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Intervention de Pierre Morange

Réunion du 1er octobre 2008 à 11h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morange, rapporteur :

Je me propose de présenter, de façon synthétique, la vingtaine de propositions adoptées à l'unanimité par les membres de la mission d'information sur la gouvernance et le financement des structures associatives.

Je salue au passage l'ambiance consensuelle qui a régné pendant nos réunions, sur un sujet réputé polémique. Nos travaux, qui ont duré six mois, ont permis l'audition de plus d'une centaine de personnes. Nous avons ainsi pu prendre la mesure des défis auxquels était confronté le milieu associatif.

La mission est partie d'un constat simple : la loi de 1901, sans que son contenu ait changé depuis plus d'un siècle, a accompagné avec succès un formidable développement de la vie associative. Les associations, on le sait, interviennent dans un champ de plus en plus vaste. Elles se voient confier des pans entiers de politiques publiques et deviennent de véritables acteurs de l'économie. Le budget cumulé associatif représente 60 milliards d'euros, dont la moitié est financée par des fonds publics. Les 1 100 000 associations que compte notre pays emploient 14 millions de bénévoles et 1,5 million d'équivalents temps plein, soit 5 % de l'emploi salarié en France et 3,5 % du produit intérieur brut. Elles ont donc un poids économique et sociale non négligeable. Le tissu associatif est particulièrement dynamique, puisqu'il se crée 63 000 associations par an, dont 9 % disparaissent toutefois à très court terme. Ce développement ne va pas sans créer des frictions et questionnements identitaires, entre privé et public, entre logique marchande et recherche de l'intérêt général.

Le champ d'activité des associations est non seulement vaste, mais aussi très hétérogène. Il n'y a aucune commune mesure entre une association de boulistes et une grande association du secteur médico-social, par exemple. Les budgets, en particulier, sont radicalement différents : le budget moyen annuel d'une association sans salarié est d'environ 11 700 euros, tandis que celui d'une association employant des salariés est de 282 000 euros. Une majorité d'associations ont un budget inférieur à 1 000 euros. Les attentes, les problèmes et les défis ne sont pas les mêmes, et il ne faut donc pas avoir la prétention de fournir des solutions standardisées. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de connaître et de reconnaître l'implication du secteur associatif dans la vie sociale de notre pays, car on a tendance à ne voir que la partie émergée de l'iceberg.

Les associations sont également confrontées à de nouveaux défis. Les conséquences de la transposition de la directive « services » en est un. L'application d'une philosophie anglo-saxonne pourrait en effet se traduire par une insécurité juridique et fonctionnelle pour les associations.

Parmi les autres problèmes que rencontrent les associations, on peut citer les tensions financières qui compromettent l'avenir du secteur, le renouvellement des dirigeants bénévoles, mais aussi l'exigence croissante de transparence – autant de thèmes qui sont revenus de manière récurrente au cours des auditions.

Rappelons que cette mission n'est pas la première à s'intéresser au sujet : Mme Muriel Marland-Militello, ici présente, présidente du groupe d'études sur le développement de la vie associative et du bénévolat, s'y est fortement investie, de même qu'un ancien président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Michel Belorgey, ou que nos collègues Jean-Pierre Decool et Claude Greff. Nombre de rapports parlementaires y ont été consacrés, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Mais des interrogations subsistaient, sur lesquelles la mission avait vocation à fournir des pistes. C'est l'objet des vingt propositions auxquelles nous avons abouti et dont le caractère est non seulement consensuel, mais aussi pragmatique.

L'administration doit satisfaire des exigences légitimes quant à l'usage des fonds publics et l'efficacité des actions soutenues. Elle peine à trouver un mode de régulation qui ne porte pas atteinte à la vitalité du secteur. La mission s'est donc donné pour objectif de définir précisément les rapports entre associations et pouvoirs publics, ainsi que ce qu'ils pensent se devoir mutuellement.

Ses propositions s'ordonnent autour de quatre objectifs principaux.

Il convient d'abord d'avoir une meilleure connaissance du secteur associatif en améliorant un système d'information particulièrement lacunaire. La refonte du « jaune budgétaire », aujourd'hui inutilisable pour le Parlement, est une nécessité absolue.

Par ailleurs, l'architecture institutionnelle qui permet le dialogue entre associations et pouvoirs publics devra être refondue, notamment en rénovant le Conseil national de la vie associative (CNVA), dont je rappelle que la fonction relève de l'expertise et certainement pas de la certification, et en renforçant la représentation des associations au Conseil économique et social (CES).

Ensuite, il faut sécuriser le cadre juridique des associations dans le contexte du droit européen et mettre ainsi à l'abri des activités traditionnellement exercées par le milieu associatif. La transposition de la directive « services » offre l'opportunité qui manquait aux pouvoirs publics et aux associations de rénover leurs relations contractuelles.

Il convient également de soutenir le financement des associations et l'engagement de leurs bénévoles.

Enfin, il faut mieux contrôler, évaluer et encourager le contrôle interne et la bonne gouvernance, notamment avec l'aide du CNVA.

Reprenons en détail les propositions qui correspondent à ces quatre axes.

Premier grand objectif : connaître et reconnaître le milieu associatif. Alors que les statistiques du ministère de l'intérieur comptabilisent quelque 2 millions d'associations, Mme Tchernonog, grande spécialiste de ce domaine, estime leur nombre à 1,1 million, car l'acte de décès d'un certain nombre d'entre elles n'est pas enregistré. Notre premier souci est donc de mieux connaître le paysage associatif. Nous devons disposer de chiffres fiables, et pour cela créer une base de données des associations. À cet égard, la finalisation du fichier Waldec, dont l'élaboration dure depuis 2005, nous est promise pour 2009. Il faut également assurer le suivi annuel d'un panel d'associations, en prenant notamment en compte celles qui n'ont pas tissé de liens contractuels avec les pouvoirs publics. Enfin, il convient de mobiliser la statistique publique en créant un compte satellite des instituts sans but lucratif (ISBL) et une unité en charge des organismes non marchands à la direction générale de l'INSEE. Enfin il faut faire du « jaune budgétaire » sur les associations un document lisible et utilisable, à même d'offrir une vision claire et exhaustive du montant des subventions accordées par l'État ainsi que des dépenses fiscales consenties en faveur de ce secteur. Aujourd'hui, la présentation de cette liste, par ordre alphabétique ou par ministère, est particulièrement ingrate, ce qui la rend inexploitable.

Il est par ailleurs nécessaire de mieux dialoguer avec les associations, c'est-à-dire de les reconnaître et de faire en sorte que des responsabilités identifiées leur soient confiées. Il convient, dans ce but, non de créer d'autres structures, mais de renforcer celles qui existent déjà. Nous proposons notamment de réviser la composition du CNVA pour en faire une structure plus légère, composée de représentants du milieu associatif, d'experts et de représentants de l'administration et des collectivités locales, très investies dans ce domaine. Ses fonctions seraient redéfinies – en particulier en ce qui concerne l'observation du secteur associatif et l'expertise – et ses moyens renforcés.

Pour donner aux associations les moyens de se faire entendre, nous proposons de renforcer leur représentation au sein du CES et d'élargir le champ du congé de représentation. Le tissu associatif ne compte en effet actuellement que cinq représentants au CES, ce qui paraît déséquilibré au regard de leur poids économique et social. Conformément à une demande légitime du secteur associatif, ce nombre serait donc porté à une vingtaine.

Nous devons faire de l'État un véritable interlocuteur pour les associations. Au niveau national, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), une structure interministérielle – délégation ou comité –, rattachée au Premier ministre, serait chargée d'assurer le pilotage de la politique associative. Au niveau local, il convient de rationaliser les dispositifs d'accompagnement et de coordonner les différents interlocuteurs. La question des conséquences de la décentralisation sur le monde associatif devra d'ailleurs être inscrite au programme de la prochaine conférence nationale de la vie associative, prévue pour la fin de l'année. Afin de fixer un rendez-vous régulier, cette conférence devra se tenir tous les trois ans. À l'issue de la prochaine, un rapport devra être remis au Parlement sur l'application de la charte nationale d'engagements réciproques.

Deuxième grand objectif : sécuriser le cadre juridique et rénover les modes de reconnaissance des associations à la faveur de la transposition de la directive « services ».

L'application de la notion anglo-saxonne de mandatement – dont la définition n'a pas d'équivalent en droit français – pourrait conduire à assimiler à des aides d'État les subventions qui alimentent le secteur associatif, au risque de les remettre en question. Ainsi, en Finlande, les associations du secteur médico-social ont vu leur action sérieusement compromise. On mesure le danger lorsque l'on sait quel poids représentent, en France, les associations dans ce secteur, qui est au coeur de la solidarité républicaine. Nous proposons donc d'anticiper les conséquences de la transposition de la directive en dressant l'inventaire des associations potentiellement concernées.

La mission préconise par ailleurs de profiter de la présidence française de l'Union européenne pour adopter un agenda européen en matière de services sociaux d'intérêt général, et inscrire la question à l'ordre du jour du Conseil européen de décembre 2008.

Sur un sujet connexe mais non moins important, il faut obtenir l'inscription du projet de statut associatif au prochain programme de la Commission européenne, tout en faisant valoir auprès de nos partenaires européens que ce statut n'a pas vocation à se substituer aux statuts nationaux, car on risquerait sinon de remettre en cause les identités culturelles.

Un groupe de travail coordonné par un membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), est missionné pour recenser les dispositifs réglementaires applicables à chaque secteur associatif afin de savoir si ces associations entrent ou non dans le champ de la directive. Par ailleurs, nous devons saisir cette occasion pour remettre à plat les modes de reconnaissance des associations. Ces modes de reconnaissance, qui vont de la simple habilitation à la reconnaissance d'utilité publique, doivent être simplifiés et mis en conformité avec la directive européenne.

Enfin, une attention particulière devra être portée aux associations participant à la mise en oeuvre d'un service public, ce qui passe par la formalisation d'un partenariat et par une réflexion sur les champs de définition de la subvention.

Les associations dites para-administratives sont exposées au risque juridique de gestion de fait. Pour éviter tout contentieux, il est donc nécessaire qu'elles changent de statut. Le Conseil d'État prône la transformation en groupement d'intérêt public, mais il s'agit d'un cadre lourd dont les contraintes ne sont pas adaptées aux besoins des associations concernées. Nous proposons donc qu'elles soient transformées en établissements publics, sur le modèle des établissements publics de coopération culturelle.

Troisième grand objectif : soutenir les deux piliers de la vie associative que sont le financement et l'engagement.

Nous proposons d'abord de mieux organiser le financement public au bénéfice de la stabilité, de la gestion pluriannuelle et de l'engagement des acteurs, notamment en abaissant le seuil de subvention à partir duquel les contrats pluriannuels d'objectifs doivent être signés, et en généralisant, y compris aux collectivités territoriales, le dossier unique de financement. En effet, il existe aujourd'hui une foule de documents administratifs terriblement chronophages, qui complexifient le travail des associations, alimentent l'incompréhension et conduisent à retarder les financements, au risque de fragiliser les actions menées.

En ce qui concerne le financement privé, la fiscalité française est l'une des plus attractive qui soit, notamment depuis la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Mais nous pouvons encore le stimuler en encourageant la création de fondations, en favorisant les dons – par exemple en mettant en place l'équivalent du Payroll Giving scheme britannique – ou en développant des modes de financement innovants.

Par ailleurs, nous devons encourager le bénévolat, accompagner sa professionnalisation en augmentant les crédits du Conseil du développement de la vie associative et en décentralisant l'attribution des fonds. Nous devons également promouvoir et faire le bilan de la validation des acquis de l'expérience pour les bénévoles et reconnaître le bénévolat comme une contribution au cofinancement de projets.

Pour limiter les risques de contentieux, il importe de clarifier le statut du volontaire, le volontariat associatif étant une formule atypique au regard du code du travail. Enfin, il convient de réexaminer les multiples formules d'emplois aidés dans le secteur associatif.

Quatrième grand objectif : encourager le contrôle interne, simplifier les contrôles externes et promouvoir l'évaluation. L'objectif est d'améliorer la transparence de l'information publiée par les associations, de promouvoir la gouvernance, d'encourager le contrôle a posteriori et l'évaluation. Le problème n'est pas le manque de contrôles, mais leur multiplicité et leur complexité. Le contrôle doit donc être rationalisé, et devenir à la fois plus simple et plus efficace.

Pour encourager le contrôle interne, tout d'abord, nous devons publier un code de bonne gouvernance, renforcer les compétences des commissaires aux comptes et encourager le contrôle par les pairs.

Ensuite, divers moyens doivent être consacrés à l'amélioration de la qualité de l'information fournie par les associations. Ainsi, une présentation normée du compte d'emploi annuel des ressources offrirait une vision claire de l'utilisation des fonds. Elle pourrait être rendue disponible à travers un portail d'accès gratuit. Par ailleurs, les décrets d'application de l'ordonnance du 28 juillet 2005 – qui prévoit la publicité des comptes annuels des associations dont les subventions dépassent 153 000 euros – devront enfin être pris. Enfin, il convient, toujours dans la perspective d'améliorer l'information, de publier, en annexe des comptes annuels, un rapport complet comprenant notamment un compte d'emploi des ressources, sur le modèle de celui des associations faisant appel à la générosité du public.

Il faut également profiter de la réforme des modes de reconnaissance pour simplifier et graduer les contrôles externes.

Enfin, il faut développer l'évaluation, et notamment les contrats d'objectifs pluriannuels. Ces derniers constituent de véritables instruments d'évaluation, qu'une partie des associations maîtrise d'ailleurs parfaitement. Dans le secteur médico-social, notamment, les procédures utilisées sont extrêmement précises. Bien entendu, une telle méthodologie ne doit concerner que les structures les plus lourdes. Elle est notamment adaptée aux 15 % d'associations qui absorbent 86 % du budget cumulé associatif.

Telles sont, mes chers collègues, les propositions adoptées par la mission d'information. Celle-ci demande par ailleurs qu'un certain nombre de sujets détaillés dans le rapport soient inscrits à l'ordre du jour de la prochaine Conférence nationale de la vie associative. Naturellement, cette liste peut encore être enrichie.

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