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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis a été largement modifié et complété par les deux assemblées, malheureusement pas obligatoirement dans le bon sens.

Je m'exprimerai sur le seul mode d'organisation de la discussion des textes au Parlement, dont je pense qu'il peut constituer effectivement un enjeu majeur pour le rééquilibrage des pouvoirs, même si je suis de ceux qui pensent – je le dis après Hervé de Charette – que si les textes sont importants, la pratique et nos comportements peuvent l'être tout autant. Sans attendre d'ailleurs des initiatives du Gouvernement, si le Parlement le voulait davantage, un meilleur équilibre entre les pouvoirs serait déjà possible. Sortir d'une culture de démission et de soumission serait tout aussi utile qu'un nouveau texte, tel que celui qui nous est proposé.

Je veux retenir votre attention sur trois sujets : la discussion, en séance, du texte adopté par la commission saisie au fond, l'organisation de la discussion des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, le droit d'amendement du Parlement.

L'article 16 du projet nous est présenté, à juste titre, comme un élément essentiel du renforcement du Parlement. Il porte sur les délais minima dont doit disposer chaque chambre pour examiner un texte et il en organise un nouveau mode de discussion, qui placerait les commissions du Parlement au coeur du travail législatif. D'une certaine manière, il « renverse la charge de la preuve ». Je veux dire qu'il obligerait le Gouvernement à justifier sa position en séance, en cas de désaccord avec la commission, s'il souhaite obtenir le rétablissement des dispositions d'origine.

Dans ces conditions, pourquoi assortir ce principe d'exceptions aussi importantes que les projets de loi constitutionnelle, de finances et de financement de la sécurité sociale ? Ces projets – et je pense particulièrement au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale – seraient écartés en raison de leur « caractère particulier ». Deux objections sont avancées : ils sont « au coeur des prérogatives du Gouvernement dans la conduite de l'action publique » et, surtout, leur discussion est encadrée dans des délais constitutionnels qui ne peuvent être modifiés si l'on veut que ces textes puissent entrer en vigueur au 1er janvier de leur année d'application.

À mes yeux, ces objections ne tiennent pas. Il ne s'agirait en aucun cas de remettre en cause ni l'initiative gouvernementale dans ces domaines ni la nécessité d'un vote dans un temps contraint. Je suis convaincu, de même que le président de la commission des finances du Sénat – il a eu l'occasion de le dire –, que le respect de ces impératifs est parfaitement compatible avec la procédure qui deviendrait de droit commun : une discussion, en séance, sur la base du texte adopté par la commission saisie au fond.

Ma deuxième observation porte sur la discussion des PLF et PLFSS. Il est désormais admis qu'une approche globale des finances publiques est indispensable à leur pilotage à moyen terme. L'instauration du PLFSS a constitué une avancée puisque, avec le projet de loi de finances, il permet au Parlement de se saisir de près des deux tiers du champ des finances publiques. Mais le débat fragmenté que nous avons rend difficile, pour les parlementaires et pour l'opinion publique, une bonne appréhension de nos finances publiques, notamment en ce qui concerne l'évolution des prélèvements obligatoires. Il me paraîtrait bien préférable que les dépenses continuent à figurer dans deux textes distincts et qu'en revanche, on procède à l'examen, dans un même temps, des dispositions relatives aux recettes. Ce mode de discussion présenterait plusieurs avantages. Il permettrait d'avoir une meilleure vision des prélèvements obligatoires et une plus grande cohérence du débat parlementaire, qui verrait la fin du chevauchement des mesures fiscales et sociales ayant une incidence sur le budget de l'État et sur celui de la sécurité sociale.

À ce propos, je tiens à souligner l'attention que portent nos commissions des finances et des affaires sociales, à l'Assemblée et au Sénat, à la question de la maîtrise des dépenses fiscales et de celles dues aux exonérations de cotisations sociales. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, avec Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et Yves Bur, un amendement tendant à ce que toutes les mesures de cette nature adoptées hors lois de finances et de financement de la sécurité sociale fassent l'objet d'une prorogation explicite en lois de finances et de financement de la sécurité sociale, au vu d'un récapitulatif documenté.

Ma troisième et dernière observation a trait à ce qui nous est proposé à l'article 18. Le projet initial prévoyait que le droit d'amendement s'exercerait en séance ou en commission selon les conditions et les limites fixées par les règlements des assemblées, dans un cadre déterminé par une loi organique. À ce stade, en deuxième lecture, la référence aux limites a été supprimée. Il n'en reste pas moins que les conditions du droit d'amendement des parlementaires, droit fondamental, seraient fixées dans les règlements des assemblées, dans le cadre ou non d'une loi organique, selon que l'on retient la rédaction du Sénat ou celle proposée par la commission des lois de l'Assemblée. J'y vois là – je vous demande, monsieur le président, d'y prêter attention – un recul par rapport à la situation existante et une tentation de restreindre le droit d'amendement, au prétexte d'une obstruction parlementaire, dont on voudrait faire croire qu'elle caractérise nos débats. D'une part, il n'en est rien, ou c'est tout à fait exceptionnel, et c'est faire du Parlement sa caricature que de le présenter comme irresponsable et désordonné.

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