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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Le projet de réforme entend limiter les usages de l'article 49-3, ce coup de massue de l'exécutif contre le Parlement. Dans l'esprit des constituants de 1958, l'utilisation de l'article 49-3 devait rester exceptionnelle et réservée à un gouvernement ne disposant que d'une majorité relative ou fragile. Au fil des années, elle est devenue une arme « banalisée » à la disposition des gouvernements, même lorsqu'ils disposent du soutien d'une forte majorité.

Avec la consolidation du « fait majoritaire », la question de la suppression du 49-3 est donc posée. D'autant que le gouvernement Jospin, bien que s'appuyant sur une majorité plurielle et en n'utilisant jamais cet article de la Constitution, a apporté la preuve que l'on pouvait parfaitement gouverner sans brutaliser de la sorte l'Assemblée nationale et qu'après tout, gouverner c'était aussi convaincre sa propre majorité...

C'est donc seulement en apparence que la réforme, dans son article 23, limite les usages possibles de ce fameux article 49-3, en disposant qu'il ne peut plus être utilisé que pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. Mais, et c'est là que le bât blesse, le texte du Gouvernement précise dans le même mouvement, que, « en outre » le Premier ministre « peut recourir à cette procédure pour un autre texte par session ». De deux choses l'une : ou bien l'on considère que l'article 49-3 demeure utile en cas de majorité relative ou instable et alors il ne faut absolument pas restreindre les utilisations de cet article ; ou bien l'on considère que le texte est inutile compte tenu de l'existence de majorités claires, que gouverner c'est aussi convaincre sa propre majorité ou en constituer une autour de soi, et alors il faut effectivement restreindre très fortement les utilisations possibles de l'article 49-3.

La voie médiane qu'on nous propose n'a aucun sens parce qu'elle ne limite rien. Depuis dix ans, cet article n'a été utilisé qu'à trois reprises : deux fois par Jean-Pierre Raffarin, en février 2003 sur le mode d'élection des députés européens et des conseillers régionaux, puis en juillet 2004 sur la loi relative aux responsabilités locales ; une fois par Dominique de Villepin, en janvier 2006 sur la loi relative à l'égalité des chances. Autant de gouvernements assurés d'une majorité totalement hégémonique à l'Assemblée. Autrement dit, dans sa formulation actuelle, la réforme ne changera rien.

La réforme prétend également améliorer le travail législatif. La seule disposition importante est dans l'article 17 : la discussion des projets de loi en séance publique portera dorénavant sur le texte adopté – et éventuellement amendé – par la commission parlementaire qui en a été saisie.

Cette disposition, qui répond à une revendication ancienne de parlementaires attachés au bon fonctionnement de notre assemblée, risque non pas d'améliorer le travail parlementaire, mais de limiter le droit d'amendement de chaque élu du peuple, d'enfermer la production de la loi dans une opacité regrettable et d'autoriser ainsi une diminution drastique des temps de débat en séance.

On pourrait se réjouir de l'instauration d'un délai entre le dépôt d'un texte et sa discussion. Mais malheureusement, là encore, le Gouvernement pourra s'affranchir de cette disposition en déclarant l'urgence sauf si – article 20 – « la conférence des présidents de chacune des deux Assemblées s'y oppose », ce qui n'est pas l'hypothèse la plus probable, vous en conviendrez...

Le changement est en fait homéopathique. Bref, cette réforme constitutionnelle ne bouleverse pas le travail parlementaire, et se situe même en très net retrait par rapport aux propositions du comité Balladur. Les lacunes de ce texte sont immenses. Elles sont aberrantes même lorsqu'on prétend construire une démocratie moderne, en phase avec son opinion.

Quelques droits nouveaux sont accordés à l'opposition, mais dans un esprit étroit et en décalage avec la réalité, calqué sur une vision bipolaire de la vie politique, que nos concitoyens ne souhaitent guère. Le pluralisme nécessaire à toute représentation démocratique aurait pu connaître une avancée significative, avec une modification des modes de scrutin. D'une part, avec l'introduction d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés. D'autre part, avec un changement du mode de scrutin sénatorial qui assure aujourd'hui à la droite une majorité pour des décennies, rendant illusoire toute possibilité d'alternance. Sur ces deux points, votre copie mérite un zéro pointé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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