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Intervention de Michel Diefenbacher

Réunion du 14 octobre 2008 à 16h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Diefenbacher :

Je voudrais m'éloigner du terrain juridique pour poser une question politique : comment les lois mémorielles peuvent-elles être reçues par nos concitoyens ?

Nous avons en effet parlé des politiques, des juristes, des éditeurs, des universitaires, des chercheurs, des médias, mais pas encore des citoyens. C'est difficile, car leurs opinions peuvent être différentes des nôtres. Le Parlement éprouve toujours beaucoup d'émotion à voter un texte mémoriel ; le citoyen en éprouve également beaucoup en le recevant. Si l'émotion du Parlement et celle du citoyen ne sont pas en phase, l'État manque son objectif, qui est de construire une mémoire commune ou de rappeler les valeurs communes qui y sont attachées.

Le fameux article 4 de la loi de 2005 – je parle sous le contrôle de Christian Vanneste – est un bon exemple. Ce qui me frappe, c'est qu'il ait été pratiquement impossible d'expliquer la volonté du Parlement. Une bonne partie de l'opinion publique a interprété cet article comme une apologie de la colonisation, voire une réhabilitation de l'esclavage. Or le législateur a simplement voulu dire que l'expansion française à l'extérieur de son territoire a été une oeuvre humaine qui, comme toutes les oeuvres humaines, a eu des aspects négatifs et des aspects positifs ; et que par conséquent, il importe que la mémoire véhiculée en particulier dans les livres d'histoire de nos enfants fasse état, à la fois, de ces aspects positifs et de ces aspects négatifs. Le Parlement n'a rien voulu dire d'autre. Cette disposition a été acceptée sans la moindre polémique dans l'hémicycle, adoptée sans la moindre observation par le Sénat, et la loi a été promulguée sans aucune réserve par le Président de la République. C'est plus d'un an après qu'à la suite de manifestations et de colloques, cette affaire a déchaîné les passions.

Le Parlement doit donc non seulement prendre des précautions sur le plan juridique, comme cela a été dit, mais également être attentif aux réactions possibles de l'opinion publique. En l'occurrence, la présentation de ce texte n'avait pas réellement été préparée ; la disposition dont il s'agit ne faisait pas partie du projet du Gouvernement, mais était un amendement parlementaire, que certains députés ont découvert en séance. Le deuxième problème, et je m'en excuse auprès des auteurs, c'est que sa rédaction n'était pas parfaite. Enfin, les politiques ont été totalement incapables, il faut le reconnaître, d'expliquer les choses.

A l'avenir, si le Parlement confirme son intention de voter des lois mémorielles – et personnellement, je n'y suis pas opposé –, il devra faire beaucoup plus attention. Cela veut dire qu'il faudra procéder à une vaste consultation avant, avoir un débat beaucoup plus approfondi dans l'hémicycle ou en commission, et avoir ensuite le courage d'expliquer.

En matière de commémorations, il est évident que le Parlement doit s'exprimer, et que ce faisant il ne porte pas seulement une appréciation juridique. La décision de commémorer les victimes de la guerre de 14-18 le 11 Novembre prend acte de la signification symbolique de la date du 11 novembre 1918 ; la décision de commémorer les morts de la guerre de 39-45 le 8 Mai met en exergue la capitulation sans condition de l'Allemagne nazie le 8 mai 1945 ; et lorsque des politiques, de droite comme de gauche, refusent la date du 19 mars pour commémorer les morts de la guerre d'Algérie, c'est que la date de la signature du cessez-le-feu n'est pas, selon eux, l'événement le plus important à retenir. Le Parlement prend ces décisions non pas sur la seule base d'éléments juridiques ; il le fait aussi en fonction d'une appréciation historique et d'une volonté politique, lesquelles font partie des attributions du Parlement. On ne saurait l'empêcher d'intervenir dans ce domaine : lorsqu'il le fait, il est vraiment dans son rôle.

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