Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Frédéric Guelton

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Frédéric Guelton :

Ce que viennent de dire Mme de Boisdeffre et Mme Cornède s'applique, en mode décalé, aux deux autres centres d'archives que sont le quai d'Orsay et la défense en termes de collecte, de communication et de conservation. Nous sommes soumis aux mêmes législations et donc aux mêmes problématiques. Bien évidemment, nous n'allons pas jusqu'à Moscou : pour le seul ministère de la défense, nous n'allons pas au-delà de Metz et à un rythme de 6 kilomètres l'an, nous marchons vers Strasbourg, participant ainsi à la construction européenne. (Sourires.)

Un question me paraît devoir être reprise : celle des archives numériques. Un papier, si ancien soit-il, si compliqué soit-il, quelle que soit la langue dans laquelle il a été écrit, sera toujours accessible à l'intelligence humaine dans vingt, trente ou deux cents ans. Alors qu'on pourra mettre un disque dur ou un CD Rom face à un prix Nobel, ils resteront totalement inaccessibles à l'esprit humain. Dans la mesure où nous travaillons pour les générations à venir, je me pose la question suivante : est-ce que les XXe et XXIe siècles, grands siècles de l'information, ne seront pas aussi les siècles de la perte d'informations, de la perte de mémoire de notre société ?

À l'inverse, le support numérique est remarquable pour conserver et préserver les documents écrits. À l'échelle de la défense, nous avons mis en ligne il y a quelques années toutes les fiches individuelles de tous les morts de la Première guerre mondiale – 1,4 million de fiches ; nous prévoyons de mettre en ligne et de rendre accessibles à tous, en toute transparence, tous les journaux des marches et opérations, c'est-à-dire les récits au jour le jour de la vie de tous les régiments de l'armée française de toute la Première guerre mondiale. Ce projet devrait aboutir à la fin de cette année.

Vous nous avez interrogés sur la mise à disposition des archives. Quelle que soit la loi, quels que soient les décrets qui suivront, pour aider à la recherche historique, il faut pouvoir accueillir à Paris – les principaux centres d'archives centrales s'y trouvant – les étudiants qui viennent et qui n'ont pas un sou vaillant. Pour travailler dans les archives, quand on n'est pas Parisien, c'est un luxe !

Le ministère de la défense, pour sa fonction archivesrecherches historiques, est en réseau informel, mais bien vivant, avec l'ensemble des pays de l'Union européenne et avec l'Amérique du Nord. D'où ces quelques remarques :

Les Canadiens, plutôt que le terme de « mémoire », utilisent le terme d'« héritage ». Cela me semble remarquable : l'héritage, pour une nation, recouvre à la fois ce qu'elle a tendance à glorifier et les pages noires de son histoire, qu'elle a tendance à occulter. Dans un héritage, on prend tout.

La conservation des archives est un véritable enjeu de mémoire nationale. Celles-ci sont constitutives de l'identité nationale. Quand elles sont détruites, le travail des historiens se trouve devant un grand vide.

Aujourd'hui, l'Historial de Péronne essaie, avec l'ensemble des pays de l'Union européenne, de retravailler la question des pertes de la Première guerre mondiale : comment comptait-on les morts pendant la Première guerre mondiale, dans tous les pays, empire ottoman inclus ? Quels rapports les sociétés entretenaient-elles avec la mort connue, lorsqu'elle était connue ?

L'Allemagne est incapable, pour l'essentiel, de travailler sur ses morts de la Première guerre mondiale parce que la plus grande partie des archives militaires allemandes a été détruite lors des bombardements alliés de la Seconde guerre mondiale. Dans de nombreux pays de l'ex Europe de l'Est appartenant aujourd'hui à l'Union européenne, les archives ont été en partie détruites d'abord par les Allemands, ensuite par les Soviétiques et enfin partagées par les pays successeurs.

La question de la conservation instantanée des archives est fondamentale. Une des grandeurs actuelles de la France est de détenir et de gérer une partie de la mémoire européenne. Dans les différents centres d'archives français, il y a davantage d'informations et de documents sur l'histoire d'un certain nombre de pays de l'Union européenne actuelle qu'ils n'en possèdent eux-mêmes !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion