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Intervention de Laurent Hénart

Réunion du 22 octobre 2008 à 8h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Hénart, Rapporteur spécial :

Le rapport a pour objet la programmation triennale 2009-2011 en matière d'enseignement supérieur, de recherche universitaire et de vie étudiante.

L'année 2009 se présente sous des auspices particuliers : il s'agit, en même temps, de mettre en oeuvre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou loi LRU, d'août 2007 ; de développer un programme d'investissement qui réponde en partie à l'autonomie de gestion des universités, non seulement sur le plan immobilier mais aussi sur le déroulement du « plan campus » ; de mettre en oeuvre toute une série de programmes visant à améliorer les conditions de réussite et de vie des étudiants – « plan licence » et préconisations des rapports Wauquiez et Anciaux en matière d'action sociale.

Pendant la campagne électorale, le Président de la République avait pris l'engagement, réitéré depuis, d'augmenter d'un milliard d'euros chaque année les moyens dédiés à l'enseignement supérieur. En 2009, cette augmentation se répartit de la façon suivante : 792 millions d'euros de crédits budgétaires en autorisations d'engagement couvrant à la fois les établissements sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche et les établissements sous tutelle des ministères de l'Agriculture, de la Culture et de l'Industrie – dans la mesure où ils délivrent des diplômes des niveaux I, II ou III et où ils participent à des programmes de recherche liés au supérieur ; 170 millions d'euros pour des partenariats public-privé autres que ceux du « plan campus » ; 35 millions d'euros de dépenses fiscales.

J'examinerai plus précisément trois points particuliers : les moyens dédiés aux universités et écoles dans le cadre de la loi sur l'autonomie ; les questions liées au personnel, à la suite de la présentation, par la ministre, du « plan carrières » ; la réussite et les conditions de travail des étudiants.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de 2007, vingt établissements accéderont dès le 1er janvier 2009 au nouveau statut. La Mission d'évaluation et de contrôle – MEC – a par ailleurs travaillé sur le mode d'allocation des moyens aux universités dans le cadre de cette nouvelle législation.

Les membres de la mission avaient émis trois souhaits : qu'à côté d'un financement très majoritairement basé sur l'activité – 90 % pour l'enseignement supérieur et 70 % pour la recherche – soit prévu un financement basé sur la performance – 10 % pour l'enseignement supérieur et 30 % pour la recherche ; qu'aucune université ne soit perdante dans la mise en oeuvre des nouveaux critères, mais que celles qui seraient les mieux dotées voient leur dotation progresser moins fortement que les universités les moins bien dotées, cela dans un souci de convergence ; qu'en matière d'ingénierie de gestion des établissements, des moyens humains soient dégagés dans le domaine de la formation pour permettre aux établissements d'assumer leurs nouvelles responsabilités : budget global, projet pédagogique d'établissement, autonomie la plus grande possible des UFR, possibilité, de principe, de gestion du patrimoine immobilier. Les discussions que nous avons eues avec la Cour des comptes montrent que la gestion du patrimoine est un élément indissociable de l'autonomie.

Pour mettre en oeuvre la réforme de l'allocation des moyens, le budget prévoit 91,4 millions d'euros en 2009 et 511 millions d'euros sur la période 2009-2011. Le ministère a fixé un délai de trois ans pour atteindre l'objectif de convergence, ce qui paraît raisonnable. Il envisage que le rééquilibrage entre universités se fasse dans un contexte général d'augmentation pour tous les établissements, sans redéployer intégralement le personnel, pour éviter des mouvements trop importants. Les éventuels rattrapages en personnel se feront par le biais d'une augmentation de la dotation globale de fonctionnement ; cela ne changera rien pour les universités à nouveau statut, dans la mesure où le personnel sera inscrit à partir de 2009 en titre 3 sur les dépenses d'interventions.

Un accompagnement en termes d'ingénierie nous paraissait essentiel. Un plan a été proposé aux vingt établissements de 2009 ayant choisi le passage à l'autonomie. Ce plan sera étendu les années suivantes aux établissements qui choisiront d'opter pour le nouveau statut, sachant qu'à l'horizon 2012, tous les établissements devront l'avoir adopté.

Ce plan repose sur trois éléments, à commencer par une dotation destinée à financer les nouvelles organisations : systèmes d'information, redéploiement de locaux, rémunérations complémentaires pour les personnels qui s'investiront dans le nouveau mode de gestion. Par ailleurs, un plan de formation sur trois ans est mis en place pour les personnels d'encadrement concernés, qui seraient au nombre de 1 500. Celui-ci porte pour l'essentiel sur la gestion des ressources humaines, la comptabilité, les finances et éventuellement la gestion du patrimoine immobilier. Enfin, il est prévu de « repyramider » une série d'employés BIATOS, en transformant des emplois de catégorie C en emplois de catégories A et B ; 650 emplois sont concernés.

Les auditions ont permis de souligner deux questions importantes.

Tout d'abord, le corollaire de l'accroissement de l'autonomie des établissements doit être une mise en ordre définitive de la question des frais d'inscription – frais prévus par un arrêté, identiques dans tous les établissements, et frais optionnels qui correspondent généralement à des activités para-universitaires. Ce n'est pas encore le cas, malgré les interventions du ministère en ce sens.

Par ailleurs, la question de la gestion du patrimoine immobilier, sur laquelle mes travaux d'enquête de l'année prochaine porteront plus particulièrement, est à prendre en compte. C'est un sujet d'incertitudes : état des lieux, financement des actions de remise en sécurité. Pour autant, les échanges que j'ai eus avec la Cour des comptes montrent qu'il est difficile d'envisager un plein exercice du nouveau statut sans gestion immobilière.

Le deuxième point concerne les personnels : il s'agit du « plan carrières » présenté par Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche. Il repose sur des crédits budgétaires, soit, dès 2009, 23 millions d'euros de crédits pour l'enseignement supérieur, et, sur la période 2009-2011, 252 millions d'euros cumulés pour l'enseignement supérieur et la recherche.

Ce « plan carrières » a été préparé par deux rapports, celui de la commission Schwartz et le rapport Hoffmann, de l'Académie des sciences. Ces rapports visent à la revalorisation des métiers d'enseignants et de chercheurs, à un nouveau partage entre la mission d'enseignement et de recherche et à la résolution de la question des « post-doctorats ». Jusqu'à présent, une telle terminologie correspondait plus à une absence de statut qu'à un statut précis ; elle visait cette sorte de vide existant entre le moment où l'étudiant doctorant devient docteur et celui où il entre dans la carrière universitaire après avoir obtenu un poste de maître de conférences.

Ce plan traite d'abord de la question des doctorants, en mettant en place un contrat de droit public de trois ans, qui prévoit une rémunération et un statut social.

Dans le même esprit, toujours pour favoriser l'entrée des jeunes les plus brillants dans les carrières universitaires, il envisage la revalorisation des débuts de carrière des jeunes maîtres de conférences ; vous en trouverez les éléments financiers dans la note de présentation du budget qui vous a été transmise.

Ce plan valorise également l'engagement professionnel et la reconnaissance de la qualité. Il s'agit de faire en sorte de doubler le taux de promotion des enseignants-chercheurs en 3 ans. Il s'agit aussi de récompenser l'engagement d'enseignants-chercheurs dans l'organisation même du service public d'enseignement et de recherche par une politique de primes, qui serait alimentée par des crédits nationaux.

Enfin, il encourage la mobilité et l'adéquation des modes de gestion aux compétences nouvelles des universités. Il intègre bien évidemment la mise en oeuvre de la loi LRU. Cela passe par la requalification des emplois de personnels des bibliothèques, administratifs et techniques – personnels BIATOS – pour que leur niveau de qualification devienne compatible avec leurs nouvelles responsabilités. Là encore, vous avez à votre disposition l'ensemble des chiffres.

Les auditions ont laissé malgré tout en suspens une question relative au statut des enseignants-chercheurs : celle de l'adéquation entre un statut national d'emploi direct par l'État – notamment enseignants-chercheurs et personnels BIATOS – et la plus grande autonomie des établissements, qui va se généraliser. À terme, nous aurons deux types de personnels dans le service public de l'enseignement et de la recherche : d'un côté, des personnes de statut national : maîtres de conférences, professeurs d'université – qui évolueront dans ses grilles, qui seront dans un système de discussion paritaire piloté par l'État, même si ces emplois sont complètement détachés auprès des établissements ; de l'autre côté, des personnes en contrat à durée déterminé ou indéterminée de droit public pour des personnels d'enseignement, de recherche et de direction des établissements.

À plus long terme, on pourrait envisager de mettre en place un statut unique plus souple, s'inspirant des fonctions publiques hospitalière et territoriale : un système de gestion mutualisée reconnaissant la qualité d'employeur et les pleines responsabilités d'employeur aux établissements hospitaliers ou aux collectivités territoriales. Une telle évolution me paraît être le corollaire de la généralisation de l'autonomie des universités. Cet aspect n'est pas traité dans le « plan carrières » et, pour l'instant, il provoque une véritable discussion, pour ne pas dire plus, entre les syndicats de personnels ; certains sont favorables au maintien du statu quo, d'autres à une réflexion sur le fond quant à l'évolution du statut.

S'agissant des conditions de réussite et de vie des étudiants, je concentrerai mon propos sur deux points : le programme « réussite en licence », d'une part, la vie des étudiants et l'aide sociale qui peut leur être attribuée, d'autre part.

Au sein de la MEC, nous avions débattu du taux de réussite des étudiants en licence. Il s'agissait de faire de la réussite en licence un critère prioritaire d'évaluation de la performance. Les crédits augmentent fortement en faveur de ce plan quinquennal dont l'objectif, dans le cadre de la démarche de Lisbonne, est d'atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur. À cet effet, 103 millions d'euros sont prévus pour 2009, ce qui représente une augmentation de près de 68 millions d'euros par rapport à 2008. Pour les quatre-cinquièmes, il s'agit de financer des heures supplémentaires permettant la mise en place de systèmes de tutorat spécialisé et de soutien aux étudiants en difficulté. Près de 10 millions d'euros sont destinés à ce qu'on appelle « l'orientation active », et qui emprunte d'ailleurs des voies différentes d'une université à l'autre.

C'est un peu l'option que nous avions retenue : nous souhaitions que l'insertion professionnelle des diplômes soit un des critères d'évaluation de la performance et donc de l'allocation de l'enveloppe en performance, et qu'on laisse aux universités le choix des outils pour améliorer l'insertion professionnelle des étudiants : cela dépend beaucoup de leur configuration, de l'offre de formations, de l'implantation des sites universitaires et de leur capacité à travailler avec le tissu économique régional et avec les branches professionnelles correspondant aux diplômes délivrés.

Enfin, 10 millions d'euros sont destinés au développement des IUT. Déjà, l'année dernière, le ministère avait lancé un appel pour que davantage de places en IUT soient ouvertes aux bacheliers technologiques. Ces 10 millions permettront de soutenir cette orientation.

J'envisage de consacrer l'année 2009 à visiter des universités ayant mis en place des actions en matière d'insertion professionnelle. Outre les bureaux d'aide, je m'intéresserai à la professionnalisation de certains diplômes par le développement de filières en alternance, de stages encadrés et de partenariats avec des branches professionnelles. Je vous propose donc que les enquêtes qui seront menées l'année prochaine dans le cadre du rapport portent également sur ces actions.

Par ailleurs, le programme 231, Vie étudiante, prévoit une augmentation d'autorisations d'engagements de 58 millions d'euros en 2009 à périmètre constant et de 250 millions d'euros sur la séquence triennale 2009-2011.

Pendant l'été, le Gouvernement a revu à la hausse le pourcentage de revalorisation des bourses, soit 2,5 % pour la rentrée 2008-2009. Saisi par un syndicat étudiant, je travaillerai avec le ministère pour que soit examinée, dans le cadre de cette enveloppe de 250 millions d'euros, la question du dixième mois, déjà étudiée par le rapport Wauquiez. Aujourd'hui, les bourses sont livrées en neuf mois. C'était tout à fait cohérent avant le LMD – Licence-Master-Doctorat –, époque où la rentrée se faisait souvent à la mi-octobre.

L'organisation en unités de valeurs et en semestres fait que la rentrée universitaire est plus précoce dans la plupart des établissements et correspond à peu près à la rentrée scolaire – souvent en septembre, et les problèmes que rencontrent les étudiants au moment de leur installation se posent dès le début de ce mois. La question de l'échéancier du versement des bourses devient de ce fait très pertinente. Je vous propose d'interroger la ministre sur les moyens de résoudre, dans les années qui viennent, ce problème d'échéancier.

Concernant les prêts aux étudiants, nous avons déjà entendu la direction générale de l'Enseignement supérieur – DGES – et OSEO quant au prêt garanti par l'État qui a été mis en place.

S'agissant du logement étudiant, qui a fait l'objet des rapports Anciaux – le second confirmant le premier sur bien des points –, nous avions, l'année dernière, voté en commission des amendements. En effet, la loi de finances initiale pour 2008 était en retrait des objectifs du rapport Jean-Paul Anciaux, soit 7 000 réhabilitations par an et 5 000 constructions neuves par an. Ce budget prévoit un effort important en ce domaine, puisque les crédits augmentent de près de 20 %. Néanmoins, ni le seuil des 7 000 réhabilitations – qui sont au nombre de 6 522 – ni celui des 5 000 constructions – qui sont au nombre de 4 281 – n'est tout à fait atteint.

Je vous proposerai donc deux amendements, que je conçois comme des amendements d'appel. Je n'ai pas de réponse précise du CNOUS sur la question de savoir si les crédits que nous avions ajoutés en 2008 ont pu être intégralement consommés. Mais par rapport aux objectifs du rapport Anciaux, deux problèmes pratiques se posent pour les constructions neuves, et pour une partie des réhabilitations. Les procédures de marché peuvent être plus longues que la stricte annualité budgétaire. Par ailleurs, en cas de réhabilitation, il faut vider tout ou partie d'une cité universitaire, et le relogement des étudiants n'est pas toujours facile à effectuer sur le site universitaire concerné.

De tels amendements d'appel, auxquels M. Anciaux s'associe, devraient permettre de tirer au clair auprès des services du ministère, du CNOUS et par l'étude des contrats de projet État-régions concernés, la capacité d'aller en 2009 au-delà des objectifs proposés en loi de finances initiale.

Pour conclure, je rappelle qu'en 2009 s'enclenchera le « plan campus » qui concerne dix sites universitaires franciliens et en région. Ce programme utilise le rendement de la soulte de privatisation d'EDF pour financer les projets massifs de réorganisation de sites universitaires à la fois pour l'enseignement supérieur et la recherche, et les conditions de vie étudiante. Ce programme sera évidemment expertisé et suivi par votre rapporteur.

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