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Intervention de Taïb Fassi-Fihri

Réunion du 8 juillet 2009 à 11h15
Commission des affaires étrangères

Taïb Fassi-Fihri, ministre des affaires étrangères et de la coopération du Royaume du Maroc :

Je vous remercie de l'honneur que vous me faites en me permettant de venir exposer notre vision des relations entre le Maroc et la France et notre conception du rôle du Maroc en tant qu'acteur régional. Les relations extérieures d'un pays s'expliquent par des facteurs historiques et géographiques. Le Maroc se trouve aux confins de l'Atlantique et de la Méditerranée, aux portes de l'Afrique et au « balcon occidental » du monde arabe et musulman. Cette situation géographique singulière crée des occasions de dialogue et d'échanges mais aussi une responsabilité particulière, car elle est à la croisée des chemins et aussi au coeur des menaces. Qu'il s'agisse d'immigration clandestine, de trafic de stupéfiants ou de petites armes, de trafics de tout genre, le Maroc se trouve sur l'itinéraire euro-africain.

Un deuxième facteur déterminant est le poids de l'histoire. Le Maroc n'est pas seulement arabe, il a des origines multiples : musulmane, berbère, juive, arabe, africaine et andalouse. Ce brassage de sensibilités lui donne une identité nationale forte ; il implique aussi un devoir d'écoute et de compréhension. Cette particularité nous fait ce que nous sommes et nous impose de défendre certaines valeurs.

On ne peut négliger un troisième élément : nos options de la première heure, celles que nous avons prises immédiatement après avoir recouvré l'indépendance. À l'inverse d'autres pays dans le même cas, nous avons privilégié un système politique pluraliste sous l'égide d'une monarchie attentive aux besoins, et mis l'accent sur l'ouverture économique. Tout cela n'a pas été facile et je me souviens d'avoir entendu, jeune homme, des doutes s'exprimer : comment le Maroc pouvait-il s'engager, si peu d'années après la fin de la colonisation française et espagnole, dans un accord avec ce qui était alors la Communauté économique européenne ? Pourtant, nous avons sciemment décidé de nouer et de maintenir ce lien.

Le quatrième élément qui explique les orientations de la diplomatie marocaine, c'est la convergence parfaite entre les valeurs que nous défendons à l'intérieur du Maroc et celles pour lesquelles nous nous battons en politique étrangère. Cela peut sembler évident, mais ce n'est pas toujours le cas dans les pays du Sud. J'appartiens à un Gouvernement attaché à moderniser l'économie, à lutter contre la pauvreté et à aménager le territoire de manière à améliorer le sort de la population, sous la forte impulsion royale. Ces objectifs sont aussi ceux que poursuit la diplomatie marocaine. Il n'y a donc pas de contradiction entre les efforts que nous accomplissons au Maroc et nos options en politique étrangère.

Quelles priorités résultent de ce schéma ?

Le Maroc est maghrébin ; nous considérons que c'est dans un Maghreb uni, renforcé et complémentaire que son développement se fera.

Le Maroc est membre de la Ligue arabe, ainsi que de l'Organisation de la conférence islamique, créée sur son sol en 1969. Nous sommes l'un des premiers pays arabes qui ont cru la paix possible au Moyen-Orient, et nous avons pris de multiples initiatives pour qu'elle se réalise. La paix est plus nécessaire que jamais dans cette région du monde car elle dépasse les seuls intérêts des pays concernés. L'absence de paix au Moyen-Orient est un mal qui menace l'ensemble des pays du monde, sans qu'aucun ne soit à l'abri de ce qui peut se passer. Un engagement collectif est donc nécessaire pour permettre la reprise d'une négociation globale ; en effet, la Palestine n'est pas la seule concernée et il faudra aussi régler les dossiers syrien et libanais. Le Maroc demeure engagé dans la recherche de la paix, qu'il estime toujours possible. Nous continuons d'affirmer, comme nous le faisons depuis les années 1970, alors que le sujet était tabou, qu'Israël a le droit d'exister dans des frontières sûres, à côté d'un État palestinien viable et indépendant.

Le Maroc, pays majoritairement musulman, s'efforce de jouer un rôle dans le dialogue entre l'Islam et l'Occident, et il s'est engagé dans la voie indispensable de l'écoute mutuelle.

Le Maroc est un pays africain, et je suis très heureux que nous ayons resserré nos liens avec l'Afrique, singulièrement avec l'Afrique subsaharienne. Nous avons signé plus d'accords avec des pays africains au cours des dix dernières années que nous ne l'avions fait depuis 1956 ; cela illustre notre volonté de renforcer la coopération Sud-Sud. Cette évolution dépasse le seul cadre gouvernemental ; des entreprises publiques et privées s'associent à l'application des accords passés. Nous souhaitons que la France s'insère dans ce cadre, car une coopération triangulaire, associant l'expérience de tous, aurait d'heureux effets.

Le Maroc est un pays méditerranéen, et qui dit « Méditerranée » dit « Euro-Méditerranée ». Je l'ai dit, nous avons fait très tôt le choix d'une relation forte avec l'Union européenne, et le couple Maroc-France est une locomotive du rapprochement entre le Royaume et l'Union européenne. Ce n'est pas un hasard si c'est à Paris qu'en 2000, Sa Majesté le Roi a appelé l'Union européenne à renforcer cette relation dans le cadre du statut avancé ; ce n'est pas un hasard non plus si ce statut a été accordé au Maroc en 2008 pendant la présidence française de l'Union. L'octroi du statut avancé signifie un engagement politique renforcé de la part du Maroc, engagement qui se traduit dans les multiples conventions auxquelles il est partie : conventions relatives à la justice, à la lutte contre la corruption, à l'État de droit, à l'égalité des genres. C'est en appliquant ces conventions et celles du Conseil de l'Europe que le Maroc pourra se moderniser. En matière économique, nous souhaitons aller vers un accord de libre-échange approfondi, qu'il s'agisse de l'agriculture - dans l'attente de la révision de la PAC que nous appelons de nos voeux – ou du secteur des services. Nous considérons le statut avancé comme une étape dans l'approfondissement nécessaire des relations entre le Maroc et l'Union européenne – car l'oxygène vient du Nord.

J'en viens aux perspectives régionales. L'Union européenne a passé de nombreux accords bilatéraux dans la région. Cependant, en 1995, à Barcelone, nous avons, ensemble, décidé de créer un cadre régional à ces relations pour offrir une perspective de paix, de sécurité et de prospérité partagée à tous les pays riverains de la Méditerranée. L'Union pour la Méditerranée, voulue par le Président Sarkozy, est venue à point et elle a été encouragée par le Maroc, convaincu qu'il fallait renforcer le processus de Barcelone en lui donnant un contenu politique et économique concret.

En résumé, le Maroc, sous l'égide de Sa Majesté le Roi, demeurera attaché au dialogue, à l'écoute, à une diplomatie et à une coopération utiles aux populations. Il cherche à améliorer le bien-être de son peuple par le biais d'accords privilégiés avec l'Europe, son partenaire stratégique historique. Si nous y parvenons, on peut imaginer que l'ensemble des pays riverains de la Méditerranée y parviendra aussi. Autour de la Méditerranée, les écarts sont criants – de 1 à 12 pour ce qui est du revenu per capita. Si nous réussissons au sein de l'Union pour la Méditerranée, à éliminer les clivages culturels, à modifier la perception de l'autre et celle de la religion, nous pourrons envisager une solution planétaire des problèmes Nord-Sud. C'est pour cela que se bat le Maroc, c'est ce à quoi il essaye de contribuer modestement.

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