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Intervention de Christian Bataille

Réunion du 30 juin 2009 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, rapporteur :

La situation de notre compatriote Florence Cassez, condamnée à soixante ans de prison au Mexique, montre à quel point l'obtention d'un transfèrement peut apparaître indispensable, sinon vital, dans certaines circonstances. Même si les conventions de transfèrement laissent toujours à chaque Etat le droit de refuser une demande, elles précisent les conditions à remplir, les procédures à suivre et les règles applicables en cas d'acceptation de la demande.

Le Mexique fait partie des dix-huit Etats non membres du Conseil de l'Europe qui ont adhéré à convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, signée le 21 mars 1983. Tel n'est pas le cas de l'Inde. C'est pourquoi il a été choisi de conclure avec elle une convention bilatérale, dont la négociation, commencée en 1998, a été très longue car l'Inde a dû modifier sa loi interne pour autoriser le transfèrement des étrangers détenus dans le pays.

Cette convention complète les instruments bilatéraux de coopération judiciaire en matière pénale, après l'entrée en vigueur d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale le 25 mai 2006 et d'une convention bilatérale en matière d'extradition le 4 novembre 2005. La coopération entre les deux pays dans ces domaines est encore peu développée, principalement du fait des disparités entre les systèmes juridiques et judiciaires des deux pays.

Au 1er avril 2009, il y avait quarante-trois détenus de nationalité indienne incarcérés dans les prisons françaises, principalement pour des infractions aux règles de l'entrée et du séjour des étrangers.

A la même date, on comptait six Français incarcérés dans les prisons indiennes, dont quatre pour des affaires liées à des produits stupéfiants.

La convention étant applicable aux condamnations prononcées avant comme après son entrée en vigueur, toutes ces personnes pourront bénéficier de ses stipulations, sous réserve de remplir les autres conditions.

Elles sont au nombre de huit :

– la personne doit avoir la nationalité française si elle demande à être transférée en France, la nationalité indienne si elle souhaite finir de purger sa peine en Inde ;

– au moment de la demande, la personne doit encore avoir à purger au moins six mois d'emprisonnement, sauf cas exceptionnel permettant de déroger à cette durée minimale – il peut s'agir, par exemple, de mineurs, de détenus âgés ou atteints d'une affection grave nécessitant une prise en charge médicale immédiate ou très spécifique qui ne pourrait être assurée dans l'Etat de condamnation ;

– la condamnation fait suite à une infraction pénale au regard du droit de la Partie d'accueil ;

– la personne condamnée accepte le transfèrement ;

– les deux Etats concernés sont d'accord ;

– le jugement doit être définitif et il ne doit y avoir aucune procédure pénale en cours dans l'Etat de condamnation à l'encontre de la personne condamnée ;

– la peine à exécuter est une peine privative de liberté et non la peine de mort, mais la convention est applicable à l'exécution des peines privatives de liberté résultant de la commutation d'une condamnation à la peine capitale ;

– le transfèrement ne porte atteinte ni à la souveraineté, ni à la sécurité, ni à aucun autre intérêt de l'Etat de transfèrement.

Les cinq premières conditions énumérées sont identiques à celles qui figurent dans la convention du Conseil de l'Europe. Les trois autres s'en distinguent, mais figurent dans certaines conventions bilatérales conclues par la France ; elles ont été ajoutées à la demande de la partie indienne.

Il convient de souligner que la dernière condition est d'une portée limitée, dans la mesure où cette convention de transfèrement, comme toutes les conventions ayant le même objet, repose sur le principe selon lequel chacune des parties est libre d'accepter ou non une demande, et peut donc la rejeter pour des considérations d'opportunité.

L'exigence de la transmission des demandes par la voie diplomatique est une autre particularité de cette convention, les conventions bilatérales conclues par la France privilégiant, en règle générale, la transmission directe entre autorités centrales.

Comme dans toutes les conventions de transfèrement, la personne transférée purge dans le pays d'accueil la condamnation qui lui a été infligée. Mais l'exécution de la peine est poursuivie conformément à la législation de la Partie d'accueil, ce qui peut avoir une incidence sur les modalités d'exécution de cette peine.

En effet, si cette Partie « est liée par la nature juridique et la durée de la condamnation telles que déterminées dans la partie de transfèrement », elle peut adapter cette condamnation afin de la rendre compatible avec sa législation dans le cas où elle ne le serait pas.

Cette possibilité d'adaptation, présente dans toutes les conventions bilatérales conclues par la France, répond à des contraintes constitutionnelles : elle permet d'adapter les peines dont la nature n'est pas compatible avec notre ordre public (par exemple, les peines de travaux forcés) ou dont la durée excède la peine maximale encourue dans notre droit pour l'infraction correspondante.

La définition des modalités d'exécution de la peine – y compris les possibilités d'aménagement – relève de l'Etat d'accueil, le droit de statuer sur une demande de révision du jugement est réservé à l'Etat de transfèrement, mais les deux Etats peuvent accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine, chacun selon ses propres règles juridiques. Pour la France, ces stipulations très classiques répondent également à des contraintes constitutionnelles, dans la mesure où les exigences liées aux « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » s'opposent à ce que des limitations puissent être apportées aux droits de grâce et d'amnistie, constitutionnellement garantis.

Si cette convention bilatérale sur le transfèrement des personnes condamnées n'est pas absolument indispensable, puisque deux transfèrements ont été effectués dans les années 1990 en application du principe de la réciprocité, elle facilitera, dans l'avenir, le règlement de situations qui peuvent s'avérer très difficiles à vivre pour les personnes concernées. Le développement des échanges humains entre les deux pays, qu'ils soient le résultat de l'intensification des flux touristiques, de la coopération universitaire et scientifique ou des relations économiques, justifie pleinement la mise en oeuvre de cette convention.

Je vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1550).

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