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Intervention de Olivia Cattan

Réunion du 19 mai 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Olivia Cattan :

Notre association a été créée il y a trois ans et demi. Nous avons commencé par un pacte féminin. A cette occasion, nous avons soumis au Président de la République des propositions très concrètes en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Nous avons également soumis des propositions à Mme Rachida Dati.

Nous avons ensuite rédigé une Charte des droits des femmes, établissant dix priorités. Nous souhaitons la faire signer par l'Union pour la Méditerranée et par les pays européens. Nous avons obtenu plus de 8 000 signatures, de personnes parfois connues, venant de pays comme l'Iran, le Maroc, la Tunisie ou l'Inde.

Nous avons ensuite élaboré des modules de prévention pour servir de support à des interventions dans les établissements scolaires, afin de lutter « à la racine » contre les violences faites aux femmes, au moment où les enfants sont en pleine construction intellectuelle et psychologique. Nous intervenons du CM2 au BTS, et parfois dès la maternelle.

Ces modules ont été créés par d'anciens professeurs, des travailleurs sociaux, des psychiatres. Nous y abordons les clichés sexistes, mais aussi le thème de l'égalité hommes-femmes en essayant de donner aux élèves un minimum de culture féministe. Ceci est très important, surtout dans les zones sensibles. Nous agissons notamment en Seine-Saint-Denis, dans le XIXe arrondissement – aux collèges Brassens et Rouault.

Nous travaillons six mois avec une même classe où l'on a pu repérer des difficultés : propos racistes, antisémites, sexistes ou homophobes. Nous intervenons à deux, tous les quinze jours, pendant deux heures, mais sans les professeurs, pour permettre aux enfants de s'exprimer. Nous sommes cependant en lien avec les professeurs et nous rencontrons les parents. Nous tentons de faire participer ces derniers, pour que notre travail continue dans les familles.

Nous commençons par un petit cours théorique, d'un quart d'heure. Puis nous passons à des ateliers, où nous faisons travailler les élèves sur les préjugés. Nous terminons par ce qu'ils préfèrent : de petites pièces, écrites par des auteurs de théâtre – Amanda Sthers, notamment. Les hommes jouent le rôle des femmes, les juifs celui des musulmans, les noirs celui des blancs, etc. En se mettant dans la peau de l'autre, ils ressentent ce que ressent l'autre et qu'ils lui font peut-être subir, au quotidien dans les classes.

Il faut savoir qu'il y a des collèges, dans lesquels des enfants de douze ou treize ans organisent des concours de fellation dans les toilettes, pour 5 euros. Les élèves ne savent même pas comment on prend la pilule. Pour eux, les femmes ont acquis le droit de vote en 2000 et la première féministe est Ingrid Betancourt. Ils peuvent être très violents – la semaine dernière, j'ai reçu des coups. Dans une classe de vingt élèves, il y a peut-être une fille en jupe. Les filles se comportent comme des garçons, parce qu'elles n'ont pas le choix. Les garçons ont envers elles des gestes très violents et indécents. Elles subissent continuellement une sorte de harcèlement psychologique et moral.

Nous ne leur disons pas que ce n'est pas bien, en essayant de leur inculquer certaines valeurs car ils sont totalement fermés à ce genre de discours, mais nous essayons de les faire travailler en profondeur. Pour donner un exemple, nous travaillions la semaine dernière sur le racisme et l'antisémitisme, parce qu'un petit garçon s'était fait traiter de « sale juif » dans la classe. Deux musulmans, dont l'un faisait le juif, ont improvisé un dialogue. L'un a traité l'autre de « sale juif », l'autre a levé le poing pour le frapper. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu : parce que je suis juif. Je lui ai fait remarquer que c'était un rôle, et il m'a répliqué : « Mais, je ne sais pas qui je suis ! » Je lui ai répondu : tu es peut-être français, simplement.

Les violences faites aux femmes relèvent de la même problématique. Nous avons abordé avec les élèves les mariages forcés, l'excision. L'un d'eux m'a dit dernièrement que sa future femme devrait montrer le drap à ses parents, parce qu'une fille qui n'est pas vierge est une « pute ».

Il faut mener un vrai travail de prévention dans les écoles, dès le CM2, sans attendre le collège. Nous intervenons dans des classes de cinquième, quatrième et troisième, mais c'est très tard. Les élèves sont déjà entrés dans un système de clichés et de relations à l'autre extrêmement violentes où l'insulte sexiste ou raciste est totalement banalisée. Les filles se font traiter de putes toute la journée, les juifs se font insulter, et c'est considéré comme normal.

La violence est un problème clé : violence par rapport aux femmes, violence par rapport à une autorité. Les enfants ne sont pas disciplinés – au collège Brassens, les chaises volaient pendant les cours ! Ils sont issus de milieux défavorisés, où il y a beaucoup de familles monoparentales, où les mères n'arrivent plus à s'en sortir. L'association « Paroles de femmes » mène donc en parallèle tout un travail social auprès des familles.

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