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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 16 avril 2008 à 21h30
Modernisation du marché du travail — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

L'article 6, c'est donc la création d'un contrat dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini. En fait, c'est la reprise de l'idée de contrat de projet contenue dans le rapport de Virville de 2004, idée qui avait été jusqu'ici repoussée par les partenaires sociaux, c'est-à-dire, bien évidemment, par les syndicats.

Comme dans l'article précédent, il s'agit d'une innovation importante dans la série des contrats de travail qui existent dans notre droit. On ne sait plus si c'est le trente-huitième ou le trente-neuvième. Au moins, nous sommes créatifs dans ce domaine.

Ce type de contrat, c'était le cheval de Troie du patronat dans le but, non pas de dynamiser, mais de dynamiter le CDI : créer un CDI à objet défini, puis le généraliser comme contrat unique.

Ce qui a changé – et je pense que c'est cela qui a permis l'accord –, c'est que les organisations syndicales ont obtenu que ce soit un CDD, et donc une forme dérogatoire du contrat de travail. Je ne reviens pas au débat d'hier sur la forme générale. Le contrat, c'est le CDI, et nous avons une forme dérogatoire, qui est le CDD. Et voilà qu'apparaît maintenant, parmi les CDD, le CDD dérogatoire. C'est un peu compliqué.

Il est dérogatoire par rapport aux autres CDD de par sa durée. Car, alors qu'un CDD ne peut pas dépasser dix-huit mois, ce qui caractérise ce nouveau contrat est qu'il peut aller jusqu'à trente-six mois.

Dérogatoire encore par son terme imprévisible, car lié à la réalisation du projet. Ainsi, après le CDD dérogatoire au CDI, nous avons maintenant le CDDLI – contrat à durée déterminée longue et incertaine –, dérogatoire au CDD. Le contrat est assorti de deux verrous : il est restreint aux cadres et aux ingénieurs – mais a-t-on jamais embauché un ingénieur sans projet à étudier ? – et limité par un accord de branche étendu. Il est même contradictoire avec le CDD puisqu'il est interdit d'y recourir pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce qui est précisément la raison d'être du CDD. Voilà toute notre capacité créatrice !

Enfin, le contrat peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion par l'une ou l'autre des parties pour un motif réel et sérieux, ce qui prête à discussion. Les partenaires qui ont négocié nous ont expliqué qu'ils n'ont pas trouvé d'autre solution que cette formulation. Or elle demande à être clarifiée. Pour tout le monde, sauf pour les natifs du 29 février, la date anniversaire intervient douze mois plus tard. Or le contrat ne peut être rompu avant dix-huit mois. La date anniversaire est-elle alors reportée à vingt-quatre mois ? Il faut le préciser.

Au-delà de ces dispositions, quelles garanties avons-nous que, dans quelques semaines, au cours de la discussion de la loi de modernisation par exemple, un amendement ne viendra pas lever les restrictions et généraliser le contrat de projet ? Alain Vidalies l'a fait remarquer : il suffit de changer trois mots pour l'élargir à plusieurs catégories de personnes. Il paraît même que la questure a sondé nos assistants parlementaires à ce sujet. Il va sans dire qu'un tel élargissement trahirait l'esprit de l'accord, mais vous le renverrez sans doute à la négociation.

Quelles garanties avons-nous également que l'expérimentation sera menée jusqu'au bout ? Nous avons beaucoup trop d'exemples du contraire. La fâcheuse habitude a en effet été prise de lancer des expérimentations puis, sans attendre les premières évaluations, d'apporter des modifications qui aboutissent à une multiplicité de contrats sans aucun qui soit vraiment évalué. Nous aimerions avoir des réponses précises pour savoir comment sera respectée la volonté des partenaires sociaux, car ce sont eux qui ont choisi cette expérimentation.

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