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Intervention de Françoise Olivier-Coupeau

Réunion du 1er juillet 2009 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Olivier-Coupeau, rapporteure :

Sur la base de ce constat, la mission a formulé des propositions visant à optimiser les coûts.

Lorsqu'une opération extérieure est entreprise, les troupes déployées sont d'abord hébergées dans des logements provisoires, généralement sous des tentes. Puis, l'opération durant, des logements préfabriqués sont achetés, acheminés et installés. Dans un troisième temps, au bout d'un certain nombre d'années, la fabrication d'éléments en « dur » est décidée.

L'expérience montre que, sauf cas très particuliers, les opérations extérieures sont longues. L'Opex en Bosnie a duré 15 ans, celles au Kosovo, en Côte d'Ivoire, au Tchad, en Afghanistan se prolongent, respectivement, depuis 10, 7, 23 et 8 ans, sans réelle perspective de désengagement à court terme, sauf peut-être pour le Kosovo.

La solution la plus rationnelle semble être de construire des bâtiments « en dur » pour loger nos troupes aussitôt que possible, avec des schémas standardisés assurant des constructions sécurisées bien définies. Le coût de la main d'oeuvre locale et des matériaux rend la construction moins onéreuse que l'achat et l'acheminement de préfabriqués qui, bien que censés être mobiles, ne pourront que très difficilement être réutilisés et dont le rapatriement coûte plus cher que l'abandon.

Outre les économies financières réalisées sur le long terme, les constructions présentent plusieurs avantages : elles assurent une bien meilleure protection contre les roquettes et tout autre type d'attentat ; elles procurent un meilleur confort pour les personnels – ce qui n'est pas négligeable quand les températures passent de -20 à +40 degrés ; elles assurent du travail à la main d'oeuvre locale ; elles peuvent être rétrocédées aux autorités locales lors du retrait. Certes, une installation de ce type présente l'inconvénient de donner d'emblée le signal d'une installation longue. Mais cela peut aussi avoir l'effet bénéfique de montrer la détermination de notre pays.

Aussi considérons-nous que, lorsqu'une opération extérieure est lancée et s'il n'est pas expressément décidé que sa durée sera limitée à quelques mois, les armées ont intérêt à bâtir aussitôt que possible des installations pérennes aussi standardisées que possible qui, outre les avantages sécuritaires, feront réaliser, sur la durée, des économies substantielles en matière d'infrastructures.

Au sein de coalitions comme l'Otan ou l'Union européenne, les services rendus par un État à un autre, comme l'alimentation ou le transport, font l'objet d'une facturation. Or, la France ne facture pas à ses alliés les prestations qu'elle leur fournit au même niveau qu'elle s'acquitte de ses factures. Notre pays facture ses prestations à « coût coûtant », alors que les autres nations facturent un coût global qui intègre l'amortissement. C'est ainsi que l'alimentation quotidienne d'un militaire français par l'armée néerlandaise en Afghanistan nous est facturée 50 euros, alors que la France en réclame beaucoup moins aux armées dont elle nourrit les soldats – et dans certains cas, elle ne leur présente même pas de facture.

Un interprète afghan recruté à Kaboul par les forces françaises est rémunéré environ 600 euros par mois. Mais lorsque la France doit exceptionnellement faire appel à un interprète fourni par une autre nation de la coalition, ce service lui est facturé 2 500 euros par mois ! Cette forme de candeur aboutit à ce que, pour l'année 2009, la France doit 7,45 millions d'euros à ses alliés quand ceux-ci ne lui doivent que 4,91 millions d'euros – de plus, nos militaires estimant la procédure si compliquée et les paiements si aléatoires que les factures ne sont parfois pas envoyées.

Au Tchad, ce sont les géographes de l'armée française qui ont réalisé la cartographie complète de l'est du pays. Lorsque la Minurcat est arrivée, sans la moindre carte, les données cartographiques appartenant à l'armée française ont été cédées à l'ONU pour une somme dérisoire, « à peine plus que le prix du papier sur lequel elles sont imprimées ».

Nous proposons de facturer les prestations servies par la France aux armées alliées selon les méthodes de calcul utilisées pour facturer les prestations équivalentes à nos forces, en se fondant sur le coût global et non sur le coût marginal.

Les armées utilisent sur la plupart des théâtres d'opération des véhicules civils, parfois achetés mais généralement loués. C'est le cas en Afghanistan, pour 28 véhicules tout-terrain, dont une bonne partie sont blindés. Si le prix de location d'une voiture non blindée reste acceptable quoique très élevé, – 600 euros par mois –, le coût de la location d'un 4X4 blindé est de 6 600 euros par mois. Il est vrai que le marché est étroit, ce qui ne favorise pas la concurrence.

Selon les calculs du ministère de la Défense, une voiture blindée louée reviendrait, sur trois ans, « à peine plus cher » – 37 000 euros de plus, quand même – qu'une voiture achetée. Outre que le mode calcul, dont vous trouverez le détail dans le rapport, nous paraît discutable, ces 37 000 euros d'économie par véhicule ne nous paraissent pas négligeables, sans compter que l'état-major des armées semble oublier que, contrairement à une voiture louée, une voiture achetée peut être revendue. En réalité, nous avons le sentiment que les armées préfèrent louer plutôt qu'acheter, même si cela revient plus cher aux finances publiques, car ce qui est loué est imputé en frais de fonctionnement remboursables par Bercy en fin d'exercice, alors que les achats d'équipement ne sont pas remboursables. Des raisons procédurales et la mésentente entre les deux ministères ont donc pour effet un gaspillage d'argent public.

Nous recommandons donc que lorsqu'il apparaît que le coût de location d'un matériel, notamment d'un véhicule, est supérieur, pour la durée d'utilisation envisagée, au coût d'achat, de privilégier l'acquisition.

Depuis quelques années, la piraterie maritime se développe sur une grande échelle. Malgré les mises en garde répétées des autorités françaises, nombre de navires battant pavillon national, notamment des plaisanciers – je pense au Carré d'As et au Ponant – continuent à fréquenter les eaux dangereuses du Golfe d'Aden, notamment. Certains de nos compatriotes ont été victimes d'enlèvements – à cette occasion, le skippeur du Tanit a même été tué – et, pour les libérer, les armées ont dû mettre en place des dispositifs lourds et coûteux. La vie de nos soldats a été mise en danger à l'occasion de chacune de ces opérations. Si la décision de mener ces missions pour sauver des vies humaines ne se discute pas, il n'en demeure pas moins que ces missions permettent également de récupérer les navires détournés ; or ce sauvetage de biens matériels est réalisé au profit de propriétaires et d'assureurs à qui il ne vient parfois même pas l'idée d'écrire une lettre de remerciement au ministre de la Défense.

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