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Intervention de Françoise Milewski

Réunion du 28 janvier 2009 à 10h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Françoise Milewski :

M. Delevoye nous a reçus et s'est intéressé, en particulier, à la retraite des femmes. Nous avons parfois été reçus par un membre de cabinet. Espérons que, d'ici à quelques années, quelqu'un s'intéressera à ce sujet et renommera un comité pour refaire un rapport…

À la Direction générale de l'administration et de la fonction publique – DGAFP –, une personne est chargée de la « diversité », donc des inégalités hommes-femmes. Ne faisant pas partie de la fonction publique, je peux simplement vous faire part de quelques éléments tirés des rapports statistiques que j'ai compulsés et des travaux que nous avons réalisés.

Contrairement à une idée très répandue, la fonction publique – qui comprend 58 % de femmes – n'assure pas plus que le secteur privé l'égalité d'accès aux emplois supérieurs entre les hommes et les femmes. Qui plus est, les obstacles, directs ou indirects, spécifiques ou non à la fonction publique, perdurent.

Dans la haute fonction publique, les femmes sont très minoritaires : 12 % pour l'ensemble des trois fonctions publiques et 14 % pour les administrations civiles de l'État. Surtout, la proportion des femmes dans les emplois supérieurs ne progresse que très peu pour la simple raison que les nominations, en termes de stock comme de flux, ne permettent pas de modifier la situation. En 2003, 11,5 % de femmes ont été nommées dans l'ensemble des trois fonctions publiques, à peine plus de 14 % dans les administrations civiles de l'État et 12,5 % pour les emplois à la décision du gouvernement, dans lesquels les femmes ne sont que 11,9 %. Enfin, la part des femmes dans les viviers de promotion n'est que de 25 %. Une de nos propositions consistait donc à ce que la part des femmes dans les nominations soit au moins proportionnelle à la part des femmes dans les viviers.

Avec l'appui des services statistiques du ministère, nous avions ainsi pu mettre au point un tableau de bord statistique pour chacun des ministères et pour les trois fonctions publiques. Le poursuivre aurait permis de voir l'efficacité des actions entreprises.

Le constat est évident : la situation évolue peu et traduit l'absence d'effort déterminé et surtout régulier pour corriger les déséquilibres. Il faut avoir une culture de résultats, c'est-à-dire d'évaluation et de chiffres – c'est tout le débat sur l'évaluation des politiques publiques.

Comme ailleurs, les inégalités dans la fonction publique dépendent de la société dans son ensemble, le partage des tâches familiales, l'école, la famille faisant que les femmes ne se dirigent pas facilement vers des filières type ENA ou Polytechnique – nous avons étudié en détail ces concours – et accèdent donc très peu aux emplois supérieurs. C'est également vrai pour les IPAG – instituts de préparation à l'administration générale – et les IRA – instituts régionaux d'administration – nos études ayant montré que les femmes cadres B sont moins nombreuses que les hommes à se saisir des opportunités de promotion.

Le statut de la fonction publique reproduit et amplifie des inégalités – des mesures égalitaires pouvant produire des inégalités. Les critères formalisés de déroulement de carrière et les conditions d'âge et d'ancienneté pénalisent les femmes sont pénalisées qui, en interrompant leur activité pour cause de congé de maternité, prennent du retard dans leur déroulement de carrière, sachant qu'elles ont reporté l'âge de leur première maternité. Par ailleurs, faute de mesures de soutien, l'obligation de mobilité dans la fonction publique pénalise les femmes. Enfin, les modes de nomination informels jouent beaucoup : on nomme dans les réseaux d'appartenance, les anciens de tel corps, de telle grande école, ce qui a des effets d'inertie importants.

L'égalité de droit ne suffit donc pas à assurer l'égalité de fait ; il faut – je le répète – une volonté politique.

Le dispositif existant dans la fonction publique est déjà important. La loi de 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dite « loi Génisson », prévoit une représentation équilibrée aux jurys de concours. Elle prévoyait également la remise tous les deux ans aux assemblées parlementaires d'un rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes. Ce rapport spécifique n'existe plus.

Tous les ministères doivent avoir un plan pluriannuel d'accès aux emplois supérieurs mais les règles d'évaluation font là aussi défaut. Ces plans varient beaucoup d'un ministère à l'autre : certains portent sur trois ou cinq ans, d'autres sur dix ans, certains sont chiffrés, d'autres pas. Qui plus est, ils ne sont pas tous mis en oeuvre. Malgré nos propositions, aucune structure n'a été créée pour tenter d'harmoniser les plans ou pour se donner de nouveaux objectifs.

Il existe dans les ministères des coordonnateurs de l'égalité hommes femmes. Mais le poste est souvent occupé par une femme motivée, qui fait cela en plus du reste. Quand elle s'en va, il ne se passe plus rien.

Le Comité de pilotage qui s'est interrompu en 2005 a aussi fait des propositions : ne pas organiser de réunion après dix-huit heures, harmoniser et évaluer les plans pluriannuels, mettre en oeuvre la loi de 2001, engager des démarches d'actions positives, faire un effort pour que le pourcentage de nominations soit au moins égal à celle des viviers…

Ce qui est frappant, c'est l'absence de cohérence des politiques publiques. Les mesures prises ne s'inscrivent ni dans la durée ni dans une démarche d'évaluation. Or, sans objectifs concrets, évalués au moins une fois par an, on ne progressera pas.

Jusqu'en 2006, le bilan annuel de la fonction publique, qui comprenait plusieurs chapitres sur la diversité et les inégalités hommes femmes, donnait un certain nombre de chiffres. Il montre ainsi qu'en 2006, les femmes représentaient 16 % des emplois supérieurs dans les fonctions publiques – soit un peu mieux que les 12 % de 2003. Mais les choses n'ont pas changé pour les emplois à la décision du Gouvernement, la part des femmes passant de 11,9 %, en 2003 à 10,4 % en 2004, à 10,6 % en 2005 et à 11,6 % en 2006. Et la part des femmes dans les nominations reste encore bien inférieure à leur part dans les viviers.

Il est inquiétant que ce tableau de bord soit moins étendu que celui que nous avions préconisé. D'ores et déjà, on ne connaît que la part des femmes dans les emplois supérieurs et dans les viviers pour la fonction publique de l'État, mais plus dans les autres fonctions publiques. Je crains fort que, dans un an ou deux, on ne dispose que de la part des femmes dans les emplois supérieurs...

Je suis frappée de constater que des actions exemplaires continuent d'être menées dans un certain nombre d'administrations, où des gens sont motivés. La ville de Rennes, que j'ai citée, est la première administration publique à avoir obtenu le label égalité grâce à ses actions inscrites dans la durée, notamment sur les questions de carrières, de valorisation des postes et de visibilité des femmes.

Au ministère des affaires étrangères, de nombreuses actions intéressantes sont menées non seulement parce ce que la responsable des ressources humaines est motivée, mais aussi parce qu'une association de jeunes femmes « Femmes et diplomatie » pousse à la roue et parce que le ministre est réceptif. La responsable nous a même dit vouloir parvenir non pas des quotas, mais une part de femmes dans les nominations, le cabinet lui ayant conseillé de parler de « représentation équilibrée ».

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