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Intervention de Anita Guerreau

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Anita Guerreau :

Ce qu'a dit Henry Rousso est essentiel. Le statut de l'historien dans la société actuelle, c'est le statut que la société actuelle fait globalement à la parole savante, et qu'on pourrait appeler aussi la connaissance.

Les historiens sont sommés d'agir en experts, quel que soit leur domaine. Mais on ne leur donne même pas la possibilité de s'expliquer. En outre, ils doivent dire le vrai et le faux. Or les processus scientifiques ne sont pas une question de vrai et de faux : c'est une question d'approximation, de long temps de maturation, de retours en arrière et de questionnements.

Comment réagir à cette situation ? Par l'école, par exemple. Mais quelles sont les finalités de l'école ? Parmi ces finalités, il y a la formation des jeunes enfants ou des jeunes gens. Il s'agit de leur donner des armes pour affronter les situations sociales dans lesquelles ils vont se trouver, tant au plan individuel qu'au plan collectif. Nous devons donc être extrêmement soucieux de la formation citoyenne, qui se dispense à l'école, et pas plus tard. Or, comme le dit Mme Citron, on y enseigne encore le modèle fabriqué par la IIIe République qui est la justification, la légitimation idéologique et sociale de l'État nation. Est-il bien raisonnable de continuer à considérer qu'en donnant ces armes-là aux enfants et aux jeunes, ils vont pouvoir affronter la société actuelle, qui est complètement sortie de ce cadre-là ?

Il faut vraiment repenser la formation qui est dispensée. Car elle est indissociable de la capacité de nos concitoyens à avoir une appréhension un tant soit peu rationnelle de leur passé. L'histoire est une science comme les autres. Elle participe aussi d'une formation qui manque cruellement, dans l'ensemble, aux citoyens français : savoir ce que c'est qu'une procédure scientifique.

J'en reviens à la question du vrai et du faux : un journaliste vous met un micro devant la bouche, vous laisse trois secondes ou trois minutes pour que vous disiez : c'est cela ou ce n'est pas cela. C'est une attitude générale, qui est très grave, qu'on observe dans tous les domaines. La demande sociale est une demande profondément erronée, qui ne permet pas de comprendre ce qui se passe. Le citoyen voudrait qu'on réponde immédiatement à toutes ses interrogations. Or ce n'est pas possible. C'est là encore une question de formation.

Mme Citron a ouvert des pistes intéressantes. Il faut modifier le modèle que l'on enseigne et, dans le strict domaine historique, modifier le contenu que l'on enseigne pour prendre en compte le monde très large dans lequel vont vivre les jeunes gens. L'histoire est par ailleurs une discipline qui permet d'apprendre ce qu'est le doute critique, le doute systématique, l'approche rationnelle des phénomènes quels qu'ils soient. On peut alors espérer – même si je ne l'espère pas trop – une transformation des débats dont on parle.

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