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Intervention de Denis Tillinac

Réunion du 13 mai 2008 à 16h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Denis Tillinac :

Pierre Nora, qui a initié la pétition en faveur de cet historien, n'est pas considéré me semble-t-il comme particulièrement droitier.

De la même manière, souvenons-nous des débats animés autour de la commémoration de la Guerre d'Algérie. Si parmi nos compatriotes figurent un certain nombre de citoyens d'origine algérienne, il faut aussi compter avec un million de rapatriés pieds-noirs. Je suis issu d'un milieu gaulliste selon lequel ces derniers étaient de sales colons qui faisaient suer le burnous et qui étaient rentrés en France avec les valises remplies de billets. C'est faux ! Ce sont un million de pauvres ères qui ont débarqué sur nos côtes méditerranéennes, l'été de 1962, dans un état de dénuement extrême ! Eux aussi sont fondés à se considérer comme des victimes de l'Histoire, comme les Harkis ou les Algériens !

J'étais à Strasbourg, la semaine dernière, chez un ami juif, ancien résistant, qui était assez perturbé par l'action des « Malgré-nous » qui se constituent en lobby afin d'exiger eux aussi leur part de pitance victimaire. Je rappelle que 40% des effectifs de la division Das Reich étaient Alsaciens ! Tous les ingrédients sont réunis pour créer un climat de guerre civile en Alsace ! Je considère également qu'il est trop tôt pour parler avec le recul qui s'impose de la Seconde Guerre mondiale. Par pitié, vous seriez bien inspirés de laisser les controverses historiques aux historiens !

Enfin, il faut tenir compte du contexte dans lequel ces questions mémorielles se posent. Nous ne vivons pas des temps héroïques et glorieux, au patriotisme empanaché. Au contraire, le malaise moral et mental de l'Occident est considérable avec des crispations identitaires, religieuses, ethniques, régionalistes. Les Français ne se sentent pas très bien dans leur France. Le brouillage des repères est-il dû à l'Europe, à la mondialisation, à l'afflux d'immigrés dans une période peu prospère, à un passé concassé par les médias ? Il me semble plus prudent de s'en tenir à la commémoration de ce qui est officiel : le 14-Juillet, le 8-Mai, le11-Novembre et, pourquoi pas, même si cela me semble trop tôt, le 18-Juin.

L'inconscient français ou la France profonde font par ailleurs la part de ce qui est essentiel. Je renvoie à ce propos à la remarquable somme de Pierre Nora sur Les lieux de mémoire. Il y a la résistance avec Vercingétorix, Jeanne d'Arc, de Gaulle ; la bonhomie du Vert Galant, le bon roi Henri IV ; les droits de l'homme, enfin, qui se situent quelque part entre Lumières et Révolution. L'exécutif et le législatif ne devraient plus admettre qui que ce soit au Panthéon ni initier de nouvelles commémorations.

L'unité nationale est fragilisée ; il faut laisser la mémoire aux historiens, aux associations et aux communautés. Ma façon de réagir peut blesser certains, j'en suis conscient ; je ne suis pas indifférent aux douleurs éprouvées par les minorités mais, selon moi, ce n'est pas le moment d'en rajouter car tout cela pourrait mal finir.

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