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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 23 octobre 2007 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la valeur fondatrice de la sécurité sociale, c'est la solidarité. Et cette solidarité n'est viable que si elle s'accompagne d'une autre valeur essentielle : la responsabilité. L'une et l'autre ne vont pas de soi : elles demandent à être « plébiscitées tous les jours ».

Ces valeurs se perdent quand ceux qui sont en mesure de cotiser en sont dissuadés : c'est le cas pour les seniors qu'on évince du marché du travail.

Elles se perdent quand ceux qui en bénéficient fraudent les règles de la sécurité sociale pour profiter des droits sans s'acquitter de leurs devoirs.

C'est en redonnant toute leur force à ces valeurs de solidarité et de responsabilité que redresserons durablement nos comptes sociaux.

En matière de protection sociale, la réforme absolue, celle qui résout tout, n'existe pas ; il n'y a qu'un processus de réforme, un processus continu et qui doit être entretenu.

Ne jamais s'arrêter, toujours rester dans le mouvement : c'est ainsi que nous garantirons la pérennité d'un des principaux piliers de notre République. On ne change pas la direction d'un navire qui pèse plus de 350 milliards d'euros, plus du cinquième de la richesse nationale, par quelques coups de barre. Il y faut de la volonté ; il y faut aussi et surtout de la constance, et j'y ajouterai un peu de courage.

C'est cette nouvelle direction – vers un rétablissement des comptes, vers une modernisation plus complète de notre système de santé – que prend ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le premier de la législature, que nous vous présentons avec Roselyne Bachelot, Xavier Bertrand et Valérie Létard.

Mesdames, messieurs les députés, la sécurité sociale est l'affaire de tous ; le redressement de ses comptes implique par conséquent un effort de tous. Le Gouvernement vous propose un projet de loi équilibré : équilibré entre maîtrise des dépenses, d'une part, et apport de recettes nouvelles, d'autre part – 2 milliards d'un côté, 2 milliards de l'autre – ; équilibré parce que nous demandons des efforts à tous et que l'État fait lui-même un effort supplémentaire.

Nous ramènerons le déficit du régime général à moins de 9 milliards d'euros en 2008. Je sais que c'est encore beaucoup trop, mais c'est nettement moins que les 14 milliards que nous aurions eus si nous n'avions rien fait dès le mois de juillet.

En 2008, la branche famille et la branche accidents du travail retrouveront l'équilibre, et le déficit du régime général d'assurance maladie sera ramené à 4,3 milliards d'euros, soit son niveau le plus faible depuis 2002.

Je vous parlais de responsabilité. Être responsable, c'est respecter ses engagements. Aussi ai-je tenu, dès mon arrivée, à rétablir la clarté et la sincérité dans les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Je l'ai évoqué lors de la présentation du projet de loi de finances, puisque l'un et l'autre sont évidemment liés.

L'État a remboursé sa dette de 5,1 milliards d'euros à l'égard du régime général le 5 octobre dernier, conformément à mes engagements. Les charges financières de l'ACOSS, qui gère la trésorerie, en seront allégées de 55 millions d'euros cette année et de 220 millions d'euros en 2008. La situation du régime général en sera améliorée d'autant.

Encore faut-il, cependant, qu'on ne laisse pas se reconstituer demain la dette qu'on vient d'effacer aujourd'hui. La responsabilité n'a de sens que si elle s'exerce dans la durée. Pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, nous avons donc remis à niveau les crédits destinés aux dispositifs gérés par la sécurité sociale, mais financés par l'État. Il s'agit, par exemple, de l'aide médicale d'État, de l'allocation parent isolé, de l'allocation pour adulte handicapé ou de certaines exonérations ciblées.

Parce que je veux que cet effort soit respecté, je vais imposer aux gestionnaires des différents programmes que, contrairement au passé, les dotations destinées à ces dispositifs soient effectivement versées, et non pas consacrées à d'autres fins en fonction des aléas de l'exécution budgétaire.

Cette responsabilité, nous nous y conformons aussi en compensant intégralement l'impact des mesures nouvelles relatives aux heures supplémentaires.

Pour calculer cette compensation, il fallait bien se fonder sur un chiffre, et cela a fait débat aussi au moment de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Nous sommes partis de la seule évaluation que l'on connaisse, celle du montant actuel des heures supplémentaires. Toutefois, il va de soi que le coût que nous avons établi – plus de 5 milliards d'euros en année pleine – sera réajusté en fonction de l'évolution de ce montant au cours de l'année 2008.

Et nous allons plus loin en complétant sans attendre le panier de recettes fiscales affectées à la compensation des allégements généraux sur les bas salaires. Nous transférons notamment l'intégralité des droits sur les tabacs et de la taxe sur les salaires, ainsi que la TVA brute sur les alcools. Au total, les recettes fiscales transférées au régime général devraient passer de 21 milliards à près de 27 milliards, soit une augmentation de près de 30 %.

Enfin, puisque je souhaite une clarification globale, je la mettrai en oeuvre au-delà du régime général en engageant une concertation sur un schéma de redressement durable du Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Dès cette année, l'État reprendra à sa charge, en loi de finances rectificative, la dette ancienne qu'il avait vis-à-vis du BAPSA, soit 619 millions d'euros. Et je souhaite – je m'en suis entretenu avec une partie de la profession et des acteurs concernés – qu'en 2008 nous préparions un schéma de financement pérenne de la protection sociale des exploitants agricoles.

Cette responsabilité assumée de l'État s'appuie sur une maîtrise renforcée des dépenses publiques, une maîtrise durable grâce à des réformes de structure et à un réexamen des politiques publiques pour en améliorer l'efficience. Nous faisons de même dans le champ de la protection sociale en engageant, dans ce projet de loi, des réformes de fond pour accroître l'efficacité de notre système de santé et mieux maîtriser nos dépenses d'assurance maladie.

Le taux de progression que nous avons fixé pour les dépenses d'assurance maladie est de 2,8 %. C'est un objectif ambitieux mais réaliste.

Il est réaliste parce que, s'il l'on tient compte de l'impact de la franchise, ce taux correspond en fait à une évolution de 3,4 % de l'ONDAM global. C'est un taux suffisant pour répondre aux besoins de notre système de santé et faire un effort notable en faveur des personnes âgées et handicapées.

Il est réaliste aussi parce que nous renforçons les efforts de maîtrise médicalisée et que nous apportons des améliorations structurelles à l'organisation des soins. Je pense notamment au financement intégral des hôpitaux par la tarification à l'activité ou, pour la médecine de ville, aux mesures qui visent à favoriser de nouveaux modes de rémunération. Roselyne Bachelot y reviendra.

Un taux réaliste, c'est un taux qui doit être impérativement respecté. Les efforts que nous demandons pour tenir cet objectif sont équitablement partagés. Tout le monde est impliqué :

L'État ;

Les patients ;

Les professionnels de santé ;

Les entreprises : elles ne bénéficieront plus d'exonérations de cotisations employeur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, car ces cotisations sont faites pour inciter à la prévention ;

L'industrie des produits de santé, enfin, sera impliquée via une augmentation du taux de la contribution sur le chiffre d'affaires, car nous devons tenir compte de l'accroissement sensible des dépenses de médicaments.

Au total, si l'on tient compte du prélèvement à la source sur les dividendes instauré par le projet de loi de finances, les recettes supplémentaires s'élèveront à 2 milliards d'euros pour la sécurité sociale, dont près de 1,6 milliard pour le régime général.

Mesdames, messieurs les députés, je vous parlais de solidarité. Ce qui fonde la solidarité entre les générations, c'est notre système de répartition. Nous devons impérativement rétablir l'équilibre et la cohérence de ce système.

Il ne peut pas y avoir de plus en plus de pensionnés s'il y a, dans le même temps, de moins en moins de cotisants. Il serait paradoxal et tragique que la sécurité sociale s'affaisse en raison même de ses succès, et je pense bien sûr au succès de la longévité croissante dont bénéficient les Français.

Chacun sait que la clef du redressement des comptes sociaux réside dans le prolongement de l'activité des seniors. Ce projet de loi vous propose donc de dissuader les entreprises de faire partir en pré-retraite ou en retraite les seniors. Xavier Bertrand reviendra sur ces mesures. Nous en attendons 350 millions d'euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.

La solidarité a besoin non seulement de la contribution de toutes les personnes d'âge actif, mais aussi de tous les revenus perçus. Nous sommes par conséquent favorables à l'instauration d'une cotisation employeur sur les stocks options et sur les actions attribuées gratuitement. Cette cotisation serait affectée à l'assurance maladie. Nous en discuterons dans le cadre de ce projet de loi.

Enfin, mesdames, messieurs les députés, si les charges qui fondent la solidarité doivent être correctement réparties, elles doivent aussi être impérativement respectées. La fraude mine l'esprit de responsabilité et le sens de la solidarité. On ne peut pas demander aux Français davantage de solidarité si on ne s'attaque pas plus efficacement à ceux qui en abusent.

Avec ce PLFSS, nous entamons la mise en place d'un plan ambitieux, sans précédent, de lutte contre la fraude fiscale et sociale. Ce plan comporte trois grands axes d'action.

Premier axe : nous nous donnons les moyens de mieux contrôler en développant les échanges d'informations entre les services. Je vais en effet profiter du périmètre du ministère des comptes publics pour améliorer la qualité des collaborations entre les services fiscaux et les organismes de sécurité sociale, dans le respect des règles établies par la CNIL, bien évidemment.

Deuxième axe : nous renforçons les pouvoirs de contrôle des organismes sociaux. Leurs agents seront habilités à recueillir des informations auprès de tiers tels que les banques, les fournisseurs d'énergie ou de téléphonie. Ils pourront ainsi mieux contrôler la sincérité des déclarations des assurés et mieux lutter contre la fraude aux cotisations et aux prestations.

Troisième axe : nous aggravons les sanctions. Des peines plancher sont instaurées pour le travail dissimulé : les URSSAF pourront procéder à un redressement forfaitaire correspondant à six mois de salaire minimum. Nous parons ainsi à l'argument de l'employeur pris en flagrant délit qui prétend que le salarié non déclaré a été embauché le matin même, voire l'après-midi si le contrôle a lieu le soir.

Ce plan n'est qu'un début. J'aurai l'occasion de revenir devant vous pour vous présenter d'autres mesures et vous rendre compte des progrès accomplis.

Le redressement définitif de nos comptes sociaux exigera d'aller plus loin, de poursuivre sans relâche les réformes engagées. Les projections pluriannuelles des comptes de la sécurité sociale qui sont données, à titre illustratif, en annexe à ce projet de loi montrent bien la nécessité de poursuivre nos efforts. C'est ce que nous allons faire en engageant trois grandes concertations : sur le financement de la protection sociale, sur le financement de la santé, et sur les retraites.

Ces efforts ne seront possibles et efficaces que s'ils sont compris. C'est pourquoi nous devons sans cesse rappeler à nos concitoyens le sens profond de la sécurité sociale, l'engagement mutuel qu'elle présuppose, la responsabilité sans faille qu'elle exige, l'adaptation permanente qu'elle nécessite. C'est ainsi que nous continuerons à faire vivre la solidarité qui nous unit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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