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Intervention de Jean-Louis Dumont

Réunion du 13 février 2008 à 9h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Dumont, Rapporteur :

a rappelé que les affaires européennes ont jusqu'à présent fait l'objet d'un rapport spécial de notre Commission présenté lors de l'examen du projet de loi de finances. L'absence de support budgétaire a conduit à ce que, depuis le début de la législature, ce rapport spécial a été transformé en rapport d'information, et peut ainsi être déconnecté du calendrier budgétaire et recentré sur un thème d'actualité. Il faut cependant s'étonner des conditions dans lesquelles s'est tenue, à l'automne dernier, la discussion budgétaire sur le prélèvement européen. L'absence du secrétaire d'État chargé des Affaires européennes – même si elle était justifiée par sa participation aux négociations finales sur le Traité de Lisbonne – a privé la séance publique de présentation dynamique. L'Europe mérite mieux et l'attention du Président de la commission des Finances doit être attirée sur le risque de banalisation de cette discussion. Il pourrait être utile de réfléchir ensemble aux propositions qui pourraient être faites pour y remédier, dans la perspective de l'examen du prochain projet de loi de finances, avec par exemple un rôle dévolu au rapporteur d'information.

Pour inaugurer ce changement, le premier rapport selon cette nouvelle procédure traite des conditions du lancement de la politique régionale européenne 2007-2013 en France, c'est-à-dire des « fonds structurels ». Il intervient en effet au moment où la plupart des programmes de mise en oeuvre des fonds structurels (2007-2013) viennent d'être adoptés. Il est justifié par trois considérations : la nouvelle politique régionale représente un enjeu important pour nos finances publiques ; elle soutient explicitement la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi ; elle est au coeur de la problématique de la décentralisation.

Quelques 14,3 milliards d'euros devraient être versés à la France entre 2007 et 2013 au titre des trois objectifs structurant les fonds structurels, à comparer aux 15,6 milliards de la période précédente, avec donc une baisse significative. Nos départements d'outre-mer bénéficieront de 3,2 milliards d'euros au titre de l'objectif Convergence, dont 480 millions d'euros pour compenser les handicaps liés à leur situation ultrapériphérique. Dotée de 10,3 milliards d'euros, la métropole recevra la plus large enveloppe de l'Union européenne pour l'objectif Compétitivité régionale et emploi. Enfin, les régions frontalières se verront octroyer 860 millions d'euros pour mettre en oeuvre l'objectif Coopération territoriale européenne, ce qui nous place, là encore, en première position.

Au-delà de ces crédits européens, la politique régionale est porteuse d'un fort effet de levier sur la dépense publique et privée. La réglementation européenne fixe les plafonds de cofinancement des projets par les fonds structurels à 75 % pour l'objectif Convergence et à 50 % pour l'objectif Compétitivité régionale et emploi. Chaque projet doit ainsi être mis en oeuvre sur la base d'un partenariat financier.

Les programmes des régions françaises ont prévu des contreparties beaucoup plus élevées. Les fonds structurels ne financeront que 34 % du montant des projets de l'objectif Compétitivité régionale et emploi et 52 % du montant des projets de l'objectif Convergence. Ainsi 18,5 milliards d'euros de cofinancement viendront s'ajouter aux fonds structurels de ces deux objectifs. Les contreparties publiques devraient représenter 13,2 milliards d'euros et les contreparties privées 5,3 milliards d'euros. Cette répartition n'étant qu'indicative, il conviendra de veiller à garantir la participation des acteurs privés.

La politique régionale est maintenant considérée comme un instrument de mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance et de l'emploi. Elle devrait donc améliorer la compétitivité de notre économie, sans bien sûr s'éloigner de l'objectif de cohésion des territoires, toute la difficulté est là.

La réglementation européenne impose que 75 % des crédits de l'objectif Compétitivité régionale et emploi et 60 % des crédits de l'objectif Convergence soient « ciblés » sur certains thèmes prioritaires. La France est parvenue à des taux de ciblage de 79 % pour l'objectif Compétitivité régionale et emploi et de 58 % pour l'objectif Convergence. Ces taux, bien que relativement élevés, restent substantiellement inférieurs à ceux de nombreux États membres – 92 % pour le Danemark par exemple. Le Fonds européen de développement régional – FEDER – est ainsi concentré, en métropole, à 45 % sur la recherche-développement et à 9 % sur les technologies de l'information et de la communication et les énergies renouvelables. Le Fonds social européen (FSE) est quant à lui ciblé à 38 % sur l'inclusion sociale des personnes défavorisées, 32 % sur l'accès à l'emploi et 18 % sur la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises.

Il faut se réjouir de cette réforme, qui devrait permettre d'ancrer la logique de compétitivité dans les territoires et d'impliquer davantage les acteurs locaux dans la réalisation de la stratégie de Lisbonne. Elle devrait également limiter le « saupoudrage » des crédits tant décrié lors de la précédente période de programmation.

Mais il importe de souligner que le ciblage sur les thèmes prioritaires de Lisbonne peut présenter un risque pour la cohésion territoriale. Il limite par exemple la possibilité d'utiliser les crédits en faveur de l'accessibilité des territoires les plus enclavés. Il tend également à favoriser les métropoles dynamiques au détriment des zones rurales, qui sont fragiles – par exemple dans le département de la Meuse. On peut regretter à cet égard que la Commission européenne n'ait pas fait preuve de plus de souplesse dans la validation des programmes de certaines régions. Mais on peut saluer l'introduction de l'objectif de cohésion territoriale par le traité de Lisbonne, qui vient d'être ratifié par notre pays, offrant ainsi une base légale solide à cet impératif.

La nouvelle politique régionale, enfin, est au coeur de la problématique de la décentralisation. La préparation du présent rapport a donné lieu à un questionnaire envoyé à tous les présidents de conseils régionaux et les préfets de région, ainsi qu'à certains conseils généraux. Une mission a également été effectuée en région Alsace. Pour la période 2007-2013, l'État a refusé de faire des conseils régionaux les autorités de gestion des programmes opérationnels, même s'il a octroyé une autonomie plus grande aux collectivités territoriales. Les préfets de région disposent désormais de la possibilité de déléguer des crédits aux collectivités territoriales ou, accessoirement, à des organismes comme OSEO ou l'ADEME, dans la limite de 50 % pour le FEDER et de 60 % pour le FSE. Il faut se réjouir que ces plafonds soient très supérieurs à ceux de la période précédente. Ceux-ci permettent ainsi aux conseils régionaux de gérer 34 % du FEDER et 27 % du FSE, dans leurs domaines de compétences : aides aux entreprises, formation professionnelle…

Comme de nombreux présidents de conseils régionaux en on fait le constat, il ne s'agit que d'une demi-mesure quelque peu contradictoire : l'État prend ainsi acte de la décentralisation tout en se montrant réticent face à son approfondissement. Seul le transfert de l'autorité de gestion aux collectivités aurait permis de les considérer comme des partenaires autonomes et pleinement responsables. Par ailleurs, rien ne semble justifier que d'autres conseils régionaux ne soient pas traités comme le conseil régional d'Alsace - qui gère avec brio les crédits du FEDER - si ce n'est la coloration politique différente de leurs exécutifs… Aucune évaluation détaillée n'a été faite de l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds européens à ce conseil régional. Le Sénat a tiré les mêmes conclusions en proposant d'étendre les expérimentations dans le projet de loi sur le transfert de la gestion des fonds structurels débattu sous la précédente législature. Mais seule la partie relative à la coopération transfrontalière de ce projet de loi de loi a été redéposée sous la présente législature, en raison de ce désaccord entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. On aurait souhaité que l'Etat se montre plus ouvert en élargissant le champ de cette expérimentation et en la pérennisant dans le cadre d'un véritable transfert de compétences.

En outre, on se rappelle les critiques relatives à la précédente période de programmation concernant les cas de substitution de crédits européens aux crédits nationaux, pour pallier le désengagement de l'État. Dès lors, il faudra rester attentif et vigilant face au risque de captation des fonds européens au bénéfice des priorités de l'État – financement du plan de cohésion sociale et des pôles de compétitivité notamment.

Force est cependant de constater que la nouvelle politique de cohésion démarre dans de meilleures conditions pratiques et techniques – sinon politiques - que la précédente ; la gestion et la démarche de performance sont plus simples et de meilleure qualité. Les procédures de contrôle ont été précisées, avec un plan d'action de la Commission européenne et des obligations supplémentaires à la charge des États membres.

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