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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 16 octobre 2007 à 16h00
Commission des affaires économiques

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

, a dit sa satisfaction de retrouver la commission des affaires économiques.

Soulignant qu'un budget ou une administration ne constituaient pas un projet, que ce n'étaient que des outils au service d'un projet, il a décrit le projet alimentaire, agricole et rural auquel il entend s'attacher, en prenant en compte plusieurs rendez-vous : tout d'abord le Grenelle de l'environnement, sur lequel l'ensemble des acteurs agricoles ou ruraux se sont engagés de manière proactive, et non pas défensive. On aurait pu craindre une confrontation brutale et une mise en accusation du secteur agricole. Ce ne fut pas le cas. On le doit à l'intelligence et aux propositions de l'ensemble des acteurs du secteur agricole et des fonctionnaires du ministère.

Deuxième rendez-vous : le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC). La Commission européenne présentera une communication au mois de novembre. Dans cette perspective, le ministre a réuni les Assises de l'agriculture qui se tiennent dans le cadre du CSO (Conseil supérieur de coordination et d'orientation de l'économie agricole et agroalimentaire). Il a suggéré que les parlementaires soient associés à ces travaux et a proposé que l'Assemblée et le Sénat désignent chacun cinq de leurs membres pour siéger aux Assises de l'agriculture. Ainsi le Parlement participera à la réflexion sur le bilan de santé de la PAC.

Troisième rendez-vous : les négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui réclament que l'on fasse preuve de vigilance.

Un grand débat doit donc s'ouvrir pour bâtir un projet européen et national, alimentaire, rural et agricole, un projet d'agriculture et de pêche durables.

Le premier outil pour mettre en oeuvre ce projet, le budget 2008, est assez contraint. Il est en très légère baisse : de 2,4 % en autorisations d'engagement (AE), avec 5,192 milliards d'euros ; et de 1,5 % en crédits de paiement (CP). La mission Agriculture, pêche, forêt, affaires rurales s'établit quant à elle à 3,118 milliards d'euros en AE.

La capacité d'intervention du ministère est ainsi assez correctement préservée. Cinq priorités se sont imposées :

Premièrement, l'enseignement et la recherche.

L'effort national en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche augmente de 2 % ; il n'y aura pas de suppressions d'emplois. Quant à la baisse sensible que l'on peut observer sur les crédits de l'enseignement technique agricole, elle s'explique en réalité par une mesure de transfert des personnels techniques ouvriers et de service, les TOS, vers les régions. Si l'on ne tient pas compte de cette mesure de transfert, l'enseignement technique agricole bénéficie d'une hausse de 1,3 %.

Deuxième priorité : les actions qui concourent au développement d'une agriculture durable.

Certaines mesures spécifiques sont poursuivies ou amplifiées : hausse des crédits en faveur de la prime herbagère agro-environnementale (avec 457 millions d'euros en AE) ; maintien des enveloppes consacrées aux indemnités compensatoires de handicap naturel (232 millions d'euros en AE et en CP) et à la part nationale de la PNSVA (prime nationale supplémentaire à la vache allaitante) que d'aucuns auraient voulu supprimer, alors que ces dispositifs sont indispensables pour maintenir les activités d'élevage dans l'ensemble des territoires ruraux les plus fragiles ; doublement, enfin, des crédits consacrés aux mesures agro-environnementales territorialisées (avec 54 millions d'euros en AE), contribuant au respect de la directive-cadre sur l'eau et de Natura 2000.

S'agissant du plan « Nitrates » en Bretagne, les parlementaires et les collectivités locales ont été associés pendant deux mois et demi au travail de restauration de la confiance entre les agriculteurs et Bruxelles. Les acteurs professionnels ont obtenu quelque chose d'assez rare : la Commission, qui avait décidé formellement de saisir la Cour de justice – la France encourant 28 millions d'euros de pénalités immédiates et 117 000 euros d'astreinte par jour - a renoncé à son recours, considérant qu'elle pouvait leur faire confiance. Le prix de ce plan « Nitrates » est de 86 millions d'euros, mobilisables sur cinq ans, dans un cadre interministériel, afin de ramener à la norme le taux en nitrates des eaux de neuf bassins versants.

Troisième priorité : la sécurité alimentaire.

Les crédits qui lui seront consacrés s'élèveront à 546 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 1,1 %. Dans ce chapitre figure notamment la lutte contre les maladies animales. Il faut faire très attention aujourd'hui, car les pathogènes émergents, qu'il s'agisse de maladies végétales, animales ou humaines, explosent partout et n'importe comment : le virus numéro 8 de la fièvre catarrhale ovine, prévalant dans le sud, est ainsi arrivé directement aux Pays-Bas. Cette année, l'accent sera mis plus particulièrement sur l'influenza aviaire et la fièvre catarrhale ovine.

Les crédits alloués à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) sont maintenus pour préserver son niveau d'expertise au standard international. L'effort portera également sur les contrôles sanitaires à l'importation, particulièrement dans les aéroports, conformément à la demande du chef de l'État.

Lors d'une rencontre ce matin avec les producteurs de bananes avec lesquels le ministère avait travaillé après le passage du cyclone Dean, ces derniers ci ont fait remarquer que si la cercosporiose, maladie qui touche les bananes, était arrivée jusqu'à Grenade, elle n'avait pas touché la Martinique et la Guadeloupe grâce au niveau des contrôles et à l'interdiction d'importer des végétaux. D'où l'importance des contrôles sanitaires à l'importation.

Quatrième priorité : la pêche et l'aquaculture.

Les moyens qui leur sont allouées ont été consolidés à 60 millions d'euros, afin de poursuivre l'effort engagé en 2007 où les crédits avaient augmenté de plus de 50 %. Il faut en effet répondre aux défis environnemental, économique et réglementaire et donner à l'État les moyens de jouer son rôle de protecteur de la ressource en renforçant les moyens de contrôle des pêches.

Dans quelques jours sera annoncée la création de deux missions : l'une, sur la pêche et plus précisément sur la structuration de la profession, la gestion de la ressource, les droits à produire, le contrôle des pêches, sera confiée à M. Paul Roncière, conseiller d'État ; l'autre, sur l'aquaculture, sera confiée à Mme Hélène Tanguy, ancienne députée du Finistère. Leurs rapports seront brefs et ils permettront, au bout de six mois de travail, d'aborder les négociations européennes en ayant une meilleure vision de la situation.

Cinquième priorité : le dispositif de gestion des aléas ou crises.

Les risques peuvent être économiques, climatiques ou sanitaires, parfois les trois. Depuis 2005, le ministère prend en charge 30 % des primes d'assurances récolte – 35 % pour les jeunes agriculteurs. Dans le domaine des céréales, plus de 25 % des surfaces sont aujourd'hui couvertes par ce mécanisme. C'est le principal secteur couvert, et il conviendrait de réfléchir à une extension. Les crédits en faveur du développement de l'assurance récolte sont en hausse, avec 32 millions d'euros en AE comme en CP.

S'agissant du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), il a bien rempli sa mission jusqu'à présent. Il n'est pas doté habituellement en loi de finances initiale, car c'est une dépense qui s'établit sur la durée, à parité entre la participation des professionnels et celle de l'État, à environ 80 millions d'euros par an. Toutefois cet outil est limité, dans la mesure où l'aide accordée est forfaitaire et où il n'indemnise pas à un taux suffisant les aléas climatiques.

Le chef de l'État a fixé des objectifs dans son discours au Salon international de l'élevage de Rennes : apporter aux agriculteurs des outils qui leur permettent de se prémunir contre les risques climatiques et sanitaires. La Commission européenne doit se saisir de ce sujet. Parallèlement, le ministère de l'agriculture et le ministère de l'économie s'attacheront à mettre en place un mécanisme de généralisation de la gestion des risques à partir de l'expérience assez positive de l'assurance récolte. Cette initiative sera au coeur des propositions françaises développées à la fois lors du bilan de la PAC et de sa prochaine réforme.

Ces sujets sont importants et la matière est vaste. Députés et sénateurs ayant déjà travaillé dessus, la question justifierait vraisemblablement que l'on se réunisse avec des experts pour faire le point de ce qui existe aujourd'hui et étudier ce qui pourrait être créé au titre de la prévention des crises économiques et de la réparation des crises sanitaires et climatiques.

S'agissant du budget, le plafond d'emplois du ministère est de 37 663 équivalents temps plein, hors mesure de transfert des TOS. Il a été procédé à 375 suppressions d'emplois de titulaires, dont 198 sur la mission Agriculture au titre de la mesure générale de non remplacement de l'ensemble des départs en retraite. Cela représente donc près de 38 000 personnes ETP, dont la moitié dans le grand secteur de l'éducation agricole qui fait fonctionner près de 847 établissements privés ou publics.

Au titre du programme 154, qui concerne la DGFAR (la direction générale de la forêt et des affaires rurales), a été maintenue la priorité en faveur de l'installation des jeunes avec 60 millions d'euros en CP pour la dotation jeunes agriculteurs (DJA) et 57 millions d'euros pour les prêts bonifiés.

S'agissant de ces derniers, le ministère est confronté à un problème de ciseau en raison de l'augmentation des taux. Le niveau garanti étant de 20 %, ce qui est très faible, toute la différence doit en effet être absorbée par le budget du ministère. Ainsi, plus les taux augmentent, plus le budget est pressuré. En conséquence, au mois d'août, on avait presque consommé 37 % de plus sur l'enveloppe prêts bonifiés que l'année précédente à la même époque, non pour donner plus d'argent, mais pour faire face à cette prise en charge automatique.

Les crédits des ICHN ont été maintenus à hauteur de 232 millions d'euros. En revanche, les agriculteurs ne pourront plus souscrire de nouveaux contrats d'aide rotationnelle : le ministère assume cette décision qui est justifiée car ce dispositif était devenu assez peu incitatif, notamment dans le secteur des grandes cultures. La création de mesures équivalentes plus équivalentes sera recherchée au niveau européen.

Le programme 227 Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés, qui correspond aux soutiens directs à l'agriculture et comprend notamment les crédits affectés aux offices agricoles et à la gestion des crises, s'établit à 642 millions d'euros en CP, soit une baisse de 9,2 %. Cette diminution s'explique par une mesure très conjoncturelle : le ministère de l'agriculture étant en mesure de vendre un immeuble bien placé dans un quartier réputé de Paris – il s'agit de l'ancien siège de l'ONIC, Office national interprofessionnel des céréales – , le ministère du budget a estimé que l'affectation du produit de la vente aux offices agricoles permettrait en 2008 de baisser les moyens de fonctionnement de ces derniers, dans le cadre de la politique de maîtrise générale des dépenses. Certes, la procédure est particulière et elle n'a été acceptée parce que par le ministère du budget a garanti que, l'année prochaine, on partirait d'une masse rétablie pour calculer le budget des offices.

Le programme 149 intéresse la forêt. Il est doté de 312 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 3,6 %, liée principalement à la revalorisation des cotisations retraites des agents de l'Office national des forêts (ONF).

Le ministère de l'agriculture de la pêche est le second outil dont nous disposons pour mener à bien notre projet alimentaire, rural et agricole.

Le chef de l'État attache beaucoup d'importance à la révision générale des politiques publiques. Personne ne peut contester l'idée qu'il faut moderniser l'administration. Ce fut le cas déjà par exemple, en 1982, au moment de la loi Defferre, une très grande loi, où on a coupé les préfectures en deux et fait basculer la moitié des services sous la tutelle du conseil général. Le mouvement doit être permanent. Sinon, le ministère de l'agriculture et de la pêche risque d'être marginalisé, tout comme la cause qu'il sert.

Le ministre a ainsi précisé que, dans le cadre de cette révision générale des politiques publiques, il avait tenté d'imaginer ce que pourrait être un nouveau ministère de l'alimentation, des affaires rurales et de l'agriculture, puis a indiqué aux commissaires les quelques points qu'il avait déjà présentés aux syndicats et aux directeurs généraux et départementaux de l'agriculture et qui préfigurent la réalisation de ce grand ministère.

Premièrement, la création d'une agence interministérielle unique de paiement des aides, en rapprochant le CNASEA (centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles) de l'AUP (agence unique de paiement) actuelle, mais tout en respectant les implantations géographiques actuelles à Montreuil et à Limoges.

Deuxièmement, le regroupement de l'ensemble des offices dans une seule structure, tout en préservant leurs conseils d'administration, symboles de l'identité des missions de chacun des offices.

Troisièmement, le rassemblement, dans chaque département, des compétences de contrôle de sécurité sanitaire de l'alimentation et des productions, aussi bien animales que végétales, autour des directions départementales des services vétérinaires (DDSV), qui pourraient devenir des services départementaux de l'alimentation et des services sanitaires.

Quatrièmement, sur la base des neuf expériences en cours, globalement réussies, la poursuite du mouvement de fusion des directions départementales de l'agriculture (DDA) et des directions départementales de l'équipement (DDE) dans tous les départements, sur les trois prochains exercices. Parallèlement, il conviendrait de renforcer l'échelon régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt en confiant aux directeurs régionaux l'ensemble des missions déconcentrées, afin qu'ils aient un véritable pouvoir de coordination, de mutualisation et de transmission. La consolidation de l'échelon régional s'accompagnerait d'un effort de déconcentration supplémentaire des tâches accomplies à Paris, mais qui pourraient l'être plus efficacement sur le terrain régional, voire départemental.

Enfin, à Paris, un travail de restructuration de l'administration, avec la création éventuelle de missions transversales, par exemple sur les agro et biocarburants ou sur l'Europe, et le regroupement des cinq ou six sites du ministère sur deux seulement, en conservant bien sûr le site historique du ministère, rue de Varenne.

Ce ministère rénové et ce budget maîtrisé seront donc mobilisés au service d'un projet, dont il ne faut pas oublier qu'il est totalement européen depuis 1957 et 1961. A cet égard, M. Michel Barnier a salué la figure d'Edgar Pisani, grand acteur, en 1961, de la première grande politique économique agricole et qui, le matin même, s'était rendu au ministère de l'agriculture et de la pêche où l'on donnait son nom à une nouvelle salle de réunion. Aujourd'hui, la politique agricole est principalement européenne et seulement complémentairement nationale, avec 9 milliards d'euros d'un côté, et 5 milliards d'euros de l'autre. C'est pourquoi il est impératif de reconnecter le débat européen au débat public national.

C'est dans cet esprit que, il y a trois semaines, le ministre a envoyé, depuis Bruxelles, le compte rendu du conseil des ministres européens, qui venait de se terminer, aux 900 parlementaires français, comme aux directeurs régionaux de l'agriculture, aux préfets et aux présidents des chambres d'agriculture. C'est une initiative qu'il compte poursuivre pour chaque conseil des ministres. D'autres initiatives, qui pourront surprendre, seront prises en ce sens à l'avenir.

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