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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 7 octobre 2008 à 12h00
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

C'est précisément, Madame Guigou, parce que nous ne connaissons pas vraiment la généalogie et l'ampleur des provocations entre la Russie et la Géorgie que l'Union européenne a demandé dès le 13 août une enquête internationale sur le déroulement des combats dans la nuit du 7 au 8 août. A ce jour, 352 observateurs européens de 22 pays sont déployés jusqu'aux zones adjacentes de l'Ossétie et de l'Abkhazie et j'espère que nous serons à même de constater dans quelques jours, au plus tard le 10 octobre, le retrait des forces russes du territoire géorgien hors des deux territoires précités. Cette offensive était-elle préparée ? Certains documents tendraient à prouver que des chars russes avaient emprunté le tunnel de Roki passant de l'Ossétie du Nord à l'Ossétie du Sud, tandis que des bombardements de nuit avaient lieu, entraînant la fuite des populations de Tsinkhali vers l'Ossétie du nord. A quelle échelle ces évènements se sont produits ? Qu'en est-il exactement de leur déroulement ? L'enquête devra le dire. Qu'il ait ou non un tempérament « sanguin », M. Saakachvili s'est mis dans la situation de provoquer une réaction de la part des Russes, ce qu'ils n'ont pas manqué de faire d'une manière d'ailleurs disproportionnée.

Dans ces conditions, comment se présente aujourd'hui le dialogue entre l'Union européenne et la Russie ? Ce processus absolument nécessaire a été reporté, ce qui ne remet pas en cause les relations bilatérales. Ainsi, le Premier Ministre François Fillon a rencontré M. Poutine à Sotchi pour évoquer ensemble différents dossiers économiques ou industriels. Le prochain sommet UERussie est fixé au 14 novembre et les négociations du nouvel accord reprendront à la condition que les troupes russes se soient retirées sur leurs positions antérieures au 7 août. Celles-ci demeurent en revanche en Ossétie du Sud et en Abkhazie où d'ailleurs leur présence en tant que soldats de la paix –500 dans chacun de ces territoires– est maintenant passée à 7 800.

Sur ce dossier russo-géorgien, l'Union européenne sous présidence française a démontré son unité alors que les positions de certains de nos partenaires étaient radicalement opposées. Cette unité s'oppose à ce qui s'est passé, on s'en souvient, sur le dossier irakien où l'Europe s'est divisée. Nous avons l'intention de proposer, sous présidence française, au Président Medvedev la création d'un espace économique Union européenneRussie.

Nous ne sommes pas responsables de la délimitation des frontières actuelles de la Russie. Que cette situation crée une certaine frustration, voire humiliation, cela peut se comprendre pour un grand pays comme la Russie. Néanmoins, il n'est pas acceptable de laisser procéder par la force à une modification de ces frontières.

J'admets, comme le dit Elisabeth Guigou, qu'il y a des provocations, mais les six pays fondateurs de l'Europe ont refusé d'accorder le MAP à la Géorgie et l'Ukraine pour entrer dans l'OTAN. Je rappelle que le bouclier antimissile est une initiative américaine conclue bilatéralement avec deux pays de l'Union. En ce qui nous concerne, nous essayons de convaincre nos partenaires européens de renforcer le dialogue avec la Russie.

Il faut du temps, Monsieur Loncle, pour que le changement de stratégie en Afghanistan soit effectif. Au mois d'avril dernier, à Bucarest, nous avons eu l'occasion de définir plusieurs critères de succès de notre engagement en Afghanistan : détermination partagée et affichée à un engagement dans la durée ; transfert progressif des responsabilités et de la sécurité aux Afghans, en commençant par la région capitale, ce qui est fait à Kaboul ; meilleure articulation de l'effort militaire avec les actions civiles de reconstruction sous l'égide d'un nouveau représentant du secrétaire général, il s'agit de M. Kai Eide ; engagement plus marqué des voisins de l'Afghanistan en appui de notre effort, notamment au Pakistan. Après l'assassinat de Benazir Bhutto, le Président Zardari semble suivre cette voie.

Si les Russes ne tiennent pas, comme prévu par le plan en six points, leurs promesses en Géorgie, les rencontres avec les représentants de l'Union européenne seront reportées et des modifications pourraient se faire jour dans les rapports commerciaux entre les différents États. Pour l'instant, M. Medvedev tient ses promesses.

La question de la reconnaissance de l'Ossétie et de l'Abkhazie n'est pas quant à elle à l'ordre du jour comme en attestent par exemple les Nations Unies. J'ajoute que ni M. Chavez ni les Syriens, pourtant proches des Russes – ils effectueront des manoeuvres navales ensemble –, ne l'ont envisagée.

M. Vauzelle, si le Président Karzaï est réélu, il consultera bien sûr ses alliés et il y aura un soutien des Nations unies et une discussion avec le représentant du Secrétaire général pour l'Afghanistan qui actuellement le rencontre quotidiennement. Le Président Karzaï devra nécessairement se concerter avec tous ces acteurs. Si des négociations s'entament avec les Talibans les plus « nationalistes », c'est-à-dire les plus éloignés du Jihad global qui prêche la violence, le terrorisme et les assassinats, nous soutiendrons bien entendu ce processus. (Je rappelle que les Talibans aujourd'hui sont trois fois plus payés que les seigneurs de la guerre).

M. Vauzelle, si vous me demandez si nous devrions maintenir notre engagement si le gouvernement changeait, personnellement, ma réponse est non. Sinon, nous devrions être engagés dans bien d'autres endroits du monde.

Monsieur Plagnol, selon le Prince Saoud, ministre des affaires étrangères de l'Arabie Saoudite, il est très difficile d'organiser une médiation, même si des rencontres ont eu lieu, y compris avec un ancien ministre afghan proche des Talibans. Je ne peux qu'encourager leur poursuite car si un pays peut avoir une influence, c'est bien l'Arabie Saoudite.

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