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Intervention de Philippe Houillon

Réunion du 7 juillet 2009 à 11h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon, rapporteur :

Je vais m'efforcer de faire une présentation aussi synthétique et fidèle que possible du document que la mission d'information a adopté ce matin même.

La crise financière qui frappe aujourd'hui le monde entier, la plus grave depuis la grande dépression de 1929, marque un tournant dans la conception de l'économie de marché. Le capitalisme, s'il reste le seul système capable de créer de la richesse et de dynamiser des pays en attente de développement, est victime de soubresauts montrant qu'il est également vulnérable.

D'ores et déjà, au sein du G 20, les principaux pays développés et en voie de développement réfléchissent sur le nouveau visage à donner à l'économie de marché, à travers l'élaboration de règles tout à la fois adaptées et efficaces.

La commission des Lois de notre Assemblée, traditionnellement très impliquée sur les sujets relatifs aux régulations économiques, ne pouvait rester à l'écart des débats en cours. Afin d'apporter son concours par des propositions susceptibles de nourrir des initiatives sur le plan national, européen ou même international, elle a mis en place, le 16 décembre 2008, une mission d'information sur le sujet.

Le rapport d'information que j'ai l'honneur de vous présenter, qui retrace le résultat des travaux menés sur le premier volet des réflexions de la mission d'information, porte plus spécifiquement sur les rémunérations des dirigeants des grandes sociétés cotées et des opérateurs des marchés financiers.

Le sujet n'est assurément pas nouveau. Il a pris néanmoins une résonance particulière avec la révélation, jusque le week-end dernier, d'émoluments aux montants exorbitants consentis dans des sociétés et des établissements financiers mis à mal par des erreurs stratégiques de leur management.

Je vous ferai grâce de l'énoncé, pour le moins long et fastidieux, des cas qui ont défrayé la chronique, en France comme à l'étranger cette seule dernière décennie, lesquels concernaient le plus souvent des indemnités de départ et des retraites supplémentaires à prestations définies versées aux frais des entreprises ainsi que des bonus alloués aux traders des établissements de crédit indépendamment de leurs résultats de moyen-long terme. Le rapport, je pense, dresse un constat sans appel à cet égard.

Je me bornerai ici à observer que ces cas dénoncés le plus souvent comme particuliers ont jeté une forme de discrédit et de malaise, y compris parmi les dirigeants de PME dont la rémunération annuelle moyenne est plus proche de 50 000 euros que des 4,7 millions d'euros, stock-options incluses, mis en évidence par Proxinvest au sujet des dirigeants de sociétés du CAC 40, au titre de l'exercice 2007.

Certes, tant les organisations représentatives des entreprises que le législateur ont bien cherché à remédier aux abus. L'expérience montre, hélas, que leurs initiatives n'ont pas produit les résultats escomptés.

Ainsi, dans le prolongement des rapports Viénot, en 1995 et 1999, et Bouton, en 2002, un code de bonne gouvernance rassemblant des principes éthiques et des règles de contrôle interne a été élaboré dès 2003 par le MEDEF et l'AFEP. Il a été complété à deux reprises sur le seul volet des rémunérations : en janvier 2007, tout d'abord, puis le 6 octobre 2008, à la demande insistante des pouvoirs publics.

Cette succession de révisions à échéances rapprochées ainsi que la persistance des abus sous l'empire de la précédente version de ce code de bonnes pratiques conduisent immanquablement à s'interroger sur les effets de la dernière mouture. Le trouble est d'ailleurs d'autant plus grand que les responsables des organisations professionnelles qui ont rédigé ce document déclarent ni pouvoir vérifier sa mise en oeuvre, ni vouloir être en mesure de le faire.

Le Parlement, lui-même, a adopté pas moins de cinq lois entre 2001 et 2007 puis plusieurs dispositions spécifiques en lois de financement de la sécurité sociale et en lois de finances, entre 2007 et 2009 ; là aussi, avec des effets plus ou moins convaincants.

Il s'est agi, en l'espèce, de soumettre les exécutifs des sociétés à une exigence de transparence sur leur rémunérations, de lier l'octroi de stock-options à la diffusion des actions gratuites ainsi que des primes de participation ou d'intéressement au sein des entreprises, de soumettre l'attribution de parachutes dorés à des critères de performance et, plus récemment, de mieux fiscaliser les éléments de rémunération variable ou exceptionnelle tout en interdisant, le temps de la crise, les rémunérations variables des dirigeants mandataires sociaux d'entreprises aidées par l'État.

De l'aveu général, ces aménagements législatifs n'ont apporté qu'une réponse partielle aux excès.

Le statu quo n'étant pas envisageable, j'ai soumis à la mission d'information un ensemble de propositions, de nature législative mais pas uniquement, qui visent à apporter des réponses réalistes, pragmatiques et, je le crois, utiles.

Tout d'abord, il me semble essentiel que les discussions internationales en cours, que ce soit au niveau du G 20 ou de l'Union européenne, trouvent une traduction juridique plus contraignante qu'actuellement. Il est en effet nécessaire que les points d'accord mis à jour au sujet de la régulation du capitalisme mondial engagent durablement les États, de manière à éviter que certains ne profitent de la reprise pour réitérer les comportements déviants antérieurs.

Ensuite, je ne suis pas partisan d'un encadrement trop contraignant des rémunérations allouées aux dirigeants mandataires sociaux et aux opérateurs des marchés financiers. Pour cette raison, je souhaite laisser sa chance au comité des sages récemment mis en place autour de M. Claude Bébéar, sous plusieurs conditions toutefois.

Je suggère en effet que cette instance, actuellement dénuée de base juridique, soit transformée en véritable observatoire des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux. Dans ce cadre, elle verrait sa composition élargie à des éléments extérieurs au monde patronal et sa saisine ouverte aux actionnaires minoritaires ainsi qu'aux pouvoirs publics. De même, elle rendrait des avis publics, notamment en cas de plan social de 1 000 salariés et plus, et effectuerait un suivi annuel pour le compte du Gouvernement et du Parlement.

Parallèlement, pour que l'autorégulation devienne plus crédible, deux initiatives législatives me paraissent devoir être prises afin de responsabiliser davantage les intéressés et, de la sorte, les inciter à faire preuve de plus de modération dans les avantages consentis.

La première de ces initiatives consiste à soumettre à l'impôt sur les sociétés le montant des rémunérations et des avantages de toutes natures des mandataires sociaux excédant 1 million d'euros. Rien n'interdira aux grandes sociétés cotées d'accorder davantage, mais dans ce cas les conseils devront apporter aux actionnaires des justifications sur leur choix, notamment en cas de contre-performances des intéressés.

La seconde initiative consiste à donner force de loi au principe énoncé par le MEDEF et l'AFEP, selon lequel la rémunération des dirigeants mandataires sociaux doit correspondre à l'intérêt général de l'entreprise. Les auditions ont montré en effet que le juge ne donnerait pas nécessairement droit aux actions engagées par des actionnaires, et aux sanctions subséquentes, sur le fondement de l'irrespect du code AFEP-MEDEF sur ce point. Je pense donc qu'il est nécessaire d'y remédier par la loi afin d'impliquer plus directement les conseils d'administration ou de surveillance vis-à-vis de cette exigence.

En complément de ces mesures structurelles, un certain nombre d'aménagements seraient les bienvenus s'agissant de la gouvernance des sociétés cotées. Afin de ne pas être trop long, je citerai, entre autres :

– l'institutionnalisation des comités des rémunérations, présents actuellement dans seulement 73 % des sociétés cotées, de manière à éclairer utilement les choix des conseils d'administration et de surveillance ;

– la consultation systématique, par une résolution spécifique, des assemblées générales d'actionnaires sur les rémunérations et les avantages de toutes natures – clauses de non concurrence incluses – attribués aux dirigeants mandataires sociaux, via une extension du régime des conventions réglementées, proposition assez voisine et sans doute plus pertinente que le mécanisme récemment suggéré par le groupe Nouveau Centre dans une proposition de loi soumise au vote de l'Assemblée nationale le 25 juin dernier ;

– la limitation plus stricte des mandats sociaux pour enrayer la consanguinité des conseils d'administration et de surveillance des sociétés du SBF 250, tout en maintenant l'état actuel du droit pour les dirigeants de PME ayant le statut de société commerciale ;

– la suppression des retraites chapeaux, les dirigeants mandataires sociaux ne pouvant plus bénéficier, à l'avenir, que d'un système de retraite par capitalisation, ce qui présente d'ailleurs une dimension d'équité certaine dans la mesure où les intéressés auront l'assurance de percevoir une retraite à raison de leurs cotisations personnelles ;

– la suppression des jetons de présence attribués aux dirigeants mandataires sociaux sur les deniers de la société qu'ils dirigent ;

– l'aménagement du régime des stock-options, afin de lisser les modalités de calcul du prix d'attribution et de supprimer, pour les seuls dirigeants mandataires sociaux, la décote de 20 % par rapport à la moyenne des cours des vingt séances précédentes, ce dernier principe reprenant une recommandation du MEDEF et de l'AFEP rarement appliquée jusqu'à présent ;

– enfin une plus grande transparence sur les émoluments versés aux professionnels des marchés financiers.

Toutes ces propositions n'ont d'autre but que de participer activement à l'entreprise de moralisation et de refondation du capitalisme qui se dessine. Pour ma part, j'ai conscience que la loi, par définition générale, ne peut pas trop entrer dans le détail sous peine de se révéler inadaptée à des profils d'entreprises par définition multiples. La règle doit néanmoins évoluer, afin de poser de nouveaux principes.

Il en va de la crédibilité des équilibres nécessaires à la solidité de notre pacte social. Il en va aussi, dans une large mesure, de l'efficience économique grâce à la restauration d'une valeur un peu trop oubliée ces dernières décennies par les grands dirigeants et banquiers, en dépit de son rôle essentiel dans le système capitaliste, à savoir : l'éthique de responsabilité.

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