Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 21 juillet 2009 à 17h00
Commission des affaires économiques

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Avant de vous répondre, je souhaiterais vous faire part des conclusions du rapport du FMI, établi en vertu de l'article 4 de ses statuts, sur l'évaluation de la politique économique. Le Fonds souligne la rapidité de réaction de la France, ainsi que le caractère ciblé et approprié des mesures prises dans le cadre du plan de relance. C'est à cela qu'il attribue le fait que notre pays réagisse moins mal que d'autres à la crise. Selon les prévisions révisées, et même s'il ne faut en tirer aucune gloire, on attend en France une croissance négative de 3 %, contre 6 % en Italie et en Allemagne, et 4,5 % en Grande-Bretagne. Par ailleurs, les stabilisateurs automatiques ont joué à plein, avec, pour contrepartie, une forte détérioration des finances publiques 2009, mais sans doute aussi encore en 2010 puisque, par un effet de traîne, la reprise ne se traduira pas immédiatement sur l'emploi. Il semble enfin, d'après les indicateurs de production industrielle, que, dans les pays clients de la France, le point bas soit atteint : le mouvement de déstockage serait terminé. Et les indices des secteurs industriels et de services laissent percevoir un retournement.

S'agissant de l'emploi, le chômage s'est aggravé considérablement, mais à un rythme bien moins rapide que chez nos voisins. Le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 13 % chez nous, contre 29 % dans la zone euro, près de 100 % en Espagne et 112 % aux États-Unis.

Mme Le Loch m'a interrogée sur les effets de la LME, l'utilisation du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles et le statut d'auto-entrepreneur.

Sur le premier point, un bilan précis sera dressé d'ici à la fin de l'année à partir de l'enquête nationale lancée en avril dernier par la DGCCRF. J'ai d'ailleurs décidé d'accroître de 50 % les moyens affectés à cette enquête car cette loi a modifié en profondeur les relations commerciales et de nombreux dispositifs. Le nombre d'enquêteurs spécialisés est ainsi passé de quatre-vingts à cent vingt, et un chef de file a été désigné dans chaque région, auquel les professionnels pourront signaler les pratiques déloyales dont ils seraient victimes. Je rappelle que la LME a également prévu la possibilité de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales, la publication des décisions de justice, et donné au juge la faculté d'infliger des astreintes.

D'après les premiers éléments, les contrats d'affaires entre fournisseurs et distributeurs qui devaient être signés avant le 1er mars sont en général entrés en vigueur, ce qui aurait permis une résorption sensible des marges arrière, de 30 % à 10 %, et correspondraient à des contreparties commerciales réelles. Une dizaine de pratiques abusives ont été recensées, pouvant donner lieu à poursuites. Dans l'attente de conclusions plus fines (c'est en fin d'année que la DGCCRF nous donnera ses résultats définitifs), il ressort que la loi a déjà eu des effets positifs puisque les prix à la consommation diminuent, en particulier ceux des produits frais : les prix dans les hyper et supermarchés ont baissé de 0,2 % de mai à juin et progressent moins vite que ceux observés tous commerces confondus. L'ensemble des textes adoptés depuis 2004 aurait permis une rétrocession de pouvoir d'achat à l'économie de l'ordre de 9 milliards d'euros.

Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), géré au sein du Fonds stratégique d'investissement, a été abondé à hauteur de 200 millions d'euros chacun par l'État, Peugeot et Renault. Il a déjà procédé à plusieurs investissements : 55 millions d'euros chez Trèves (implanté notamment en Bretagne), 15 millions dans la société Michel Thierry et 4,3 millions dans Savoy International. Une dizaine de dossiers sont en cours d'examen et devraient déboucher prochainement.

Le Fonds stratégique d'investissement n'a pas vocation à soutenir des canards boiteux. Il est destiné à apporter des fonds propres à des entreprises stratégiques qui, bien que traversant une mauvaise passe, offrent des perspectives. La semaine prochaine, je recevrai avec Christian Estrosi les constructeurs automobiles pour m'assurer notamment qu'ils respectent le code de bonne conduite de la filière automobile, comme ils s'y sont engagés. Il n'y a pas de raison qu'ils fassent moins d'efforts que les autres. Je rappelle par ailleurs que c'est le FSI qui est intervenu, hors FMEA, chez Valeo et Heuliez.

Le courrier que nous avons adressé, Éric Woerth, Hervé Novelli et moi-même, aux micro-entrepreneurs ne relevait en rien du prosélytisme. Il s'agissait seulement de les informer de la possibilité qu'ils avaient d'opter avant le 31 mars 2009 pour le régime de l'auto-entrepreneur, qui offre l'avantage d'un paiement simplifié de leurs cotisations sociales et d'un prélèvement de l'impôt sur le revenu en pourcentage de leur chiffre d'affaires.

Les questions de Mme Erhel portaient sur Alcatel-Lucent, l'impact économique de l'attribution d'une quatrième licence de téléphonie mobile et le déploiement des antennes relais.

La société Alcatel-Lucent a annoncé en décembre 2008 une nouvelle stratégie consistant à se concentrer sur les technologies du futur tout en restreignant ses activités dans les technologies matures, en particulier les centraux téléphoniques. Lors du comité central d'entreprise du 30 juin dernier, la société aurait annoncé son intention de rechercher un nouvel acquéreur pour ces dernières activités, mais la direction ne nous l'a pas confirmée. Le secteur, très concurrentiel, est en difficulté depuis plusieurs années et il dégage une faible valeur ajoutée. Le groupe de travail créé en 2007 par le Gouvernement pour étudier le secteur des télécoms avait préconisé de mettre en place un cadre réglementaire adéquat pour favoriser le développement du secteur – d'où la décision de déployer le très haut débit sur tout le territoire –, et de soutenir l'effort de recherche-développement du secteur par le biais du crédit d'impôt recherche, qui a été triplé, et de la politique des pôles de compétitivité, en particulier le pôle Images et réseaux. Alcatel-Lucent et France Télécom en ont largement bénéficié. Le 24 juin dernier, un nouveau contrat de performance a été signé à Rennes entre ce pôle, l'État et la région Bretagne qui couvre la période 2009-2011. Il réaffirme le soutien de l'État à la recherche-développement de ce secteur, qui bénéficiera en outre du plan numérique et de l'investissement dans le très haut débit.

Sur l'impact économique de l'attribution d'une quatrième licence de téléphonie mobile, les gains attendus s'échelonnent entre les estimations d'un candidat, Free, qui pense pouvoir faire économiser 1 000 euros par an et par foyer, et diviser par deux la facture de téléphone mobile des Français, et celles de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services qui évaluent ces gains à 7 % environ. Entre les deux, il y a de la marge. Mais, de toute façon, on ne peut que se réjouir de l'arrivée d'un nouvel acteur qui insufflera un peu de concurrence.

Aucun moratoire n'a été décidé en ce qui concerne l'installation des antennes même si le contexte est un peu plus difficile. Mes collègues en charge de la santé et de l'économie numérique ont participé à la table ronde « Radiofréquences, santé, environnement » qui a donné naissance à plusieurs groupes de travail et à un comité opérationnel présidé par M. François Brottes, qui est chargé d'examiner la faisabilité d'un abaissement des seuils d'exposition aux radiofréquences.

M. Jean-Louis Gagnaire se préoccupe de la gestion du Fonds européen de développement régional. Le FEDER finance certains des programmes opérationnels approuvés par les régions à hauteur de 3,785 milliards d'euros au titre de la compétitivité régionale et de l'innovation. Après analyse, il ressort qu'une action un peu plus déterminée et plus concertée devrait permettre d'utiliser ce fonds plus efficacement, notamment pour cofinancer des plateformes d'innovation dans les pôles de compétitivité ou des projets conjoints de recherche-développement.

M. Gagnaire m'a également interrogée sur les ateliers protégés et les entreprises d'insertion travaillant pour le secteur automobile. Il va de soi que nous maintenons les soutiens par poste, au chômage partiel, et les prises en charge des périodes non travaillées de ces ateliers. En aucun cas, les enveloppes budgétaires et financières ne seront réduites en 2009 et 2010.

La TVA flottante, M. Thierry Benoît, était d'actualité et préoccupait beaucoup le Président de la République tant que le baril dépassait 100 euros. Le débat a donc perdu de son acuité puisque le baril cote 65 dollars et que l'évolution du taux de change a été nettement favorable à l'euro. La directive TVA qui vient d'être adoptée n'a pas changé fondamentalement le cadre juridique communautaire Le but étant d'harmoniser les taux pour ne pas fausser la concurrence, il n'y avait pas de raison d'autoriser des baisses, hormis sur certains produits. La discussion s'est engagée à propos de l'opportunité d'appliquer le taux réduit aux services à forte intensité de main-d'oeuvre. Nous avons pu l'obtenir dans l'hôtellerie-restauration parce que le risque de distorsion de concurrence ne se pose pas.

En ce qui concerne les niches fiscales, il faut mettre au crédit de notre majorité trois avancées considérables – le plafonnement des trois niches qui ne l'étaient pas encore, à savoir le Malraux, le régime de location meublée et les investissements locatifs ou productifs réalisés outre-mer – que nous avons parachevées en instituant le plafonnement global des niches à 25 000 euros plus 10 % du revenu net du foyer fiscal. L'équité fiscale est désormais mieux assurée et nous avons démontré notre volonté de limiter la dépense fiscale.

M. Franck Reynier m'a interrogée sur le refinancement du secteur bancaire. Sur les 265 milliards que vous avez autorisés dans la loi du 16 octobre, une partie seulement a été utilisée pour les entreprises par le biais de la Société de financement de l'économie française. Le mécanisme a commencé à rapporter puisque nous avons opté pour le paiement précompté des intérêts. L'État a ainsi encaissé 1,16 milliard d'euros en 2009.

M. Yves Albarello, votre question concernait le statut de l'auto-entrepreneur. Pour la première fois cette année, le nombre de créations d'entreprises a dépassé 50 000, en raison largement de la création de ce régime, qui permet à toute personne physique – étudiant, salarié, demandeur d'emploi, retraité – d'exercer une activité artisanale, commerciale ou indépendante sous forme individuelle, à titre principal ou accessoire, dès lors que son chiffre d'affaires est inférieur à 80 000 euros pour le commerce et 32 000 euros pour les services. Il s'agit là d'un succès indéniable. Quand le texte a été voté, on escomptait 200 000 auto-entrepreneurs : on dépassera sans doute les 300 000 avant la fin de l'année. Le mouvement entrepreneurial qui est né ainsi n'est pas dû à la seule augmentation du nombre de demandeurs d'emploi.

Quant à l'opportunité de créer un régime intermédiaire entre le droit commun et l'auto-entrepreneur, des dispositifs de lissage existent déjà. Ainsi, l'auto-entrepreneur dispose d'un délai de deux ans pour changer de régime si son chiffre d'affaires dépasse les plafonds que j'ai rappelés, sans excéder respectivement 88 000 euros ou 34 000 euros. Plus globalement, il y a déjà un régime intermédiaire entre le régime de l'auto-entrepreneur et le régime d'imposition au régime réel : le régime simplifié d'imposition avec des exigences comptables limitées pour lesquelles l'entrepreneur peut opter s'il ne dépasse pas 763 000 euros de chiffre d'affaires si l'entreprise a une activité de vente ou de fourniture de logement, ou 230 000 euros pour une activité de prestation de services. Sur le sujet du régime simplifié et des obligations comptables, nous sommes, dans le cadre européen, en plein débat avec nos amis anglais qui souhaiteraient éliminer toute obligation comptable envers les micro-entrepreneurs. Il nous paraît au contraire indispensable que les micro-entreprises fournissent des documents comptables, quitte à les simplifier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion