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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 21 juillet 2009 à 17h00
Commission des affaires économiques

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Pour répondre d'abord aux questions portant sur la TVA à 5,5 % dans le secteur de la restauration – dont le texte législatif correspondant est entré en vigueur depuis le 1er juillet –, j'indique que le comité de suivi, qui comprend notamment deux députés, deux sénateurs et des représentants de la profession, se réunira pour la première fois demain sous l'autorité d'Hervé Novelli avec pour mission, outre le contrôle du suivi, l'examen des instruments de mesure du respect des engagements conclus.

Dans le cadre de l'outil juridique particulier qu'est le contrat d'avenir, la profession, en contrepartie du respect par le Gouvernement de la parole donnée initialement par le précédent Président de la République, s'est engagée :

– d'une part, à répercuter en partie la baisse de la TVA de 19,6 à 5,5 % sur les prix aux consommateurs ;

– d'autre part, à créer 40 000 emplois sur deux ans, dont 20 000 contrats d'apprentissage à confirmer ensuite en CDI, et à réexaminer les grilles de salaire ainsi que les accords de prévoyance et de protection des droits des salariés du secteur ;

– enfin, à renforcer par des investissements l'attractivité des établissements. À cet égard, un fonds de modernisation, alimenté notamment par la profession et sans condition particulière d'accès, permet de financer, par effet de levier et avec le soutien d'Oseo, les investissements en équipements.

Le nombre de 23 500 relevés de prix peut sembler faible au regard du nombre des cafés, hôtels et restaurants. Ils constituent néanmoins une base de données suffisante pour mesurer l'ampleur du suivi de la mesure. Sur ce plan, je ne me satisferai pas d'un respect de la parole donnée à 50 ou même à 75 %. L'engagement pris par les organisations professionnelles de la restauration doit être assumé à 100 %. On a beaucoup entendu le président Daguin quand il s'agissait de demander la TVA à taux réduit. Il conviendrait aujourd'hui que Christine Pujol, actuelle présidente de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), soit aussi déterminée s'agissant du respect de l'accord passé.

Pour autant, tous les produits ne vont pas diminuer à concurrence de la baisse de a TVA. L'engagement pris par la profession est de la répercuter, à hauteur de 11,8 %, sur au moins sept produits, choisis dans la liste des dix produits de base d'un repas quotidien.

Les cafés, hôtels et restaurants qui ont décidé de respecter cet accord affichent le panonceau « La TVA baisse, les prix aussi », sachant qu'en cas de publicité mensongère ils sont susceptibles d'être poursuivis par la DGCCRF. Les restaurateurs qui ne respectent que pour partie l'engagement, c'est-à-dire qui ne répercutent pas la baisse sur au moins sept des dix produits qui composent un menu, ne doivent pas afficher le panonceau, sous peine d'une amende de 30 000 euros voire de prison. Quant à la troisième catégorie – la moins respectueuse de la parole donnée – qui préfère empocher la différence entre 5,5 et 19,6 %. Il appartiendra aux consommateurs d'être les arbitres entre les endroits où il vaut mieux aller et les autres, et nous devrons les armer dans ce but.

J'en viens à la prévisibilité de la fiscalité locale. À cet égard, le Premier ministre s'est engagé à ce que la compensation de la taxe professionnelle soit intégrale à chacun des niveaux de collectivités locales. Cet engagement vaudrait même sans réforme puisque, pour 2009, ont déjà été sortis de l'assiette les équipements et les biens mobiliers.

En solde net à compenser, le coût de la suppression de la taxe professionnelle, c'est bien 8 milliards d'euros et non 26 ; c'est le montant qui devra être compensé compte tenu de la base foncière de la taxe professionnelle, qui est conservée, compte tenu aussi de divers gains nets, et après élimination des dégrèvements. C'est sur la base de ce chiffre que nous avons travaillé avec les représentants des associations d'élus, les deux commissions des finances du Parlement et un groupe de parlementaires des deux assemblées.

Concernant la loi de modernisation de l'économie, la remarque de M. Gaubert portant sur les produits industriels est juste : c'est en effet une meilleure indication que celle portant sur les produits frais, même si la comparaison peut être bonne s'agissant des produits laitiers.

Quant aux accords dérogatoires, il faut distinguer entre ceux conclus avant le 1er mars et les autres. Les premiers ont pu en effet, après avoir été soumis au Conseil de la concurrence, être homologués avant que les contrats d'affaires aient été négociés.

S'agissant des stabilisateurs automatiques, je rappelle que ce sont la majorité et le Gouvernement qui ont bonifié et amélioré certains d'entre eux. Je pense notamment à l'amélioration du chômage partiel à la fois en termes de durée et de volume d'indemnisation, et à tous les dispositifs mis en place – y compris dans le plan de relance pour environ 14 milliards d'euros environ – pour venir en aide aux ménages les plus défavorisés.

M. Gaubert a soulevé l'importante question de la titrisation. Nous avons voulu que les établissements émetteurs de ces produits financiers soient contraints, pour toute la chaîne de titrisation, de conserver dans leur bilan au moins 5 % des produits émis. Obliger l'émetteur à conserver une partie du risque nous a en effet semblé de nature à le faire réfléchir sur la manière dont l'instrument financier est bâti. Peut-être faudra-t-il aller au-delà de ces 5 %, taux qui est apparu comme le plus petit dénominateur commun. En tout cas les Américains, selon mon homologue que j'ai rencontré la semaine dernière, envisagent également l'entrée en vigueur d'une obligation de détention minimale des produits de titrisation au sein des bilans des établissements financiers, ce qui ne peut être qu'une garantie de plus. Cette règle de conservation des produits titrisés avait d'ailleurs été demandée dans le cadre de la réunion du G20 à Londres, et si elle n'a pu alors être obtenue, il semble que l'on s'oriente maintenant vers son acceptation, ce qui serait une bonne chose.

Pour ce qui est des tarifs d'EDF, outre que les deux ministres compétents pour décider des augmentations sont Jean-Louis Borloo et moi-même, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) qui doit être saisie pour avis de toute proposition d'augmentation, ne l'est pas à ce jour. Je ne dis pas pour autant qu'il n'y aura jamais d'augmentation des tarifs. Ce ne serait pas possible : il faut en effet que ces derniers puissent refléter les coûts légitimes de la production d'électricité française.

Quant au secteur aéronautique, des actions ont été entreprises sur le plan général, en particulier avec la création de deux fonds dès avant l'impact le plus fort de la crise. Pour ce qui concerne plus particulièrement l'aviation d'affaires, qui a connu une très forte baisse de la demande, une réponse appropriée semble avoir été apportée à Latécoère. La Socata, auprès de laquelle je me suis rendue, est plus particulièrement confrontée à l'effondrement de la demande. Nous resterons évidemment très attentifs à ce secteur d'activité, où nous voulons maintenir du savoir-faire et de l'excellence. Qu'il s'agisse du Fonds stratégique d'investissement ou des produits de financement d'Oseo, les acteurs financiers sous contrôle de l'État seront mobilisés pour soutenir cette filière.

Le plan de soutien à l'automobile a-t-il fonctionné ? Si l'on se borne aux chiffres, la réponse est positive : le parc automobile français a plutôt tenu, quand il n'a pas progressé, et le système du bonus-malus a eu des résultats au-delà de toute espérance, puisqu'il aura probablement un coût de 390 millions d'euros au lieu des 220 millions prévus. Il est cependant trop tôt pour affirmer que le plan est un succès. Ce dont on est sûr en revanche, c'est qu'il a soutenu la demande beaucoup mieux que dans d'autres pays comme l'Espagne, l'Italie ou la Grande-Bretagne, qui ont mis en place, mais plus tard, soit le système du bonus-malus, soit la prime à la casse, soit des approches par filière. Comme le FMI l'a noté, nous avons eu l'avantage d'intervenir tout de suite en faveur d'un secteur qui a été la première victime économique de la crise financière, parce qu'il dépend largement de financements aux particuliers pour l'acquisition de ses produits.

Concernant le site de GSK à Evreux, je note qu'en raison de la demande importante de vaccins contre le virus de la grippe A H1N1, les dirigeants reviennent un peu en arrière, recourant à des CDD et à de l'intérim et renforçant l'encadrement du site de production. Cette ironie de l'histoire est bénéfique pour la population d'Evreux ; mais il n'en faut pas moins travailler sur des hypothèses de réindustrialisation, et ne pas oublier de faire usage du crédit impôt recherche dans le secteur pharmaceutique. Il faut conserver sur le territoire français une base pharmaceutique, en termes de production comme de recherche & développement ; on ne peut abandonner des segments entiers du secteur, comme l'ont fait certains de nos voisins.

Il est également un peu tôt pour dresser le bilan de l'action des commissaires à la réindustrialisation. En revanche, nos administrations doivent être incitées à se mettre à leur service. Conserver l'information par-devers soi est une tentation naturelle, mais c'est oublier que les commissaires ont été chargés, par circulaire du Premier ministre, de fédérer tant les financements que les efforts structurels déployés au service des entreprises. Aujourd'hui, douze commissaires ont été désignés, M. Claude Trink ayant été le premier à l'avoir été dans l'Oise où la région de Compiègne est un bassin d'emploi très fortement affecté dans le secteur automobile. L'expérience ne pourra être que positive à condition, je le répète, que les administrations se mettent vraiment à leur service.

Ford Aquitaine, Mme Pascale Got, est un dossier que je continuerai à suivre de très près. Je n'avais pas été saisie avant votre question d'une situation qui serait particulièrement alarmante. Je ferai en tout cas en sorte que les efforts que nous avons déployés, dans la discrétion et avec, je crois, une certaine efficacité, pour éviter une catastrophe industrielle dans la région de Bordeaux ne soient pas réduits à néant.

Il est vrai, M. Jean Proriol, que le double mécanisme, combinant la prime à la casse et le système bonus-malus, a privilégié les petites cylindrées plutôt que les grosses. Cela a été également le cas en Allemagne où la prime est double, soit 2 000 euros pour la prime à la casse. Si l'on peut globalement se féliciter du mécanisme s'agissant des fabrications sur le sol français, il n'en reste pas moins que certaines fabrications hors de France ont été à cette occasion fortement augmentées. M. Carlos Ghosn a cependant dû vous indiquer que Renault avait rapatrié sur Flins, au moins temporairement, une chaîne entière qui était localisée à l'étranger. Si le mécanisme n'a pas été bon à 100 % pour le territoire français, il l'a été globalement par ses effets sur la production française.

Concernant, M. Serge Poignant, la contribution climat-énergie, je crains de ne pas être la plus qualifiée pour vous répondre. Michel Rocard ne remettra le rapport de sa commission à Jean-Louis Borloo et à moi-même qu'aux alentours du 24 juillet. Nous savons seulement qu'un consensus s'est établi au sein de cette instance sur la nécessité de mettre en place la contribution et que des préconisations seront avancées à propos de son utilisation, de sa progressivité et de son caractère additionnel. Toute conclusion serait prématurée, sachant cependant que des changements structurels sont urgents.

Pour ce qui est maintenant du Livret A, faisons attention aux tentations démagogiques. On peut trouver qu'un taux de 1,25 %, ce n'est pas beaucoup. Mais s'il était de 8 % voilà dix ou douze ans, c'est que l'inflation était très élevée. Aujourd'hui, un taux de 1,25 %, c'est 0,75 % de plus que le niveau d'inflation probable. Non seulement le taux du Livret A sera toujours supérieur à l'inflation, mais celui-ci restera, même avec le plafond de 16 300 euros par livret, le produit d'épargne le plus facilement disponible. Il détermine en outre l'évolution en chaîne d'autres livrets, tels que le Livret de développement durable et le Livret d'épargne populaire.

Rémunérer à 1,25 % alors que l'inflation est négative et qu'elle restera en tout cas fort basse jusqu'au réexamen du taux au 1er février, c'est reconnaître le caractère populaire de l'épargne, d'autant que j'ai bien indiqué qu'il s'agissait d'un taux plancher en dessous duquel on ne descendra pas – alors que la stricte application de la règle mathématique aurait donné 0,75 %... J'espère que je ne serai pas contrariée par les faits, mais je pense que nous ne connaîtrons pas de déflation galopante. Sur des sujets aussi importants que la rémunération du taux d'épargne, nous devons éviter toute démarche démagogique.

J'ai dit ce qui serait fait en matière de formation professionnelle de l'auto-entrepreneur et c'est bien par la voie législative, monsieur Gaubert, que l'on passera pour améliorer le texte. Cela ne me dérange pas de reconnaître une erreur : il est normal de progresser à mesure de la mise en oeuvre d'un nouveau statut, notamment grâce aux suggestions de votre excellente Commission.

M. Carré évoque la distorsion de concurrence entre banques et entre assurances au sein de l'Union européenne. Dans notre pays, les banques et les compagnies d'assurance se sont révélées bien plus solides que leurs consoeurs hors frontières : je ne voudrais pas que nos entreprises, qui ont été les plus vertueuses, soient les premières victimes de plans de soutien, de relance, de renforcement des actifs, etc, engagés par d'autres. À cet égard, je me félicite que Neelie Kroes, commissaire à la concurrence, veille à ce que tous les plans de sauvetage ne contiennent pas en germe des éléments de distorsion de concurrence, au motif que certains n'ont pas respecté certains ratios ou quotas.

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