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Intervention de Marc Joulaud

Réunion du 22 juillet 2009 à 10h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Joulaud, rapporteur :

Mes chers collègues, le projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002, dite LOPSI 1, dont il tend à poursuivre l'action et à améliorer les résultats. Le bilan de la LOPSI 1 est encourageant puisque la délinquance a diminué de plus de 12 % entre 2002 et 2007. Mais l'effort ne doit pas être relâché car les résultats de ces derniers mois contrastent avec cette tendance. De nouvelles formes de délinquance sont apparues : les phénomènes de bande, la violence dans les établissements scolaires, le trafic d'armes ou de drogue et la cybercriminalité. Par ailleurs, le Livre blanc, la loi de programmation militaire et le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale ont changé la donne.

Le projet de loi présente trois caractéristiques principales : premièrement, l'approche globale de la sécurité est axée sur la performance ; deuxièmement, les nouveaux moyens juridiques proposés conforteront la lutte contre la délinquance et la criminalité sans poser de difficulté majeure à la gendarmerie ; troisièmement, les dispositions concernant la défense s'inscrivent dans le droit fil du Livre blanc.

Les objectifs et les moyens de la politique de sécurité fixés pour les cinq prochaines années dans le rapport annexé au projet de loi suivent une idée directrice : la recherche de la performance. Outre la définition d'objectifs opérationnels, le budget, en augmentation, donne la priorité à la modernisation. La coopération entre les forces sera approfondie, les progrès technologiques seront pris en compte et la gestion sera rénovée.

S'agissant du budget – sur lequel je souhaite aujourd'hui concentrer mon propos -, les crédits de la mission « Sécurité » devraient passer de 11,5 à 11,8 milliards d'euros entre 2009 et 2013, soit une hausse de 2,7 %. Le parti est pris de ne plus augmenter les effectifs et de rechercher leur meilleure adéquation aux missions auxquelles ils sont affectés. Contrairement à la LOPSI 1, la répartition des crédits entre la police et la gendarmerie n'est pas indiquée, ce qui offre davantage de souplesse à l'exécutif. Mais elle gagnerait à l'être, ne serait-ce qu'à titre indicatif, de même que celle des effectifs.

Selon les informations de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), l'enveloppe spécifique de la gendarmerie s'élèverait, hors dépenses de personnel, à 764 millions d'euros en crédits de paiement au total, en forte augmentation sur la période puisqu'elle devrait passer de 53 millions en 2009 à 132 millions en 2011, et à 268 millions en 2013. Pour la DGGN, si cette enveloppe « semble suffisante pour réaliser les améliorations technologiques prévues », des questions subsistent au sujet des opérations immobilières et de leur financement. On observe une diminution des autorisations d'engagement consacrées à l'immobilier surtout en fin de programmation. Il conviendra que le Gouvernement apporte des précisions, notamment dans les prochaines lois de finances. Sur les efforts consacrés au renseignement, des précisions sont aussi nécessaires.

Sont identifiés, en revanche, les crédits affectés aux services de sécurité, pour « améliorer la modernisation, la coopération et le management de la sécurité intérieure ».

Dans l'ensemble, le rapport annexé au projet de loi a le mérite de tracer dans leurs grandes lignes les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure pour les cinq années à venir. Il s'agit d'ailleurs plutôt de la sécurité nationale puisque des menaces récentes comme le terrorisme ou la cybercriminalité ne connaissent pas de frontières. Pour le reste, la programmation budgétaire devra être clarifiée de même que les mutualisations futures ou l'utilisation de nouvelles technologies.

Deuxième constat principal, le projet de loi offre deux types de moyens juridiques : des mesures tendant à mieux lutter contre diverses formes de criminalité et de délinquance et de nouvelles règles d'organisation pour accroître l'efficacité des services.

Il s'attaque ainsi à la cybercriminalité, à la criminalité organisée, aux infractions commises dans les enceintes sportives et à l'insécurité routière.

Sont notamment prévues une incrimination d'utilisation frauduleuse des données à caractère personnel de tiers sur un réseau de télécommunication, l'aggravation des sanctions de certains délits de contrefaçon et la protection des internautes contre les images de pornographie enfantine en créant des obligations pour les fournisseurs d'accès à Internet.

Pour lutter contre la criminalité organisée, l'article 22 du projet de loi allonge de quinze jours – la portant ainsi à un mois – la durée autorisée des interceptions téléphoniques. L'article 23 autorise aussi pendant quatre mois la captation à distance de données informatiques, et non plus seulement d'images ou de son. Il s'agit là d'une avancée importante.

L'article 24 renforce la répression envers les infractions commises dans les enceintes sportives, en portant à six mois, au lieu de trois mois maximum, l'interdiction administrative de stade si un fait grave est commis. De même, les sanctions encourues par les personnes qui méconnaîtraient l'arrêté préfectoral d'interdiction sont alourdies.

La lutte contre l'insécurité routière sera complétée par la création d'une peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule en cas de conduite sans permis. Les délits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique pourront être punis d'une peine complémentaire interdisant pendant cinq ans à leur auteur la conduite d'un véhicule qui ne serait pas équipé d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique. Par ailleurs, les sanctions sont alourdies à l'égard des personnes qui se refuseraient à des dépistages d'alcoolémie ou de produits stupéfiants. Enfin, l'achat ou la vente de points de permis de conduire pourra être puni de six mois d'emprisonnement.

Parallèlement, l'organisation des services sera revue pour en accroître l'efficacité.

Les moyens d'enquête seront adaptés aux nouvelles technologies. Les services de police pourront procéder à des investigations techniques et scientifiques pour favoriser l'identification des cadavres. Il est prévu de simplifier les procédures d'alimentation du fichier national des empreintes génétiques. Enfin, le régime de la vidéoprojection est modifié de façon à permettre un accroissement important des caméras installées sur le territoire.

Les pouvoirs du préfet de police seront étendus. Dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, il sera chargé du maintien de l'ordre dans sa globalité. Et, dans un souci d'efficacité et de cohérence, il dirigera l'ensemble des services de police et de gendarmerie en matière de régulation de la circulation sur certains axes routiers en Île-de-France.

Enfin, s'agissant des moyens matériels, le dispositif de bail emphytéotique administratif sera prolongé.

Dans l'ensemble, le projet de loi offre un large éventail de mesures utiles et nouvelles pour lutter contre la criminalité et la délinquance.

Troisième constat principal : les trois dispositions concernant directement la commission de la défense s'inscrivent dans la perspective du Livre blanc. Il s'agit des articles 19 et 20, consacrés respectivement à l'accès aux installations d'importance vitale et à la protection des agents de renseignement, et de l'article 21, qui encadre les activités privées d'intelligence économique. On peut regretter qu'aucune de ces mesures n'ait fait l'objet d'une étude d'impact.

Le nouveau régime d'accès aux installations d'importance vitale concerne 2 000 sites environ, qui relèvent de 250 opérateurs tels qu'EDF, France Télécom ou la SNCF. Il s'agit d'infrastructures « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer de façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ». C'est le cas, entre autres, des centrales nucléaires, des usines d'armement, de grands centraux de télécommunications, des principaux ports ou aéroports, ou des salles de commandement de certains transports collectifs. Ces infrastructures font déjà l'objet de mesures de protection, mais elles sont encore insuffisantes : les accréditations ne sont pas systématiques et ne sont pas toujours accordées après enquête préalable ; leur délivrance est parfois lente et diffère selon les départements.

Pour y remédier, l'article 19 fixe plusieurs règles. L'accès à tout ou partie des établissements et ouvrages d'importance vitale sera autorisé par l'opérateur. Autrement dit, l'accès sera obligatoirement soumis à une accréditation, comme c'est le cas pour les ports et aéroports. L'opérateur pourra solliciter l'avis de l'autorité compétente – le préfet de département –, qui rendra son avis après une enquête administrative diligentée par les services de l'État. Dans ce cadre, il pourra être procédé à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. La personne qui fera l'objet de ces recherches en sera informée selon des modalités qui restent à définir. Il faut concilier l'objectif de sécurité avec le respect des libertés individuelles.

La protection des agents de renseignement est traitée dans l'article 20. Aujourd'hui, la seule protection qui est leur est accordée repose sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui punit d'une amende le fait de révéler, par quelque moyen d'expression que ce soit, l'identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou de personnels civils du ministère de la défense dont les missions exigent l'anonymat. Le droit est lacunaire dans ce domaine. Aussi est-il proposé que les agents des services spécialisés de renseignement puissent, pour l'exercice d'une mission intéressant la défense et la sécurité nationale, et sous l'autorité de l'agent chargé de superviser ou de coordonner cette mission, faire usage d'une identité d'emprunt ou d'une fausse qualité. Cette possibilité, qui est une condition de réussite de leur mission, ne leur était pas jusqu'à présent reconnue légalement. Ensuite, ces agents ne seront pas pénalement responsables de cet usage. Il en sera de même pour les personnes requises à la seule fin d'établir cette identité d'emprunt.

Des sanctions sont prévues en cas de révélation volontaire de toute information qui pourrait conduire à la découverte de l'usage d'une identité d'emprunt ou d'une fausse qualité, de l'identité réelle des agents des services spécialisés de renseignement, ou de leur appartenance à ces services. Les sanctions encourues seront aggravées si la révélation est suivie de violences, ou réduites si elle est involontaire.

Le régime des dépositions des agents de renseignement dans le cadre des procédures judiciaires est aménagé. Ainsi, lorsque des agents devront témoigner au cours d'une procédure judiciaire, leur identité ne devra jamais apparaître.

Quant à l'article 21 du projet, il tend à encadrer les activités d'intelligence économique, qui ne font pour le moment l'objet d'aucune réglementation. Il s'agit d'abord de définir les activités concernées : je vous proposerai une autre définition que celle - inappropriée - figurant dans le projet de loi.

Les personnes physiques ne pourront exercer ni à titre individuel, ni diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant ces activités sans êtres titulaires d'un agrément délivré par le ministre de l'intérieur. Les personnes morales devront obtenir une autorisation du ministre. Enfin, il sera interdit à certains agents d'exercer ces activités avant un certain délai.

Le projet de LOPPSI offre donc, dans l'ensemble, à la fois une stratégie pour la politique de sécurité nationale et de nombreux moyens pour renforcer son efficacité. Je vous invite donc à l'adopter.

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