Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Rachida Dati

Réunion du 19 mai 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le texte que nous avons rédigé est issu de nombreuses réflexions antérieures, mais son passage en Conseil des ministres n'est pas encore programmé. Le guide d'action publique, que nous avons actualisé, date de la mandature précédente. Sur un sujet aussi grave, il ne faut se priver de rien de ce qui peut contribuer à améliorer la situation, des travaux parlementaires comme des instructions données aux parquets, en passant par les expérimentations et le soutien des associations. Il y a bien longtemps que l'on travaille sur les violences psychologiques faites aux femmes, mais jusque là l'introduction de cette notion dans le code pénal avait été refusée. Nous proposons de l'y inscrire. Cela permettra aux magistrats de fonder une condamnation, de manière explicite, sur les violences psychologiques exercées, alors que jusqu'à présent ils ne pouvaient tenir compte de ces violences que de manière implicite. En revanche, nous souhaitons conserver de la souplesse, en ne précisant pas les moyens par lesquels cette violence psychologique pourra être prouvée.

Quelques mots sur l'efficacité de la politique pénale en matière de violences conjugales. L'impératif, c'est de ne pas abandonner les femmes qui sont victimes de ces violences. Pour cela, il est essentiel de sanctionner et de sanctionner encore. Dès qu'il y a eu un dispositif législatif, les dénonciations de faits ont augmenté de plus de 20 %. L'exemple de Douai est frappant. Ces femmes ont besoin que la loi les prenne en compte.

En 2005, au ministère de l'intérieur, nous avons créé la délégation aux victimes, ce qui a permis de signer des conventions avec des associations et fédérations défendant les droits des femmes. A compter du 1er janvier 2006, nous avons fait en sorte qu'il y ait des psychologues dans les commissariats et les gendarmeries, afin notamment de pouvoir prendre en charge les enfants et les répercussions des violences sur ces derniers. Puis nous avons mis en oeuvre une politique pénale très stricte, avec déferrement obligatoire. Une politique répressive plus stricte à un effet dissuasif et de prévention incontestable. Les peines planchers sont efficaces contre la récidive en matière de violences conjugales.

En ce qui concerne la prise en charge médicale, la loi de 1998, dite loi Guigou, a posé le principe du soin en prison. Le problème est qu'elle a été adoptée sans aucun moyens. Par ailleurs, vous savez combien il est difficile de faire travailler ensemble le monde de la justice et celui de la santé. Des psychiatres, notamment, considèrent que le soin n'est pas opérant dès lors que la personne est incarcérée. Il faut faire évoluer les mentalités pour permettre une prise en charge efficace. Les commissions pluridisciplinaires y contribuent en permettant de mettre en place des dispositifs de suivi des détenus en matière de soins, comme une prise en charge des problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie, par exemple. Nous avons décidé de très fortement augmenter le nombre de médecins coordonnateurs. Il n'y en avait que 90 en 2007, ils sont aujourd'hui 208 et devraient être 500 à terme. Nous avons également augmenté le nombre de conseillers d'insertion et de probation. Quant à l'aménagement des peines, que nous avons triplé, il contribue à lutter contre la récidive, mais il faut bien l'expliquer car il est impopulaire.

La création de pôles famille, comme il en existe déjà à la Cour d'appel de Paris, permet de regrouper tous les magistrats qui traitent des contentieux familiaux – juge pour enfants, juge aux affaires familiales, juge des tutelles… C'est un prolongement de la réforme de la carte judiciaire, avec le regroupement de magistrats spécialisés là où c'est nécessaire. D'ici à fin 2009, je pense que pratiquement tous les tribunaux auront mis en place un pôle famille. Au demeurant, pour les violences conjugales jugées en correctionnelle, nous demandons que le juge aux affaires familiales soit assesseur.

En ce qui concerne la prise en charge des victimes, nous avons donc créé le juge des victimes, développé l'équipe pouvant les assister au commissariat et à la gendarmerie et créé des bureaux d'aide aux victimes – il existait pour les condamnés les bureaux d'exécution des peines, il était normal de créer des bureaux pour les victimes.

Le suivi socio-judiciaire est déjà inscrit dans la loi du 5 mars 2007 ; dès lors que les violences sont habituelles, il y a une obligation de soins des auteurs. Quant aux groupes de parole pour les conjoints violents, ils commencent à se développer dans les prisons.

En ce qui concerne la loi espagnole – loi-cadre qui traite de manière globale des rapports hommes-femmes – le bilan n'est pas très bon en matière de violences conjugales. Sa mise en oeuvre s'est heurtée à des difficultés. Le problème de la création de tribunaux spécialisés comme en Espagne est que l'on crée ainsi des tribunaux d'exception. Je préfère que, dans les tribunaux où cela est nécessaire, il y ait un magistrat en charge des violences conjugales, et que dans le tribunaux où cela n'est pas nécessaire, car la violence n'est pas la même selon les territoires, des instructions précises soient données, afin que la politique pénale soit ferme et homogène sur l'ensemble du territoire français. Et pour ma part, je demande des comptes aux procureurs sur l'application de la mise en oeuvre des politiques pénales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion