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Intervention de Christian Noyer

Réunion du 6 mai 2009 à 8h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et président de la Commission bancaire :

Il y a eu là aussi un problème de communication : les chiffres parus dans la presse agrégeaient parfois la garantie initiale et le collatéral. Or le principe de ce type de contrats est de donner un montant initial de collatéral et, en cas de dégradation du risque, de redonner un actif sain pour couvrir ce risque. À la demande de la FED, venue à son secours, AIG a récupéré les collatéraux, les actions et obligations données en garantie, et repris les expositions garanties. Le chiffre donné par la presse est donc sans réalité. En tout état de cause, la Société générale était très bien couverte et n'aurait subi qu'une perte résiduelle très faible si AIG avait fait défaut.

Pour ce qui est des banques allemandes, si l'une des plus grandes faisait défaut, les banques françaises seraient à l'évidence touchées. Cela aurait été aussi le cas il y a quelques trimestres pour les Landesbanken, mais aujourd'hui les banques françaises sont beaucoup moins engagées, voire plus du tout, sur ces établissements du fait de leur mauvaise réputation. En tout état de cause, depuis la faillite de Lehman, nous vivons dans l'idée que les États ne laisseraient pas tomber une de leurs banques. Ils feront ce qu'il faut, quitte à fermer de façon ordonnée les cas désespérés, pour qu'aucune ne fasse défaut et ne crée un effet d'enchaînement. C'était en tout cas l'objectif de la déclaration solennelle des Chefs d'État et de gouvernement de l'automne dernier. Je me fie à leur parole ! Le Royaume-Uni ou l'Allemagne ont fait le nécessaire à plusieurs reprises pour sauver des établissements de la faillite et l'État allemand est en train de mettre en place des solutions pour les banques régionales qui seraient en défaut de paiement ou ne rempliraient plus les normes réglementaires. Nous ne pouvons donc partir que de l'hypothèse que les banques européennes ne feront pas défaut.

Pour ce qui est des normes comptables, des modifications ont effectivement eu lieu à l'automne dernier, à la demande des principaux pays industrialisés. En principe, les actifs sont évalués à la valeur du marché, c'est-à-dire un marché actif, organisé et surveillé qui permet d'obtenir un résultat objectif. Mais ce système ne marche pas lorsque les transactions ne sont plus suffisamment nombreuses pour faire un marché. Ainsi, il n'est plus question de revendre aujourd'hui certains actifs qui devaient n'être conservés que quelques semaines ou quelques mois : plus personne n'achète un bien qui a la moindre trace de subprime, et même les produits structurés sans subprimes sont difficiles à vendre. Ils n'ont donc plus de valeur de marché. Lorsqu'il y a une transaction, c'est que quelqu'un veut nettoyer son bilan pour pouvoir dire qu'il ne détient plus aucun de ces produits. Il les vend alors pour rien, même en perdant 99,9 % de leur valeur. Mais cela ne veut pas dire que tous ces actifs doivent être dépréciés de 99,9 % ! Les anciennes normes IASB se fondaient sur de telles transactions. C'est ce que les gouvernements ont voulu changer, et c'est une bonne chose. Cela aide à ramener la confiance en évitant des fluctuations complètement artificielles. En pratique, lorsqu'il n'y a plus de valeur de marché solide et que l'actif va être conservé jusqu'à l'échéance, il est placé dans un portefeuille semblable à un portefeuille de crédit. Comme pour un crédit, à partir de la valeur au jour du transfert, on cherche à savoir si la valeur est évaluée suffisamment prudemment ou si des provisions supplémentaires sont nécessaires. Et les provisions ne sont pas de 100 %, mais d'une fraction de la valeur, comme c'est le cas pour un crédit douteux.

Toutefois, les dernières modifications faites par le FASB posent problème. Le FASB, pour faire simple, a été convoqué devant une commission parlementaire américaine pour s'entendre dire que, s'il ne changeait pas deux normes, le Congrès se chargerait de légiférer. Le FASB s'est exécuté. L'IASB ensuite, en Europe, a très vite adopté le changement de la première norme, mais résiste pour la seconde. Sans discuter sur le fond de l'intérêt de ces modifications, il est sûr que cette façon de faire va exactement à l'encontre de la convergence des normes comptables que disent souhaiter les États du G 20. Il est absolument indispensable que les États-Unis, qui ont signé le communiqué du G 20, acceptent la concertation au lieu de prendre seuls de telles décisions – c'est ce que nous leur avons dit très vigoureusement à Washington il y a quelques jours. Mais il est tout aussi nécessaire que l'IASB s'aligne s'il le faut. Ainsi que nous l'avons dit à la Commission européenne, si l'IASB refuse de changer une norme, l'Europe peut adopter une directive : ce n'est pas cet organisme qui détient le pouvoir législatif ! Mais pour l'instant, l'IASB réfléchit et travaille…

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