, selon les grands champs de la santé publique comme l'hôpital ou la médecine de ville, mais par pathologie, en prévoyant telle dépense pour le diabète, telle dépense pour les maladies cardio-vasculaires et, j'espère aussi, pour les maladies psychiques dont les coûts induits sont considérables.

L'autre source de dynamisme de la dépense est la branche vieillesse. Le rendez-vous des retraites a posé le principe qui permettra d'affronter les conséquences du vieillissement démographique : ce principe est le développement de l'emploi des seniors. Le présent projet de loi y consacre plusieurs dispositions permettant de mettre en oeuvre les décisions prises au cours de l'été avec les partenaires sociaux. C'est un point décisif, une révolution culturelle à conduire.

Mais le succès de cette politique ne saurait advenir, de mon point de vue, sans une réflexion approfondie sur les conditions de travail et l'organisation du travail en entreprise, voire sur les comportements managériaux. Je pense que de nombreux seniors n'envisagent absolument pas de poursuivre leur carrière, compte tenu de la situation qui leur est faite dans l'entreprise.

Les mentalités sont dans ce domaine très importantes. Je le répète : c'est dans la durée que l'effort entrepris aujourd'hui trouvera ses fruits.

Il est vrai que, à horizon 2012, le déficit de la branche vieillesse n'aura pas disparu. Mais son évolution est guidée par des tendances de long terme et ce sont des mesures de même nature qui nous permettront de faire face au défi du vieillissement démographique.

Les branches AT-MP et famille demeurent quant à elles proches de l'équilibre. Les transferts prévus dans le présent projet de loi sont justifiés par cette bonne santé financière. Dans le même temps, ces risques restent couverts de manière satisfaisante, notamment au sein de la branche famille qui a réalisé un effort considérable ces dernières années avec la mise en oeuvre de la prestation d'accueil du jeune enfant.

En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui nous est aujourd'hui soumis fait preuve de sincérité dans son diagnostic. Il n'omet pas une vision long-termiste à travers des mesures assez précises.

Dans ces conditions, monsieur le président, mes chers collègues, je ne peux que vous demander de vous prononcer favorablement sur ce projet.

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