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Intervention de René Dosière

Réunion du 22 novembre 2007 à 21h30
Stabilité des institutions et transparence de la vie politique en polynésie française — Motion de renvoi en commission du projet de loi organique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

De ce fait, sa rémunération, initialement fixée à 435 755 euros, et déjà attribuée de manière dérogatoire, a finalement atteint 1 914 810 euros, c'est-à-dire qu'elle a été multipliée par quatre.

La chambre relève que toute l'opération sera conduite ainsi, et que « le maître de l'ouvrage, peu soucieux du respect des règles de la concurrence a déclaré de nombreux appels d'offres infructueux par commodité, pour pouvoir négocier directement avec les entreprises de son choix. » Il est assez rare que les chambres territoriales des comptes se permettent de telles appréciations. Je n'avais pas lu de remarques de cette gravité depuis les observations que la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-côte d'Azur avait consacrées à la gestion de M. Médecin à Nice. Mais au regard de ce qui nous occupe, M. Médecin était vraiment un petit joueur car cela dépasse tout.

Vous me rétorquerez que ces dépenses font l'objet de contrôles. C'est vrai. Il y a d'abord le contrôle des dépenses engagées. À ce propos, M. Flosse m'a pris à partie au Sénat, arguant que c'est au trésorier-payeur général, fonctionnaire d'État, que revient la charge de contrôler ces dépenses. Ce contrôleur s'est d'ailleurs opposé à un certain nombre de dépenses de la présidence en raison de leur irrégularité : une année, il s'y est même opposé près de vingt fois, ce qui est quand même un chiffre assez conséquent. Mais le président a pu à chaque fois passer outre, comme la législation l'y autorise. Autrement dit, ce contrôleur des dépenses engagées ne sert à rien.

Ainsi, le 13 novembre 2001, le contrôleur s'oppose à un marché de travaux électriques, au motif que l'avenant n'a été transmis qu'en octobre 2001, alors que les travaux sont achevés depuis le 5 mai 2000. Il fait remarquer de surcroît que les travaux supplémentaires concernés par l'avenant représentent plus de la moitié du marché. Mais le président passe outre, et c'est ainsi qu'on arrive à ce genre de dérives.

Quant au contrôle de l'État, il est, selon la chambre, pratiquement inefficace. Soit le haut-commissaire n'est pas informé, soit on ne répond pas à ses demandes réitérées de renseignements, jusqu'à ce qu'il finisse par se lasser. Il saisit quand même de temps en temps le tribunal administratif, et c'est reparti pour un tour : si le tribunal administratif annule l'arrêté litigieux, on reprend la même décision, qui est à nouveau soumise au tribunal administratif, et cela dure jusqu'à l'épuisement d'un des protagonistes. Le haut-commissaire a ainsi réclamé à plusieurs reprises la liste des emplois de cabinets de la présidence, en vain.

Il reste l'inspection du travail, me direz-vous. Effectivement, le 10 mai 2003, un inspecteur du travail a effectué un contrôle sur place à Fakarawa, atoll bien connu de la commission des lois qui a également été aménagé, et où les hommes du GIP ont travaillé. Après avoir relevé l'inobservation des règles de sécurité et l'absence de déclaration d'ouverture des travaux, l'inspecteur a été expulsé du chantier manu militari sur ordre du chef du service.

Même les instances collectives – conseil d'administration ou assemblée – sont inutiles. Ainsi, aucun des 49 conseillers qui composaient alors l'assemblée de Polynésie n'était informé des emplois de cabinet ni des fonctions exercées, alors même que les effectifs étaient pléthoriques : ils étaient au nombre de 135 en avril 2004, dont 55 pour la présidence, quand ils ne dépassaient pas le nombre de dix dans les départements et les régions métropolitaines – c'est toujours la chambre qui parle. En mai 2004, le changement de majorité va heureusement les ramener au nombre de trente-cinq ; le coût se trouvera divisé par trois, alors même que le nombre de conseillers sera passé à 57. On voit l'intérêt du changement de majorité.

L'ultime contrôle aurait dû être celui de la justice. Hélas, même la justice, aurait dit Brassens, ignore les faits délictueux relevés par la chambre territoriale des comptes, et je voudrais vous le démontrer par un dernier exemple.

Le chef du groupement d'intervention de la Polynésie, le GIP, en réalité la milice privée de M. Flosse, rémunéré 9 700 euros par mois – c'est une somme – avait créé en juillet 2000 une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une EURL, baptisée « Les pêcheurs tahitiens », dont il devait assurer la gérance pendant trois ans, avant de céder la place à un autre salarié du GIP. L'objet de cette société, relatif au secteur de la pêche, est très large. Elle devait en fait exploiter des thoniers. La chambre rappelle que le statut du chef du GIP lui interdisait de cumuler son activité publique avec une activité privée.

De plus, le secrétariat de cette société était assuré par une salariée du GIP, dans les locaux du GIP, au moyen d'un ordinateur du service – le chef de service a jugé plus sûr de faire effacer ses données en 2004, après le changement de majorité. En un mot, le chef du service, comme le relève la chambre, distrayait une partie des moyens du GIP au profit de la société qu'il avait créée.

Cette même société privée obtiendra à trois reprises, sans qu'il y ait eu mise en concurrence – c'est plus sûr – le marché de convoyage des marchés thoniers construits en Corée et en Chine pour le compte de la société d'économie mixte Tahiti Nui Rava'ai. La société privée utilisera pour cette tâche des membres du GIP, mis en congé durant la période concernée, et c'est elle qui empochera le règlement de l'opération.

En définitive, écrit la chambre, « la participation au capital de l'EURL d'une société composée de membres du GIP, le concours des marins du GIP aux opérations commerciales de cette EURL, l'utilisation d'une partie des moyens du GIP au profit de cette entreprise et l'activité du chef de service du GIP comme gérant de la société soulignent la confusion entretenue entre le service public et les intérêts privés de ces agents ».

En l'occurrence, il y a non seulement détournement de fonds publics, mais aussi enrichissement personnel. Or, quand la chambre territoriale rend ses observations publiques, il ne se passe rien du tout. On aurait pourtant pu s'attendre à ce que la justice s'intéresse à ces affaires !

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