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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 4 mars 2009 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de l'emploi :

Quelques mots pour préciser les modalités de mise en oeuvre de cette dernière mesure d'exonération de l'impôt sur le revenu.

Le processus sera géré intégralement par l'administration fiscale. Les contribuables déclareront leurs revenus de 2008 selon le calendrier habituel. L'administration, sur la base des revenus déclarés l'an dernier, annulera le deuxième acompte – ou les mensualités à partir de mai – des contribuables qui étaient taxés l'an dernier dans la tranche à 5,5 %. Il n'y a aucune démarche à faire de la part des contribuables.

Pour dissiper tout malentendu, je précise que les 6 millions de foyers concernés incluent 2 millions de foyers assujettis à la première tranche, 2 millions de foyers imposés au début de la deuxième tranche en raison du lissage destiné à gommer les effets de seuil, mais également 2 autres millions de foyers qui, en raison de réductions ou de crédits d'impôt, reçoivent un chèque du Trésor public en fin d'année. Ces personnes – ce sont principalement des bénéficiaires de la PPE, mais aussi du crédit d'impôt pour garde d'enfant à l'extérieur du domicile, ou encore de la réduction d'impôt pour enfant scolarisé – ne seront pas traitées différemment des autres puisqu'il n'est pas question de neutraliser le crédit d'impôt.

Plus globalement, en ce qui concerne l'équilibre du collectif et les prévisions de finances publiques, le Gouvernement conserve la même stratégie.

Premièrement, comme pour le premier collectif de relance, les mesures complémentaires qui vous sont présentées aujourd'hui, évaluées à près de 10 milliards d'euros, sont ciblées, temporaires et d'effet très rapide. Conformes à l'esprit des recommandations de la Commission européenne pour lutter contre la crise, elles coûteront 2,6 milliards d'euros au titre du sommet social et près de 7 milliards au titre des aides en faveur du secteur automobile.

Deuxièmement, nous gardons la maîtrise de la dépense publique « courante ». Ce collectif l'illustre très concrètement en gageant par des réductions de dépenses les ouvertures de crédits –300 millions d'euros – qui sont demandées pour faire face à la tempête Klaus ou pour aider la presse. Autrement dit, hors plan de relance, nous respectons les plafonds de dépenses initialement votés par le Parlement. Nous conservons l'objectif « zéro volume » puisque, par rapport à l'exécution 2008, les dépenses hors relance progresseraient en valeur de 0,4 %, ce qui correspond strictement à la nouvelle prévision d'inflation.

Troisièmement, nous décidons de laisser les recettes s'adapter au recul de l'activité, sans chercher à compenser cette baisse par des hausses de prélèvements obligatoires. C'est la principale explication de la dégradation du budget de l'État et des comptes publics.

Par rapport au collectif de janvier, les recettes fiscales sont revues fortement à la baisse – environ 6,3 milliards d'euros de moins – en fonction des nouvelles prévisions macroéconomiques. La correction principale porte sur la TVA : moins 3,5 milliards. L'augmentation de la consommation en valeur a été révisée, passant de 2,9 % lors de la loi de finances initiale à 0,8 % aujourd'hui, dans l'attente d'un fort repli de l'inflation. D'autres éléments constituant l'assiette de TVA sont aussi en net repli, comme l'investissement des ménages.

Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1,1 milliard d'euros, sous l'effet de la diminution des recettes attendues des participations de l'État malgré les recettes nouvelles procurées par les garanties données par la SFEF, dont nous attendons 700 millions d'euros.

Les recettes totales devraient donc être inférieures de 7,5 milliards aux prévisions de la première loi de finances rectificative.

La dégradation de 17 milliards d'euros du déficit par rapport au collectif de janvier s'explique donc, d'une part, par la baisse des recettes – moins 7, 5 milliards – et, d'autre part, par les mesures prises lors du sommet social – 2,6 milliards – et pour soutenir le secteur automobile – 6, 9 milliards. Le déficit passe donc de 86,8 milliards d'euros à 103,8 milliards d'euros. Ce chiffre illustre la gravité de la situation économique.

À lui seul, il ne permet toutefois pas d'apprécier correctement la situation de nos finances publiques car il masque en réalité deux déficits : un déficit structurel, mais également « un déficit de crise ».

Le déficit structurel, soit 40 milliards d'euros environ, découle de la stratification de dépenses jamais remises en cause. C'est évidemment trop et ce déficit subsistera une fois la crise passée. Pour le combattre, nous conserverons les outils que nous avons mis en place : la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et la loi de programmation pluriannuelle que nous avons revue au mois de janvier. Le Premier ministre, en écrivant aux ministres le 20 février dernier pour cadrer dès à présent l'exercice budgétaire pour 2010, s'est d'ailleurs référé au budget triennal tel qu'il a été revu. Nous poursuivrons donc avec constance nos efforts de maîtrise de la dépense publique.

Le déficit « de crise » représente environ 60 milliards d'euros. Il recouvre trois composantes.

La première, ce sont les moins-values cumulées de recettes par rapport à une situation de croissance « normale », soit environ 30 milliards de moins en 2008-2009 par rapport à ce que l'on aurait encaissé avec une croissance de l'ordre de 2 %, qui correspond à une moyenne calculée sur dix ans.

La deuxième, c'est le coût des dépenses ou des moindres recettes, spécialement destinées à combattre la crise, qui s'élèvent à 22 milliards d'euros pour le seul État et se ventilent entre le plan de relance – 19 milliards – et les mesures complémentaires à titre social ou pour venir en aide au secteur automobile – 2,9 milliards.

La troisième, ce sont les prêts au secteur automobile pour près de 7 milliards d'euros et la participation au fonds stratégique d'investissement pour 3 milliards. Soit un total de 10 milliards d'euros environ.

Ce déficit « de crise » a vocation à se résorber de lui-même : les dépenses engagées pour le plan de relance ont précisément été conçues pour ne pas être pérennes et pour s'éteindre fin 2010 au plus tard.

Les prêts seront remboursés ; dans l'intervalle, ils auront produit des intérêts. Les participations sont des actifs qui ont vocation à être réalisés ; dans l'intervalle, ces participations rapporteront des dividendes.

Enfin, on sait que pendant une année de croissance forte, les recettes fiscales, notamment l'impôt sur les sociétés, en raison de leur élasticité par rapport à la conjoncture, dégagent des ressources supplémentaires qui peuvent être de l'ordre d'une dizaine de milliards par an.

Ce déficit constitue notre arme anti-crise. Même s'il a vocation à se résorber à moyen terme, il n'est pas anodin pour autant. Il a un impératif d'efficacité. Chaque dépense doit profiter à la croissance et à l'emploi. Chaque perte de recette doit venir amortir une perte de revenus des ménages ou des entreprises, et ne pas provenir d'une nouvelle niche fiscale.

L'étanchéité entre le déficit structurel et le déficit de crise doit être totale : on doit pouvoir réduire le déficit structurel par les réformes en cours, même en période de crise. Nous devons veiller à ce qu'aucune dépense courante déguisée ne vienne polluer le déficit de crise.

Pour 2008, les informations les plus récentes conduisent à revoir légèrement à la hausse le déficit de l'ensemble des administrations publiques – plus 0,2 point de PIB –, notamment du fait d'une progression plus rapide de la dépense des collectivités territoriales et de certains ajustements de comptabilité nationale concernant l'État. Le déficit aurait donc atteint 3,4 points de PIB en 2008. Il s'agi de prévisions. l'INSEE communiquera une estimation du déficit public pour 2008 le 31 mars.

En 2009, le déficit public, comme le déficit de l'État, se creusera avec la dégradation de la conjoncture économique et le coût des mesures du plan de relance. En particulier, les recettes de la sécurité sociale ne progresseront que très peu, compte tenu du fort ralentissement de la masse salariale, dont la croissance devrait passer de 3,6 % en 2008 à 0 %. Son ralentissement serait donc plus marqué que celui du PIB. Ainsi, le déficit du régime général de sécurité social devrait atteindre entre 17 et 18 milliards d'euros en 2009. Au total, le déficit public s'établirait à 5,6 points de PIB cette année, contre 4,4 points selon la dernière prévision, à cause de la perte de 2 points de croissance.

Ce déficit très important est à la mesure de la part de la crise que l'État prend à sa charge. Il faut, là encore, distinguer ce qui relève de la conjoncture de ce qui relève d'efforts structurels. Le déficit structurel « hors plan de relance » sera quasi stable en 2009 : le creusement du déficit sera donc entièrement dû à la baisse de la croissance et aux mesures de relance. Les mesures fiscales concernant les entreprises et les ménages entraîneront notamment une baisse du taux de prélèvements obligatoires de 0,4 point de PIB.

Je le répète, il faut sans relâche maintenir la pression pour maîtriser la dépense publique « ordinaire ». C'est plus difficile en période de crise, mais c'est crucial non seulement pour réussir le retour de la croissance, mais aussi pour préserver la soutenabilité à moyen terme de nos dépenses publiques, ce qui nous permet de nous financer à des taux d'intérêt historiquement bas. Il y va de la crédibilité de la signature de la France.

Il était aussi indispensable de prendre des mesures de relance temporaires. C'est ce que la Commission européenne a, à juste titre, demandé à tous les pays membres. Or qui dit mesures de relance dit plus de dépenses ou moins de recettes, et donc creusement du déficit.

Mais il faut aussi replacer notre action dans le contexte de notre système social. On nous reproche de faire du déficit « passif », du déficit « subi », qui n'aurait pas d'effet sur la croissance. C'est oublier que notre système social très développé agit comme un amortisseur. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a été conçu ! Ce qui compte dans le soutien à l'économie, c'est bien la totalité du déficit public. Chaque euro qui est dépensé par l'État, la sécurité sociale, l'assurance chômage, les collectivités territoriales et qui n'est pas couvert par un euro de recette, c'est bien un euro de plus dans le circuit économique.

La dégradation de la situation économique par rapport à nos prévisions précédentes pèse naturellement sur nos objectifs de moyen terme. Mais c'est uniquement à cause de la crise. Nous avions prévu 1,5 point de déficit public en 2012. Sur 2009-2010, nous perdrons environ 3 points de croissance du PIB par rapport aux prévisions de la loi de programmation. Comme 1 point de croissance en moins, c'est environ un demi-point de déficit de plus, 3 points de croissance cumulée en moins, ce sera environ 1,5 point de déficit en plus. Nous devrions donc être en 2012 à 2,9 points de PIB de déficit.

Il faut encore insister sur les difficultés de la prévision dans le contexte économique que nous vivons. C'est pourquoi il faut plus que jamais se concentrer sur les points clés.

Le premier, évidemment, c'est de combattre la crise en mettant en place rapidement le plan de relance. Il faut tout faire pour concrétiser le plus rapidement possible les mesures qui dépendent des ministères, en particulier celles en faveur de la trésorerie des entreprises. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur 5,4 milliards de demandes de remboursements de crédit d'impôt recherche, de report en arrière de déficit ou d'excédent d'impôt sur les sociétés, nous avons déjà remboursé 3,9 milliards d'euros. Par ailleurs, alors que cette faculté leur est ouverte depuis seulement trois semaines, la mensualisation des remboursements de crédits de TVA a déjà été demandée par près de 4 500 entreprises.

Le deuxième point clé, c'est bien sûr de poursuivre les réformes structurelles, d'investir dans l'avenir et de maîtriser la dépense courante.

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