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Intervention de Henri Emmanuelli

Réunion du 6 novembre 2008 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Emmanuelli, rapporteur spécial, pour la mission « Aide publique au développement » et le compte spécial « Prêts à des états étrangers :

Ma première question concerne le montant de l'aide. Je ne vois pas comment l'on pourra tenir l'objectif de dépenses de 0,7 % du revenu national brut – RNB – en 2015. L'augmentation de 2,5 % de l'aide publique au développement – APD – que l'on annonce pour 2009 ne concerne que les crédits de paiement de la mission. Je constate d'ailleurs que c'est le programme 110 de Bercy qui augmente, alors que le programme 209, qui relève de votre compétence, monsieur le secrétaire d'État, est en diminution. De surcroît, c'est l'aide bilatérale aux pays les plus pauvres qui subit cette baisse, avec un diminution de 11 % pour les pays les moins avancés – PMA – et la zone de solidarité prioritaire – ZSP.

Les dépenses réalisées en 2008 sont beaucoup plus faibles que prévu : 0,37 % du RNB au lieu des 0,45 % annoncés. Pour la deuxième année consécutive, on a prévu des reports d'annulations de dettes. Votre rapporteur vous avait déjà dit qu'il n'y croyait pas beaucoup mais le processus se poursuit imperturbablement ! On sait très bien que certaines annulations – pour la Côte-d'Ivoire et pour la république démocratique du Congo, par exemple – ne se feront pas, mais c'est un moyen de gonfler les chiffres au moment de la présentation du budget. La hausse affichée pour 2009 ne tient qu'à l'augmentation de ces annulations, qui triplent, passant de 729 millions à 2,443 milliards d'euros, et à l'augmentation des prêts de l'Agence française de développement – AFD –, qui ne sont pas forcément de l'APD. De plus, la présentation pluriannuelle fait apparaître que les dépenses d'APD en 2009 constitueront un pic. Je suis pessimiste quant à la capacité de la France à maintenir ce niveau d'aide dans les années qui viennent. On a fixé des objectifs, mais on s'en écarte sensiblement – et à la baisse.

Le Président de la République a annoncé une augmentation de 1 milliard d'euros par an des crédits consacrés à l'Afrique subsaharienne. Cela concerne-t-il l'aide publique au développement ? Il semble que ce milliard d'euros comporte surtout des garanties au système bancaire, qui ne sont pas compatibles avec l'APD, des investissements de la filiale de l'AFD, PROPARCO, qui ne le sont pas non plus, ainsi qu'une augmentation importante des prêts de l'AFD, qui doublent entre 2008 et 2009. Or, tout cela concerne des secteurs rentables et non l'aide publique au développement.

En revanche, les crédits de l'action « aide bilatérale dans les PMA et la zone de solidarité prioritaire » diminuent de 11 % en 2009.

Quelles sont les perspectives pour les projets dans les secteurs non rentables que sont la santé et l'éducation, qui nécessitent non pas des prêts mais des dons ?

Je constate en passant que cette diminution n'empêche pas de donner 30 millions d'euros pour l'équipement d'un hôpital en Libye, pays qui ne figure pas dans le champ d'intervention de l'AFD ; il semble que cette opération correspondrait à des engagements antérieurs…

Vous avez répondu aux interpellations d'une grande ONG – OXFAM en l'occurrence – sur l'abandon de projets en Afrique sur ces secteurs, en assurant que les projets en question ne seraient pas abandonnés. Quels crédits allez-vous donc débloquer pour ces projets ?

La question de la tutelle de l'AFD se pose. Vous avez souhaité être président de son conseil d'administration, mais le Conseil d'État ne l'a pas accepté. Il n'en demeure pas moins que votre souhait montre bien que vous avez le sentiment que l'AFD agit de manière autonome, et que la triple tutelle gouvernementale aboutit à ce qu'il n'y ait pas de tutelle. Quand il y a trop de patrons, il n'y a plus de patron !

Une autre de mes questions concerne le périmètre des dépenses d'APD, et l'intégration des dépenses d'écolage et des annulations de prêts garantis par la COFACE. Depuis que je suis rapporteur spécial de l'APD, je pose cette question tous les ans, et tous les ans je reçois des réponses encourageantes, non suivies d'effet.

L'AFD est devenue, selon le souhait du Gouvernement, le pivot de l'APD. Comment s'articulent développement solidaire et stratégie de l'AFD ? Je m'associe aussi aux remarques de M. le président de la Commission des affaires étrangères : mes « incursions » à l'étranger et le regard que je porte sur le budget m'incitent à penser que notre aide est très peu visible parce que nous intervenons dans tous les domaines et qu'un nombre incroyable de structures participent à l'APD. Dans ces conditions, faut-il créer une filière supplémentaire comme vous vous apprêtez à le faire ? Je ne le pense pas.

Au Vietnam, où j'étais en mai, j'ai pu constater que nous poursuivions trop d'objectifs, ce qui aboutit à une dissolution de notre aide et la rend de moins en moins visible. Nous aurions intérêt, comme le font d'autres pays, à concentrer celle-ci sur quelques domaines. Dans le cas du Vietnam, ce devrait être sur la formation, donc l'Université, et l'énergie – ce qui ne manquerait pas d'intéresser certaines grandes entreprises françaises. Si on se polarisait sur ces deux objectifs, notre action là-bas serait plus visible.

La multiplicité des sujets que nous abordons peut aussi se repérer à la multiplicité des intervenants : quand on les réunit, cela aboutit à de très grandes conférences. Et j'en viens à me demander si le nombre des collaborateurs n'est pas inversement proportionnel au montant des budgets.

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