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Intervention de Nicolas Forissier

Réunion du 22 octobre 2008 à 14h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Forissier, Rapporteur spécial :

Les crédits relatifs aux politiques de l'agriculture représentent plus de 3 milliards d'euros, mais ils ne constituent qu'une part de l'effort public consacré à l'agriculture et plus globalement au monde rural, qui est évalué à 25 milliards d'euros. Il convient en effet d'ajouter à ces 3 milliards d'euros la totalité des crédits du ministère, ceux de l'enseignement et du programme Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation : celui-ci sera réintégré à partir de 2009 à la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales tout en demeurant rapporté par mon collègue Bruno Le Maire. Aux 5 milliards d'euros de crédits du ministère, il faut ajouter les dépenses fiscales à hauteur de 3 milliards, la protection sociale agricole pour 6 milliards, les 10 milliards de crédits européens, et plus de 1 milliard d'euros provenant des collectivités territoriales ou d'autres ministères. Le présent rapport spécial concerne également le CASDAR, c'est-à-dire le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural. Le budget du ministère de l'agriculture reste le principal instrument de la politique dans ce domaine : il coordonne les moyens et les rééquilibre. Je souhaite souligner l'effort remarquable fourni en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche qui augmentera, en crédits de paiement, de 5,6 %.

Concernant le CASDAR, les recettes devraient progresser d'une dizaine de millions d'euros en raison du déplafonnement de la taxe affectée au compte, pour atteindre 113,5 millions d'euros.

S'agissant des programmes de la mission Agriculture, je souhaite m'attarder sur quatre points.

Premièrement, il faut donc le recul du prix de moitié des reports de charges. Ils atteignaient presque 1 milliard d'euros l'an dernier. Depuis de nombreuses années, le budget du ministère de l'agriculture n'est pas suffisamment doté alors même qu'il doit faire face régulièrement, et seul, aux conséquences économiques des crises climatiques et sanitaires qui affectent l'agriculture nationale. Il faut donc prendre en cours d'année des mesures de gestion, qui ne permettent pas d'éviter l'accumulation des retards de paiement. Cette année, un effort particulier a été fourni grâce à une amélioration de la gestion à la rationalisation de certains dispositifs, dits « à guichet ouvert », de façon à mieux sélectionner les dossiers et à mieux gérer la dépense. Même si nous avons fait la moitié du chemin, il en reste autant à parcourir. La question est essentielle parce que le budget est amputé dès le début de l'exercice.

J'ai la conviction, et je le répéterai en séance publique, qu'il y aurait tout intérêt à mieux doter le budget de l'agriculture pour préserver des marges de manoeuvre. Je proposerai donc au Gouvernement, si vous en êtes d'accord, que, par exception, la réserve de précaution soit préaffectée au financement des crises, afin de ne pas pénaliser le ministère de l'agriculture. Ce serait une première réponse au problème.

Deuxièmement, les crédits de paiement augmentent de 2 % et les autorisations d'engagement diminuent de 12 %, baisse qui tient essentiellement à la très forte chute des financements destinés à la PHAE, la prime herbagère agro-environnementale, compte tenu des montants exceptionnels prévus au titre de 2008 pour lancer une nouvelle campagne de cofinancement de cette prime. Dans une perspective triennale, à l'horizon de 2011, les crédits de paiement devraient baisser de 10 % et les autorisations d'engagement de 13 %. Ce résultat prévisible tient, d'une part, aux effets attendus du bilan de santé de la PAC, qui pourrait conduire à la prise en charge par l'Union européenne d'aides actuellement financées par le budget de l'État, en particulier la montée en puissance de l'assurance récolte et la réorientation de certaines aides vers l'élevage et les productions fragiles ; d'autre part, aux conséquences bénéfiques de la RGPP.

De ce point de vue, le ministère de l'agriculture a été extrêmement actif, et soucieux de la bonne utilisation de l'argent public. Dès 2009, les résultats seront tangibles, notamment avec la suppression des préretraites agricoles, qui représente une économie de 17 millions d'euros en AE, et de la ligne destinée à financer les associations agissant en faveur du monde rural, soit 7,5 millions d'euros. Nous serons désormais limités dans ce domaine aux engagements communautaires du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, mais les associations seront dorénavant éligibles aux appels à projet du CASDAR, ce qui devrait leur offrir des compensations. Cette mesure me semble néanmoins trop brutale. C'est pourquoi je proposerai un amendement pour assurer la transition.

Troisièmement, le principal programme, intitulé Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires, qui résulte de la fusion des programmes Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement durable et Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés, comporte quatre priorités.

Il prévoit d'abord des mesures en faveur des secteurs fragiles. Les crédits de la PNSVA, la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, destinée à lutter contre la déprise agricole et qui vient compléter la PMTVA prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, financée par l'Union européenne, sont maintenus. L'effort en faveur des zones fragiles est préservé puisque 230 millions d'euros continueront d'être inscrits au titre de l'ICHN, l'indemnité compensatrice de handicap naturel. Par ailleurs, les crédits en faveur de la pêche seront en très forte hausse : + 170 % en AE et + 124 % en CP en raison du plan pour une pêche durable et responsable, annoncé par le Président de la République le 16 janvier 2008. Cette évolution explique pour partie l'augmentation globale du budget.

Ensuite, le programme prépare l'avenir. L'installation des jeunes est une priorité du Gouvernement, qui maintient le niveau de la dotation aux jeunes agriculteurs et augmente fortement l'enveloppe de prêts bonifiés. Des mesures sont également prises pour mieux former, hors cadre familial, les jeunes qui veulent s'installer grâce aux plans de professionnalisation personnalisés. Corollaire du Grenelle de l'environnement, le plan Agriculture biologique, horizon 2012 bénéficiera de crédits multipliés par huit. L'Agence Bio recevra ainsi 3 millions d'euros. L'effort consenti est très important.

Par ailleurs, le programme entend promouvoir la « ferme France ». C'est l'un des objets des offices agricoles, dont les crédits d'intervention ont été partiellement rétablis. En 2008, et de façon peu orthodoxe, leurs crédits avaient été réduits de 50 millions d'euros, en contrepartie de la promesse d'une rallonge équivalente en cours d'année, après la vente du siège de l'ONIGC, l'Office national interprofessionnel des grandes cultures. C'est ce qui a été fait, ou à peu près. Le budget pour 2009 part sur de bonnes bases, comme s'y était engagé le ministre.

La promotion de la « ferme France » passe aussi par le soutien aux industries agroalimentaires, premier secteur exportateur et deuxième employeur du pays. Le soutien direct, notamment par l'intermédiaire du FISIAA, le Fonds d'intervention stratégique pour les industries agroalimentaires, est en baisse du fait des nouvelles règles communautaires, mais le dispositif de soutien à l'export est renforcé, dans le cadre de la délégation de service public qui a été confiée à la SOPEXA et des actions conduites par UBIFRANCE. Le partenariat national pour le développement des industries agroalimentaires sera opportunément relancé et nous jugerons des résultats sur pièces.

Je suis plus circonspect quant à la forme à donner à la communication. Les moyens sont très dispersés, y compris sur le plan national. Aucune image n'émerge. L'agence nationale d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR, n'a pas réussi à mobiliser de financements extrabudgétaires. Le ministère, les offices et les filières conservent leurs propres budgets de communication. Aucune avancée n'a donc été ? et l'AFICAR sera dissoute le 31 décembre.

Quatrièmement, il s'agit de réformer la gestion des crises, notamment en incitant au développement de l'assurance récolte. À cet égard, les conclusions du bilan de santé de la PAC seront décisives. Néanmoins, le présent projet de loi de finances anticipe la possibilité d'utiliser des crédits communautaires pour développer cette assurance, par des incitations, en réaffectant une partie des taxes affectées pour l'heure au Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, qui n'est d'ailleurs toujours pas doté pour l'année 2009. Le mouvement qui est en train de s'opérer sera positif si l'accompagnement public, tant national qu'européen, se poursuit en 2009 et 2010. Ces mesures ne dispensent pas de réfléchir à la prise en charge par la solidarité nationale, de crises qui soit aujourd'hui financées par le seul ministère de l'agriculture. De deux choses l'une : soit le ministère les gère seul, mais il faut lui en donner les moyens ; soit on fixe des règles claires de partage et de solidarité.

En ce qui concerne ensuite le programme Forêt, il s'adapte lui aussi au Grenelle de l'environnement et s'attache également à développer la chimie verte, qui sera relancée en 2009. L'Inventaire forestier national sera intégré à l'Office national des forêts à qui des efforts importants de productivité seront demandés par le Gouvernement. L'objectif est d'accroître l'exploitation et la commercialisation du bois avec des crédits budgétaires stables.

Enfin, des modifications importantes seront prévues dans l'organisation institutionnelle du ministère, dans le sillage de la RGPP. Les offices agricoles seront, si les délais peuvent être respectés, fusionnés en un établissement unique : FranceAgriMer au 1er janvier 2009. En revanche, la spécificité de l'ODEADOM sera respectée. De même, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles et l'Agence unique de paiement seront fusionnés pour donner naissance à un interlocuteur unique : l'Agence des services et de paiement.

La réorganisation du ministère sera menée à trois échelons. À l'échelon central, la fusion de certaines directions a déjà été engagée. L'échelon régional va monter en puissance avec la création des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, aux compétences élargies, qui coordonneront mieux les actions du ministère. À l'échelon départemental, l'expérience des directions départementales de l'équipement et de l'agriculture sera progressivement généralisée.

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