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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 15 janvier 2008 à 15h00
Projet de loi constitutionnelle modifiant le titre xv de la constitution — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Nous sommes réunis ce jour pour franchir l'étape nécessaire au renouveau du projet européen. Le groupe du Nouveau Centre s'en réjouit, car il en ressent l'urgence politique pour l'Europe et pour notre pays.

Rappelons-nous : en 2005, nous étions dans l'impasse. Pour de multiples raisons, dont toutes n'étaient pas liées à l'Europe, le peuple français et le peuple néerlandais avaient repoussé le projet de Constitution pour l'Europe. Dans les mois qui ont suivi, les partisans du non ont fait la preuve de leur incapacité à proposer une alternative crédible. Les services de la Commission et des autres institutions, pour leur part, continuaient à fonctionner, mais avec la sensation d'une sorte d'hypothèque permanente. Il y avait là une contradiction manifeste entre les perspectives politiques de l'élargissement et l'encrassage progressif des institutions européennes.

En 2007, la question européenne a été présente dans la campagne de l'élection présidentielle. Le candidat Nicolas Sarkozy a pris, devant le corps électoral, des engagements clairs à ce sujet. À l'inverse, les candidats, de droite comme de gauche, qui ont fait preuve de la réticence la plus grande à l'égard de l'Europe n'ont pas connu le succès. Par son vote en faveur de Nicolas Sarkozy, le peuple français, placé devant un choix européen clair, a créé une situation politique nouvelle par rapport à 2005. Il a donné un mandat, et l'acte que nous nous apprêtons à accomplir fait partie de l'exécution de ce mandat.

Fidèle à la tradition européenne dont il est l'héritier, le Nouveau Centre a soutenu l'action du Gouvernement pour parvenir à un accord et pour sortir l'Europe de l'impasse dans laquelle le rejet du projet de Constitution l'avait plongée. Il l'a fait en souscrivant à l'analyse du Président de la République pour qui il faut rechercher, de manière pragmatique, la solution la plus adéquate pour relancer l'Europe. Notre groupe considère que l'on doit affronter les difficultés bien réelles qui avaient justifié les travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe et que le non au référendum n'avait pas magiquement effacées. Il faut les affronter pour les résoudre.

Dans cette perspective, l'échec du résultat final de la Convention – le projet de traité constitutionnel – ne doit pas nous amener à une condamnation totale de ses travaux. Les discussions, les contacts, les projets accueillis par la Convention ont créé un précédent qui s'est révélé utile le jour où les conditions politiques d'une reprise du processus européen ont été réunies. Et de fait, le traité que nous serons prochainement appelés à ratifier reprend sur des points significatifs les réflexions et les textes élaborés par la Convention et intégrés dans le projet de traité constitutionnel. Il prévoit une actualisation pragmatique, mais résolue, de la démarche européenne.

Une actualisation pragmatique, d'abord, et attentive aux symboles. Dans le projet de Constitution pour l'Europe, il y avait des dispositions emblématiques – l'adoption d'un drapeau et d'un hymne européens, la création d'un véritable ministre responsable des « affaires étrangères de l'Europe » à forte charge symbolique – qui portaient le projet européen très en avant de sa perception actuelle par les opinions publiques. Je ne crois pas que ces innovations aient été déterminantes dans les votes négatifs de 2005. Mais, après ces votes, elles apparaissent prématurées et il est plus sage d'y renoncer.

Le parti pris de la codification des législations européennes a sans doute été une erreur. On a méconnu, en 2005, l'effet d'optique déformant que peut avoir le rassemblement en un texte unique, de surcroît qualifié de constitutionnel, de nombreux textes que, dans l'ordre interne français, la Constitution réserve au pouvoir réglementaire. Chaque citoyen a, en réalité, sa vision de l'Europe, son contact avec l'Europe. Il apprivoise l'Europe à sa manière.

Le traité de 2007 respecte cette sensibilité. Symboliquement, les normes qu'il pose ne se substituent pas entièrement, en la forme, aux traités antérieurs. Il laisse subsister ces textes, mais il en modifie les dispositions. Ce choix a, en termes politiques, deux significations.

D'une part, il montre que le nouveau traité récapitule et prolonge les traités précédents, dans la continuité symbolique d'une histoire commune commencée il y a presque soixante ans. Le traité de Lisbonne amende les traités conclus à Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice, ainsi que l'Acte unique européen. Il permet ainsi une revue des étapes marquantes de la vie des institutions européennes.

D'autre part, procédant par modification et non par substitution de textes, il exprime la volonté politique de faire porter les innovations sur les points qui ne donnent pas satisfaction dans la pratique actuelle. Il correspond plus clairement à la volonté d'améliorer le système existant, en remédiant aux difficultés identifiées.

Une démarche pragmatique, certes, mais une attitude politique résolue. S'il applique une méthode pragmatique, le traité de Lisbonne fait vraiment progresser l'Europe, car il contribue à donner à l'Union européenne une pleine capacité juridique pour l'exercice des politiques relevant des trois piliers et lui permet de figurer effectivement en tant que telle sur la scène internationale.

Dans la réforme des institutions, le traité de Lisbonne fait franchir à l'Union un pas décisif avec la création d'une présidence stable. La stabilité améliorera la lisibilité et la continuité des décisions politiques européennes dans des domaines aussi sensibles, par exemple, que l'immigration ou la coopération en matière pénale. La communautarisation des politiques du secteur de la justice et des affaires intérieures est une bonne initiative. Le renforcement du rôle des parlements nationaux, notamment la sauvegarde des compétences du législateur national permise par l'institution d'un recours spécifique devant la Cour de justice des communautés européennes, équilibre opportunément cette innovation. Je me réjouis de voir le nouveau traité reconnaître l'importance particulière de l'Europe sociale et de l'objectif de plein emploi et manifester l'attachement de ses auteurs à une société humaine fondée sur le dialogue et les services publics.

Plus généralement, la clarification institutionnelle que vise le nouveau traité permettra de renforcer la légitimité et la lisibilité des politiques européennes en faisant disparaître le prétexte que donnaient les imperfections du système existant à ceux qui ne voulaient pas avancer, proposer, décider. Le traité de Lisbonne crée également des bases pour de nouvelles actions dans différents domaines où le niveau européen permet, au prix d'une organisation adéquate, davantage d'efficacité : énergie, espace, recherche, ou encore la sécurité civile et le sport. Dans le domaine du sport particulièrement, l'Europe permettra de faire progresser l'équité dans les compétitions et de coordonner la régulation des flux financiers, tout en préservant la vocation sociale et éducative des activités sportives.

Dans la politique étrangère et de défense commune, le traité réalise également une adaptation nécessaire. Il met le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en mesure d'assurer une gestion quotidienne, continue, de ces sujets tout en préservant la maîtrise par chaque État membre de ses choix de politique étrangère. La défense commune est désormais un objectif affirmé. Quel progrès accompli depuis les débats, il est vrai tenus dans un tout autre contexte, sur la Communauté européenne de défense ! Si l'on a progressé dans ce domaine sensible, c'est que, par ailleurs, l'Europe a gagné en consistance et en avenir.

Ainsi, le nouveau traité ouvre la perspective d'un approfondissement des politiques de l'Union européenne, et apporte des réponses innovantes au déficit démocratique dont elle pâtit. La conviction européenne, qui est l'un des piliers de la philosophie politique du Nouveau Centre, nous conduirait à souhaiter que la construction européenne progresse plus rapidement, atteigne de nouveaux domaines et suscite de nouveaux consensus. Mais l'expérience montre que le développement de l'Europe est un processus long, marqué d'avancées et de reculs, de petits pas et de pas de géant. Nous nous engageons volontiers sur un chemin plus long, peut-être plus sinueux, tracé par le traité, car nous comprenons que c'est la seule voie aujourd'hui praticable pour donner à nos concitoyens la ferveur de croire en l'avenir politique commun qu' offre l'Europe.

Le Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République sur la conformité du traité de Lisbonne, que la France souhaite ratifier très prochainement, a estimé que notre Constitution devait, à cette fin, faire l'objet d'une révision.

Sur le dispositif du projet de loi de révision constitutionnelle, le groupe Nouveau Centre n' a aucune observation à formuler. Je relève cependant que le projet ne remet pas en cause la disposition qui, à l'article 88-5, exige que toute nouvelle adhésion d'un État à l'Union soit soumise par référendum au peuple français. Cette disposition est fondamentale. Je sais qu'elle fait débat et que des voix, certes autorisées, en ont préconisé l'abrogation dans le cadre de la réforme des institutions. Nul ne s'étonnera donc que le groupe Nouveau Centre réaffirme, par ma voix, son attachement au maintien d'une clause de sauvegarde sur laquelle, nous le constatons tous les jours sur le terrain, les Français ne souhaitent pas revenir. Il s'agit bien sûr de la question de l'adhésion de la Turquie, mais pas seulement d'elle : sont en cause également les candidatures éventuelles des pays des Balkans occidentaux, voire de l'Ukraine, pays dans lesquels la stabilité politique est loin d'être assurée. Nous aimerions obtenir du Gouvernement des précisions à ce sujet et tout particulièrement sur son attitude à l'égard de la candidature turque.

Il ne faudrait pas compromettre le réel succès que représente la clarification institutionnelle résultant du traité de Lisbonne par des initiatives favorables à un élargissement inopiné ou imposé de l'Union européenne. Ce serait une contradiction politique incompréhensible pour nos concitoyens. Aujourd'hui, la priorité est à la mise en oeuvre de l'approfondissement permis par le traité de Lisbonne.

Je terminerai par un souhait : que la construction de l'Europe puisse échapper au déploiement de nos clivages politiques habituels. Parce que je crois au projet politique européen, je souhaite que ceux qui ont soutenu le projet de Convention pour l'Europe et qui, bien souvent, ont déclaré appuyer la démarche du « mini-traité », votent la révision constitutionnelle. Il n'y a pas de grand projet sans cohérence. La révision est un préalable nécessaire : que tous les partisans d'une Europe dynamique se rejoignent pour l'appuyer !

Pour sa part, sous le bénéfice des observations et des questions que j'ai développées en son nom, le groupe Nouveau Centre votera le projet de révision constitutionnelle.

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