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Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 17 juin 2009 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Martin Hirsch, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles :

Les Entretiens de Valois correspondent à une démarche nouvelle engagée par la ministre de la Culture et de la communication. Mettre autour d'une même table l'État, les collectivités et les professionnels constitue une petite révolution car personne n'avait organisé ce type de dialogue jusque-là. Un dialogue régulier devrait conduire à un consensus aussi large que possible autour des réformes du spectacle vivant, lesquelles sont nécessaires. La première phase a débouché sur un rapport remis à la ministre au mois de janvier dernier, et la deuxième, qui prendra fin le 30 juin – même si le dialogue se poursuit –, est destinée à mettre au clair les réformes préalablement décidées. Elles sont de deux ordres : technique et politique.

Ces dernières années, le dialogue entre les différents acteurs de la politique de la culture a été quelque peu malmené dans la mesure où le lien entre l'État et les collectivités s'était distendu et où les professionnels, campant sur une position d'affrontement, se bornaient à réclamer de l'argent sans accepter de contrepartie en échange. Nous avons voulu faire changer cet état d'esprit et, désormais, les choses sont en bonne voie. Les associations représentatives des collectivités territoriales sont restées du début à la fin et les organisations syndicales ont globalement participé aux Entretiens, si bien que le rapport reflète les discussions que nous avons eues tous ensemble.

La ministre a retenu plusieurs axes : premièrement, une clarification de l'action de l'État à travers ses financements et ses réseaux ; deuxièmement, la refondation du partenariat entre l'État et les collectivités territoriales ; troisièmement, une meilleure circulation des artistes et des productions à l'étranger.

Le premier axe nous a conduits à reprendre la totalité des textes qui fondent les rapports entre l'État et les professionnels, c'est-à-dire les cahiers des charges de tous les labels, toutes les conventions entre l'État et les institutions culturelles, ainsi que les contrats de décentralisation avec les centres dramatiques nationaux. Nous avons créé des contrats de performance et adressé systématiquement une lettre de mission aux présidents d'établissements publics. Nous nous sommes donc efforcés de clarifier le plus possible le dialogue et de l'accompagner d'engagements réciproques entre l'État, les professionnels et les collectivités. Ce gros travail de réécriture mené par la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles en coopération avec les professionnels et les collectivités territoriales dans le cadre de la seconde phase des Entretiens de Valois, laquelle s'est terminée hier matin, a abouti à des textes qui font consensus, pour le moment du moins. En septembre, nous commencerons à mettre en oeuvre tous ces nouveaux textes. Seront également clarifiés les rapports entre les DRAC, d'une part, et les compagnies et les ensembles indépendants, d'autre part, rapports qui ne faisaient pas toujours l'objet de conventions. Le but de l'État est de mieux soutenir la création et les compagnies émergentes. Cette batterie de textes donnera des orientations claires, assorties d'indicateurs, qui devront être respectées. Si elles ne l'étaient pas, la part variable des subventions pourrait être revue à la baisse. De la sorte, chacun saura où il va.

Depuis des années, de jeunes artistes ne peuvent plus exprimer leurs projets faute de soutien ou de lieu adaptés. Nous avons voulu clarifier les choses et nous allons rappeler l'obligation de solidarité interprofessionnelle entre les réseaux labellisés et les compagnies émergentes qui n'étaient pas toujours accueillies avec enthousiasme. Tous ces talents nouveaux seront d'ailleurs d'autant mieux reçus qu'un cadre financier et artistique plus propice leur sera offert par des organisations solides.

On produit beaucoup en France, mais on diffuse peu. Du fait de cette dissymétrie, un spectacle ne fait l'objet en moyenne que de 2,5 représentations par an. C'est très peu, et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'assortir le financement de l'État de l'obligation de mieux produire et coproduire pour mieux diffuser. Parmi les contre-exemples, je pense à ces deux maisons d'opéra séparées de 400 kilomètres qui, le même week-end, ont joué chacune leur version de La Dame de pique, coûtant chacune 500 000 euros. Inversement, douze maisons d'opéra se sont alliées pour monter Le Voyage à Reims de Rossini qui mobilise un grand nombre de chanteurs, et avec, qui plus est, un objectif de formation professionnelle. Ce spectacle permettra à de jeunes artistes de participer à soixante-quinze représentations, qui seront données dans toute l'Europe. Une telle démarche libère des marges de manoeuvre puisque l'amortissement du spectacle est mieux réparti, et sa diffusion mieux assurée, non seulement en France, mais aussi à l'étranger.

La France a une politique active à l'international, mais celle-ci mérite d'être accentuée. Les opérateurs français savent mal comment monter un dossier européen, pour une raison triviale : rares sont encore ceux qui parlent anglais. De plus, les procédures européennes sont complexes. Hormis le festival d'Avignon et le festival d'Aix-en-Provence qui le font déjà, il est indispensable que tous les opérateurs puissent produire et coproduire avec des théâtres étrangers.

Quand nous aurons mis en place tous ces cahiers des charges, ces conventions, ces contrats d'objectifs et de moyens, ces lettres de mission, nous serons très attentifs à l'exécution des obligations qu'ils retracent et nous constaterons chaque année les performances par évaluation ou inspection. Faire entrer de telles pratiques dans les habitudes d'artistes qui, s'agissant de la performance, ne sont pas toujours sur notre longueur d'onde, ne sera pas chose facile. Mais, grâce au dialogue qui s'est créé, des évolutions se produisent et la crise va nous y aider en imposant à nos professions de nouveaux modèles économiques.

Avec les collectivités territoriales – j'en arrive au deuxième axe –, l'idée était de mieux dialoguer et nous avons reçu de leur part un accueil et une écoute attentifs. L'État sera non plus prescripteur, mais partenaire. Il s'agit d'une évolution très importante dans la mesure où, en matière de politique culturelle, ce sont les collectivités qui prendront le pas. Dans cet esprit, nous avons engagé la discussion et j'ai visité toutes les grandes régions pour expliquer aux élus notre démarche, sans rencontrer d'hostilité. Nous allons instituer les conférences du spectacle vivant qui deviendront, au niveau de la région, un lieu de dialogue où, aux côtés des professionnels, se retrouveront l'État et les collectivités pour arrêter ensemble les orientations politiques, lesquelles pourront être très différentes d'une région à l'autre. Parallèlement, le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel sera réactivé.

Ces deux instances serviront à l'État et aux collectivités pour fixer les priorités de la politique culturelle des trois années à venir, conformément à la pluriannualité budgétaire. Une fois les grands axes décidés, les professionnels nourriront le dialogue en proposant leurs projets, même si ce sont in fine les collectivités et l'État qui tranchent. La décision devrait être contractualisée dans un document signé par les deux parties, qui précisera qui fait quoi, de façon à éviter les tensions. L'État et les collectivités signeront ensuite avec les institutions culturelles régionales toute une série de documents établissant clairement les droits et les obligations des uns et des autres. Ces documents serviront de référence, notamment en cas de difficulté d'exécution.

Nous avons essayé de mettre l'accent sur l'importance de discuter des projets le plus en amont possible, afin que l'on ne soit pas contraint de décider sous la pression des événements. Nous sommes convenus de nous caler sur une échéance triennale glissante, cohérente avec la programmation budgétaire. Il arrive souvent que l'État et les collectivités payent des « ardoises » imprévues. Nous voulons éviter de tels dérapages par un suivi plus clair des projets sur le plan budgétaire, économique et artistique, au moyen de tableaux de bord. D'aucuns nous accuseront de « flicage », mais il est normal que ceux qui financent la politique culturelle puissent savoir où ils en sont. Loin de « tacler » les institutions, la tutelle veut les aider le mieux possible en suivant les projets au plus près. Un dialogue permanent devrait éviter les catastrophes budgétaires. Tel était l'objectif de la seconde phase des Entretiens de Valois, rendu nécessaire par les perspectives budgétaires du ministère de la culture.

L'hypothèse de départ est une stabilisation des budgets, stabilisation qui sous-entend celle du périmètre des interventions du ministère, et du nombre de ses bénéficiaires. Il nous faudra dès lors plus de cohérence pour mieux soutenir les artistes que nous défendons, ce qui implique des rapports plus intimes et mieux articulés avec eux. Ces exigences entraînent une évolution de la politique culturelle, que la ministre a souhaité voir passer d'une ouverture tous azimuts à une plus grande sélectivité. Le dialogue doit servir à arrêter les choix avec les professionnels. Ils doivent prendre leur part de responsabilité même s'ils n'ont que peu de goût pour la sélection, qu'ils font mine de prendre pour de la censure. Nous aurions même dû prendre ce virage bien plus tôt.

Cette stratégie devra être assumée, y compris sur le plan politique, pour pouvoir imposer nos choix. Elle ne doit pas apparaître comme un repoussoir car il est souhaitable d'avoir une politique claire, lisible par tous. Or le public est souvent désorienté par la complexité des structures qui s'empilent les unes sur les autres. Cela suppose, messieurs les députés, de résister aux pressions. Si nous voulons une politique courageuse, articulée, ambitieuse, l'État et les collectivités devront faire preuve d'un grand volontarisme.

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