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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 4 mars 2009 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Avant de vous présenter le contexte économique international puis le cadrage macroéconomique qui servent de fondement à notre politique économique – en particulier le pacte automobile et la mesure relative à l'impôt sur le revenu – et à sa déclinaison budgétaire, j'appelle votre attention sur le caractère particulièrement incertain des prévisions qui peuvent circuler. Qu'elles proviennent du FMI, de la Commission, de l'OCDE ou du consensus de place, elles sont entourées d'un halo d'incertitudes beaucoup plus épais que d'habitude car la crise, d'une violence inégalée, nous empêche de raisonner par analogie.

Aux États-Unis, épicentre de la crise, la situation des banques, même des plus importantes, reste particulièrement fragile. Les plans de sauvetage se succèdent sans que les autorités financières ne parviennent, semble-t-il, à connaître l'intégralité de ce qui figure dans les bilans. Les États-Unis ont enregistré une baisse de leur PIB de 1,6 % au quatrième trimestre 2008, dont la moitié est imputable à la chute de la consommation des ménages, dont le moral continue de se détériorer. La dégradation brutale de l'activité – en janvier, 600 000 emplois ont été détruits, après 577 000 en décembre – affecte le comportement des consommateurs. Sur l'année 2008, les États-Unis auront détruit 3 millions d'emplois.

En Asie, le ralentissement observé fin 2008 a été plus rapide que prévu et plus grave, alors que les organismes de conjoncture espéraient que l'activité dans cette zone soutiendrait la croissance mondiale. Manifestement, ce n'est pas le cas. Le Japon a vu son PIB reculer de 3,3 % au quatrième trimestre 2008 et les perspectives pour 2009 sont très sombres.

Dans la zone euro, le recul de la croissance atteint 1,5 % au dernier trimestre 2008 sous l'effet de la dégradation rapide du contexte international. Le retournement des anticipations des entreprises a conduit celles-ci à camper sur une position au mieux attentiste, sinon restrictive s'agissant de leurs effectifs et de leurs investissements. Si la remontée du chômage s'observe partout, la situation est variable d'un pays à l'autre, avec un repli du PIB particulièrement important en Allemagne – moins 2,1 %, contre moins 1,2 % en France.

La France est un des rares pays européens à n'avoir pas subi un recul de l'activité au troisième trimestre, même si la progression du PIB est infime : plus 0,1 %. Le mauvais chiffre du quatrième trimestre – moins 1,2 % – reflète un déstockage massif, en particulier dans le secteur automobile. Toutefois, il existe des facteurs de résistance, à commencer par la consommation qui a encore progressé de 0,5 % au quatrième trimestre et de 1,8 % en janvier. Les produits manufacturés en sont les principaux bénéficiaires, sous l'effet des soldes qui ont été réussis. La France tient mieux le coup que les États-Unis où la consommation a brutalement décroché sous l'effet de la chute des marchés actions. Les Américains ont adopté un comportement d'épargne très inhabituel chez eux.

De même, le marché immobilier est relativement moins dégradé chez nous qu'ailleurs. En ce qui concerne les permis de construire, la France s'en sort mieux que les États-Unis ou l'Espagne. La correction est sévère aux États-Unis où la situation continue de se dégrader depuis 2006. Entre janvier 2008 et janvier 2009, les mises en chantier ont chuté de moitié, contre moins 20 % chez nous.

Le secteur bancaire a fait l'objet de mesures d'urgence sous forme de reconstitution de fonds propres ou de soutien au marché interbancaire à hauteur de 33 milliards d'euros par la Société de financement de l'économie française. Il tient mieux le coup et il est plus sain dans ses fondamentaux que le secteur bancaire américain en raison d'une meilleure qualité de la supervision, et de son modèle économique largement fondé sur la banque de détail, donc moins dépendant de l'activité de banque d'affaires et d'investissement.

Nos principales prévisions ont été calculées sur la base du retard de l'impact de la crise, de l'absence d'aggravation majeure en 2009 et d'une amorce de reconstitution des stocks qui ne manquera pas d'arriver fin 2009 ou, plus vraisemblablement, début 2010. Nous tablons sur un redémarrage de la croissance en 2010 – plus 1 % – après une chute de moins 1,5 % en 2009. L'inflation devrait être de 0,4 % en 2009 – ce qui est bon pour la consommation puisqu'il existe une corrélation inverse entre les deux –, et de 1,4 % en 2010 sur la base d'un baril de brent à 43 dollars et d'un euro à 1,32 dollar.

S'agissant du marché du travail, 90 000 emplois marchands environ ont été détruits en 2008 au détriment surtout de l'intérim et des contrats à durée déterminée arrivés à échéance. En 2009, on attend 290 000 suppressions nettes d'emplois, dont 350 000 emplois dans le secteur marchand. En 2010, l'emploi devrait repartir en même temps que la croissance, avec une création nette de 33 000 emplois, les destructions d'emplois cessant dans le secteur marchand. Ces chiffres prennent en compte les emplois aidés dans le secteur marchand et non marchand qui sont financés sur le budget de l'État.

N'ayant rien à attendre des États-Unis en 2009, dont le plan de relance ne fera pas sentir ses effets au plus tôt avant le second semestre 2009, nous avons pris des dispositions successives dans plusieurs directions.

Un premier effort a été consenti en faveur du financement des PME. Elles ne pouvaient qu'être les premières victimes du ralentissement du marché du crédit et nous avons mobilisé très vite 22 milliards d'euros via la Caisse des dépôts et Oséo, dont une bonne partie a déjà été utilisée. Le Fonds stratégique d'investissement est intervenu en faveur des chantiers navals, de DAER qui opère dans le secteur aéronautique, et de Valéo.

Le deuxième épisode a correspondu au plan de soutien des banques en créant la Société de prise de participation de l'État destinée à renforcer les fonds propres des banques et la Société de financement de l'économie française pour alimenter le crédit interbancaire dès la mi-octobre.

Au troisième épisode, a été lancé un plan de relance de 26 milliards d'euros, une moitié par le biais du remboursement des dettes de l'État envers les entreprises, l'autre moitié grâce à des investissements essentiellement publics réalisés sur l'ensemble du territoire. Il s'agit des 1 000 projets identifiés par Patrick Devedjian ; et les entreprises publiques – EDF, SNCF, entre autres – ont reçu instruction d'anticiper ou d'augmenter les investissements prévus.

Le quatrième volet comprend le pacte automobile et les mesures annoncées dans le cadre du sommet social, qui font l'objet du présent projet de loi de finances rectificative.

Le pacte automobile s'est accompagné d'un long travail de concertation, qui a été demandé par le Président de la République et le Premier ministre, et mené par Luc Chatel avec les constructeurs, mais aussi avec les équipementiers, toute la chaîne des sous-traitants, les distributeurs et même les établissements spécialisés dans le financement du secteur. La situation était quasiment bloquée, avec un chômage partiel très important, les risques d'abandon des investissements et de fermeture des petits établissements dépendant d'un seul constructeur.

Le pacte qui concerne l'ensemble de la filière prendra la forme de prêts participatifs à hauteur de 6,5 milliards d'euros sur cinq ans qui seront consentis aux constructeurs automobiles implantés sur le territoire français, c'est-à-dire Renault et Peugeot mais aussi Iveco, qui est italien, ou Renault Trucks qui appartient à un groupe suédois. Il ne s'agit donc pas d'un plan franco-français. Il faut permettre à ce secteur stratégique, qui emploie 10 % de la population active, de se maintenir et de se développer.

Avec les prêts participatifs, une amélioration de la situation des bénéficiaires se traduira par une augmentation de la rémunération servie ; ces facilités ont pour contrepartie des engagements de la part des constructeurs en matière de recherche et développement sur les véhicules propres et pour accélérer la production de véhicules « décarbonés ».

Il a été aussi question du renforcement du fonds de roulement de la filière en augmentant à hauteur de 90% la garantie des concours bancaires apportée par Oséo. Il s'agit d'un outil extrêmement efficace pour les équipementiers et les sous-traitants de premier et deuxième rangs. En outre, le dispositif, jusque-là réservé aux PME, sera étendu aux entreprises de taille intermédiaire, qui comptent moins de 2 500 salariés. Des prêts bonifiés seront octroyés pour un montant de 150 millions d'euros aux entreprises et sous-traitants de la filière automobile afin d'accompagner le développement des produits verts et leur industrialisation.

J'en viens aux suites du sommet social du 18 février. Il a d'abord été décidé la création d'un fonds d'investissement social. Outre les 500 millions prévus dans le plan de 26 milliards, 800 millions supplémentaires viendront abonder un fonds qui devrait réunir 2,5 milliards d'euros pour soutenir les mesures de chômage partiel. Nous souhaitons porter les indemnités à 90 % du salaire net et permettre aux salariés de continuer à se former pendant cette période. Le fonds d'investissement social, qui correspond à une proposition de la CFDT, permettra d'apporter des réponses rapides et il sera mis en place dès le mois d'avril.

L'exonération, à titre exceptionnel et temporaire, des deux derniers tiers de l'impôt sur le revenu des contribuables relevant de la première tranche à 5,5 % et d'une petite fraction de la deuxième tranche à 14 % concernera 6 millions de foyers qui paient cet impôt. Il s'agit, j'insiste, d'une mesure ponctuelle qui ne se renouvellera pas. Elle représentera 1,1 milliard d'euros de gain de pouvoir d'achat et un coût équivalent pour le budget de l'État. Seront concernés les contribuables dont le revenu net par part sera inférieur à 12 475 euros et l'avantage sera dégressif, pour éviter les effets de seuil.

Voici quelques exemples à titre d'illustration.

Premier cas : un couple avec deux enfants, dont un seul des conjoints travaille et perçoit 36 000 euros. Le foyer qui relève de la tranche d'imposition à 5,5 % aurait dû acquitter un impôt de 793 euros ; il bénéficiera d'une réduction de 528 euros.

Deuxième cas : un couple pacsé. Chacun travaille au SMIC, mais l'un est à temps partiel. Déclarant 23 650 euros de revenus, ils relèvent de la tranche à 5,5 %. Leur impôt s'élèverait théoriquement à 359 euros. Mais ils touchent la prime pour l'emploi à hauteur de 1 492 euros. Ils ne seront donc pas imposés et recevront un chèque du Trésor de 1 133 euros, ce qui correspond à une réduction de 240 euros.

Troisième cas : une femme qui travaille à plein-temps fait des heures supplémentaires et élève seule son enfant. Elle déclare un revenu annuel de 25 000 euros, soit environ deux SMIC et 1 200 euros d'heures supplémentaires exonérées. Elle entre dans la tranche à 5,5 % et aurait dû acquitter un revenu de 388 euros, prime pour l'emploi déduite. Grâce à la mesure, elle bénéficiera d'un avantage égal aux deux tiers de son impôt avant PPE, soit 306 euros.

Dernier cas : un ménage avec deux enfants ; une seule personne travaille et perçoit un revenu de 40 000 euros. Le foyer relève de la tranche à 14 % et le montant de son impôt est de 1 098 euros. Mais comme le revenu par part est inférieur à 12 475 euros, il bénéficiera de la mesure d'allégement dégressif et son impôt devrait être réduit de 379 euros.

Cette énumération est peut-être fastidieuse mais elle correspond à des situations réelles et tellement variées qu'il n'est pas possible de se contenter d'un exposé théorique.

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