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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 10 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

…M. Artus constate encore que « cette politique avait stimulé la consommation des ménages et relancé la machine, sans rien changer sur le taux d'emploi ou la productivité de l'économie. Je crains – poursuit M. Artus – qu'il n'en aille de même en France. Il y aura sûrement, à court terme, plus de croissance et d'emploi, mais on n'aura aucun effet direct sur la croissance à long terme car presque rien n'est prévu dans le paquet fiscal pour aider les PME à croître ».

Madame la ministre, une PME a besoin non pas de béquilles mais de clients, et à cet égard seule l'augmentation du pouvoir d'achat peut avoir une incidence.

M. Jacques Le Cacheux, professeur à l'université de Pau, souligne, lui, le caractère « très néfaste pour le dynamisme de l'économie de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers. Le bouclier fiscal profite d'abord aux personnes ayant des patrimoines très importants et des revenus relativement modestes par rapport à leur patrimoine. C'est l'écart entre les deux qui fait jouer le dispositif. La version Sarkozy du bouclier n'aura d'effets massifs ni sur l'offre ni sur la demande, et ne sera pas suffisante pour engendrer un point de croissance supplémentaire ».

Ce ne sont donc ni la justice fiscale ni la recherche d'incitations efficaces à la croissance qui orientent vos choix fiscaux. Par contre, on y voit clairement l'obsession de la réduction des prélèvements progressifs. Vous vous situez ainsi dans la continuité des gouvernements Raffarin et Villepin en amplifiant massivement l'entreprise de démolition des impôts progressifs. Or cette politique a déjà produit des effets : 300 000 RMIstes de plus.

Vous savez pourtant très bien que la progressivité de l'impôt a un objectif conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à savoir assurer la redistribution entre les foyers les plus riches et les plus modestes.

En 2005, par le mécanisme de l'impôt sur le revenu et des prestations sociales, l'écart de revenu entre les 20 % de ménages ayant le meilleur niveau de vie et les 20 % de ménages ayant le plus bas niveau de vie a été ramené à 3,5, contre 6,5 avant redistribution.

Votre projet de loi s'attaque aujourd'hui simultanément aux trois principaux impôts progressifs français. Le relèvement des abattements sur les droits de donation et de succession viendra minorer les recettes des droits de mutation à titre gratuit. Le bouclier fiscal et la possibilité d'investir son ISF dans le capital d'une PME auront pour effet de réduire les recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune. Enfin, la défiscalisation des heures supplémentaires et le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt vont faire baisser la collecte d'impôt sur le revenu et vont accroître les déficits sociaux. Vous qui venez des États-Unis, madame Lagarde, vous savez bien quel est l'objectif poursuivi. Il s'agit de creuser le gouffre, pour pousser les Français à faire appel aux assurances privées. Merci pour Axa, dirait Xavier Bertrand !

Au total, l'essentiel des 15 milliards d'euros – hormis le coût des allégements de cotisations pour les employeurs, à hauteur de 2,6 milliards d'euros – sera donc pris sur ces impôts.

L'allégement des prélèvements progressifs est une tendance lourde qui a débuté en 2000, en particulier s'agissant de l'impôt sur le revenu, dont le taux moyen d'imposition est de 8 %. Les trois réductions des taux du barème depuis 2002, puis la réforme fiscale appliquée cette année – réduction du nombre de tranches, baisse des taux du barème et suppression du plafond pour les revenus salariaux – l'ont encore affaibli.

Alors que le produit de la collecte de l'impôt sur le revenu a crû de 29 % entre 1995 et 2006, celle de la TVA a progressé de 63 %. Cette taxe que vous voulez encore augmenter en la qualifiant de « sociale ». Côté droits de mutation, la réduction du délai, qui est passé de dix à six ans entre deux donations exonérées, ou la création d'un abattement général sur les successions en 2004 ont aussi allégé cette taxation,

Comme l'écrivait le 12 juin dernier Véronique Le Billon dans Les Échos, journal qui n'est pas réputé être gauchiste : « Le pari est simple : en affaiblissant les impôts à barème progressif, les salariés vont être incités à travailler davantage et les détenteurs de capital à consommer ou investir, générant de nouvelles recettes fiscales. La justification politique de ces baisses d'impôt est en outre facile à trouver : les baisses d'impôt sont populaires, même si plus d'un ménage sur deux n'acquitte pas l'impôt sur le revenu, et si près des trois quarts des successions sont exonérées de droits ».

Ce qui est très dommageable pour notre pays, c'est que cette politique, qui n'a pas fonctionné par le passé, ne fonctionnera pas davantage dans l'avenir ! Mais vous êtes dans l'aveuglement, dans l'idéologie, le dogmatisme de classe.

Son coût est évalué à environ 11 milliards d'euros en année pleine par le Gouvernement, mais son poids devrait en fait être d'au moins 15 milliards par an. D'ailleurs, entre votre présentation au conseil des ministres et devant la commission des finances, vous avez déjà gagné deux milliards de dépenses supplémentaires. Lors de votre audition par la commission des finances de notre assemblée, madame la ministre, vous avez reconnu l'absence de moyens pour financer les mesures contenues dans ce projet de loi. Vous vous êtes bornée à spéculer sur une augmentation du PIB à hauteur de 8 milliards d'euros, confondant le niveau de PIB et les recettes fiscales qu'il peut générer.

C'est la traduction législative des principaux slogans de campagne du candidat Sarkozy : « Travailler plus pour gagner plus », « Une France de propriétaires », « Abaissement du bouclier fiscal à 50 % des revenus ».

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