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Intervention de Olivier Pétré-Grenouilleau

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Olivier Pétré-Grenouilleau :

Vous avez parlé d'une plainte. Il y en eut en fait trois, sans compter les tombereaux de propos orduriers sur Internet, les incitations à porter atteinte à l'intégrité physique des personnes, les menaces ou les pressions pour qu'il n'y ait pas de réunions publiques, etc. Évidemment, tout cela n'est pas propice à l'exercice serein du travail de l'historien.

L'idée à l'origine de la loi ne pose évidemment aucun problème. Que la traite soit une abomination est une évidence pour tout le monde. Mais la loi ne dit pas cela et si elle a été instrumentalisée, c'est parce qu'elle s'y prêtait. Lorsqu'une loi a pour objectif de stigmatiser un crime contre l'humanité et qu'elle opère finalement un choix parmi ces différents crimes, en mentionnant une traite et pas les autres, forcément il y a des gens pour dire : la loi ne mentionne que cette traite, vous parlez d'autres traites, donc vous êtes hors la loi. Il s'agit évidemment d'une instrumentalisation de la loi, mais cette instrumentalisation est permise par la loi elle-même. Il est dommage que Mme Taubira ne soit pas là. Lorsque la personne qui est à l'origine de la loi laisse planer le doute par ses déclarations et encourage quelque peu ce genre de réactions, ce n'est pas non plus très bon.

Il n'y a pas que ce que la loi dit et ce qu'elle oublie. Il y a aussi le fait que la loi a donné des pouvoirs considérables aux associations de descendants d'esclaves pour se porter en justice, à partir du moment où l'on peut estimer que la dignité des ancêtres est menacée. Alors, tout est possible : un romancier, un cinéaste qui fait un film sur l'esclavage et qui montrerait un esclave qui aiderait son maître à fuir lors d'une révolte – et de tels cas ont été avérés – pourrait être traîné devant les tribunaux parce qu'il donnerait une mauvaise image des ancêtres esclaves.

On m'a opposé qu'il était pratiquement hors la loi d'expliquer l'abolition de l'esclavage par des motifs autres que la résistance des esclaves. La résistance a joué un rôle, mais un rôle parmi d'autres. Si l'on se limite à cela, cela signifie que la recherche internationale menée depuis quarante ans sur le sujet, pour ne parler que de ce qui se fait à l'étranger, doit être aujourd'hui brûlée.

Encore une fois, si les lois dites mémorielles se prêtent à une instrumentalisation, c'est parce qu'elles sont mémorielles, c'est parce qu'elles portent sur des représentations de l'histoire. Je me réfère à ce que disait tout à l'heure M. Vanneste. Si l'on considère que la mémoire existe en tant que telle, qu'il suffit de la déterrer et de l'ériger en vérité universelle, il est évident que l'histoire n'a plus son mot à dire.

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