Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 15 juillet 2009 à 21h30
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Jean-Pierre Brard nous a rappelé les grandes orientations du Conseil national de la Résistance. Notons qu'aux termes de la constitution du 27 octobre 1946, la nation doit « garantir l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

En cette période de profondes évolutions socio-économiques et technologiques, tout citoyen doit pouvoir disposer de connaissances et d'expériences qui lui donnent la possibilité de peser sur les transformations de la société.

Le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a pour ambition de « rénover le système français de formation professionnelle », de le rendre plus efficace, plus juste, plus lisible. Permettez-moi de considérer que ce texte est loin d'être à la hauteur des ambitions affichées et des objectifs fixés, et sur de nombreux points. Cela est probablement dû à un manque de volonté de s'attaquer aux vrais problèmes mais aussi au fait que ce projet a été mené au pas de charge, de l'avis de plusieurs partenaires sociaux, comme tous les textes qui nous sont soumis au sein de cet hémicycle.

Le principe de la formation professionnelle tout au long de la vie aurait certainement mérité une réflexion plus profonde visant les vrais enjeux, en particulier pour ce qui est des salariés de bas niveau de qualification et des citoyens les plus éloignés de l'insertion sociale et professionnelle.

Un réel bilan de la mise en place de l'accord national interprofessionnel de 2003 aurait sans doute également constitué un bon élément d'analyse des dysfonctionnements et besoins.

Je prends l'exemple du droit individuel à la formation, le DIF.

Certes 300 000 droits individuels à la formation ont été mis en oeuvre mais, si l'on ramène ce chiffre au nombre de salariés du secteur privé, cela ne représente, selon les années, que 2 % à 4 % du total ! Qu'en est-il de la dimension universelle du dispositif ?

Rendre possible la portabilité de ce droit apparaît comme une bonne chose en cas de rupture de contrat de travail, mais encore faudrait-il que ce droit soit utilisé par un grand nombre de salariés, en particulier par ceux qui sont le plus éloigné de la qualification.

S'agissant du DIF, les difficultés principales tiennent à sa prise en charge financière, à sa faible durée et au souhait de la majorité des employeurs de voir la formation se dérouler hors temps de travail. Or quand la tendance est à la remise en cause des 35 heures et au « travailler plus pour gagner plus », on ne peut que s'interroger sur la possibilité que vont avoir les salariés de se former hors de ce temps de travail.

La loi vise la prise en charge des frais de formation des congés individuels de formation, les CIF, en dehors du temps de travail. Où est la cohérence ?

Les entretiens professionnels et les passeports formation n'ont pratiquement jamais été mis en place. Pourquoi ?

Au-delà des modalités techniques se pose le problème de fond de l'incitation des salariés à aller en formation, de la reconnaissance réelle de leur investissement dès lors qu'ils suivent une formation et de l'obligation qu'ont les employeurs de financer la formation professionnelle continue.

Tout le monde s'accorde pour reconnaître l'inégalité de l'accès à la formation continue selon le niveau de qualification des salariés et la taille des entreprises. Comment régler ce problème ? Quelle est votre réflexion sur cette réalité et quelles sont vos propositions, monsieur le secrétaire d'État ? Je ne vois rien à ce sujet dans le projet de loi.

Informer ne suffit pas : les OPCA, aux moyens financiers très conséquents, ont rivalisé pour sensibiliser employeurs et salariés à travers de multiples plaquettes et initiatives mais, six ans après, le constat reste amer.

Selon vous, le problème est simplement quantitatif alors que le problème de la formation continue des salariés de bas niveau de qualification doit faire l'objet de mesures incitatives spécifiques. Il est de notre responsabilité et de celle du monde économique que ce problème soit pris en compte rapidement tant les besoins vont devenir cruciaux.

De nombreux dispositifs de formation ont été mis en place, par la fédération du bâtiment et l'AREF BTP entre autres, en vue de l'acquisition des connaissances de base et de la maîtrise des écrits professionnels. Toutefois, sans réels volonté ou intérêt des entreprises concernées, ces dispositifs pourtant très positifs restent lettre morte. Comment aboutir à leur mise en place effective ?

Au delà de la non-inscription des salariés dans ces dispositifs, force est de constater que beaucoup d'entreprises se contentent de respecter l'obligation de participation à la formation continue en s'acquittant du versement du pourcentage de leur masse salariale prévu par leur convention collective auprès de leur organisme mutualisateur et ne réalisent que peu ou pas de formation pour leur personnel, en particulier quand les effectifs ne sont pas importants. Comment contrôler cette situation et les inciter réellement à la mise en place d'un minimum d'actions de formation ?

Quelle réflexion mener pour les aider à supporter les problèmes d'organisation dès lors que des salariés sont absents pour formation, ce qui constitue un réel problème pour les très petites entreprises et les PME ? De surcroît, il faut savoir que les salariés eux-mêmes s'autocensurent et renoncent à leur formation de peur de mettre en difficulté leur entreprise quand elle a un très petit effectif.

Sanctuariser les contributions versées par les PME afin que celles-ci ne soient pas captées par les entreprises de plus de cinquante salariés n'a de sens que si des formations sont effectivement mises en place au profit des salariés des PME.

Quant au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, sa création serait susceptible de financer des actions de qualification et de requalification des salariés et demandeurs d'emploi. Dans l'absolu, cette mesure permet d'améliorer l'accès à la formation des personnes concernées ; encore faut-il être prudent, qu'il s'agisse de l'utilisation effective de ces fonds ou des tentatives de l'État de diminuer les budgets liés à d'autres dispositifs de formation existants. L'expérience nous y invite.

Sur ces questions, il convient de faire attention aux glissements qui risquent d'intervenir dans les responsabilités respectives de l'État et des fonds de la formation professionnelle.

Quel engagement pouvez-vous garantir sur l'effort financier de l'État en la matière ?

Concernant le droit à l'information, au conseil personnalisé et à l'orientation en matière d'orientation professionnelle, il est prévu un système cohérent et lisible. L'une des réponses consiste à mettre en place un service national de première orientation avec instauration d'une plate-forme téléphonique et d'un portail internet. Cela réglera-t-il le cas de ce jeune homme interviewé le week-end dernier à la télévision...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion