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Intervention de Didier Houssin

Réunion du 30 avril 2008 à 9h30
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Didier Houssin :

Les affections de longue durée représentent un problème délicat, peut-être le plus difficile de ceux auxquels nous sommes confrontés. Si améliorer la santé de la population est notre objectif prioritaire, il est également essentiel de rendre cette amélioration accessible à tous. Or l'évolution du dispositif ALD rend plus délicate la conciliation de ces deux objectifs.

Je ne rappellerai que brièvement cette évolution, déjà présentée dans le rapport rédigé par M. Raoul Briet et M. Bertrand Fragonard avec le concours de M. Pierre-Jean Lancry et dans nombre d'études récentes. Le dispositif, né avec la sécurité sociale, est marqué par une approche centrée sur les soins, héritière d'une époque où la médecine semblait de nature à résoudre presque tous les problèmes. De fait, un système fondé sur une liste de maladies conduit à aborder la santé publique et sa dimension financière à travers le prisme de la médecine et du soin.

Il n'y a cependant pas lieu de regretter cette option. Le système des ALD a représenté une évolution formidable. À une époque où la médecine était triomphante, il constituait la meilleure façon de prendre les malades en charge, et a permis de soigner des patients qui, autrement, n'auraient pas pu l'être. Une étude de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a montré qu'en 2004, le coût annuel de traitement d'un malade était de 23 000 euros pour une néphropathie chronique grave, de 26 000 euros pour une hémophilie, de 16 000 euros pour une suite de transplantations d'organes, de 21 000 euros pour une mucoviscidose et de 17 000 euros pour une paraplégie – pour prendre les chiffres les plus élevés. Ce sont des coûts très importants, et sans une prise en charge totale, les victimes de ces pathologies de longue durée n'auraient pu être soignées. Par ailleurs, certaines pathologies plus fréquentes et qui entraînent souvent la mort, telles que les affections cardiovasculaires ou les cancers, représentent un coût moindre par personne, mais beaucoup plus important à l'échelle de la population. Il faut donc bien distinguer les affections qui se révèlent extrêmement coûteuses pour une personne de celles qui le sont pour la société. Ce ne sont pas les mêmes.

Le dispositif ALD est remarquable, mais il est victime de son succès. Les études prospectives montrent qu'en 2015, il pourrait concerner 12 millions de personnes et concentrer 70 % des dépenses d'assurance maladie remboursées. La question se pose donc de savoir si nous pouvons continuer ainsi ou si une réforme s'impose.

Ma contribution à cette réflexion, particulièrement complexe et qui comprend une importante dimension économique, ne peut qu'être modeste et se limiter à tracer quelques pistes.

Première remarque : l'équilibre financier de notre système d'assurance maladie est un objectif majeur en termes de santé publique. Nous avons la chance de vivre dans un pays qui offre, malgré les limites et les fragilités du système, une certaine égalité d'accès à la prévention et aux soins. Il est essentiel de conserver cet acquis, même s'il tend aujourd'hui à être remis en cause par des problèmes d'inégalités territoriales ou de dépassements d'honoraires – ou même par l'instauration de franchises, bien que leur niveau reste aujourd'hui modeste. Quoi qu'il en soit, il convient de s'interroger sur la façon de pérenniser un système qui garantit globalement l'égalité d'accès aux soins et à la prévention.

Deuxième remarque : une des faiblesses du système ALD est peut-être son approche centrée sur les soins. On laisse ainsi de côté des éléments déterminants, relatifs à l'environnement ou au comportement, qui devraient faire l'objet d'une prévention hors du système de soins. Beaucoup de choses se jouent avant même que se pose la question de l'affection de longue durée. Les exigences de santé publique comme l'approche économique imposent d'aborder le sujet en amont.

Troisième remarque : l'avantage du dispositif ALD, c'est qu'il permet dès le début une prévention secondaire ou tertiaire, laquelle pourrait être compromise par une entrée plus tardive dans le dispositif. Si, comme il en a été question, nous modifions les critères d'admission en ALD, en particulier s'agissant des affections cardiovasculaires, du diabète et de l'hypertension, alors il conviendra de mettre en oeuvre des actions de prévention au moins aussi efficaces que celles qui sont menées lorsque le patient bénéficie de la prise en charge au titre des affections de longue durée. On peut imaginer, par exemple, une consultation de prévention systématique.

Réviser le dispositif ALD, qui atteint peut-être ses limites, ne doit donc pas conduire à jeter le bébé avec l'eau du bain, car les apports de ce dispositif sont irremplaçables, en particulier pour les affections les plus coûteuses dont je citais à l'instant des exemples.

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