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Intervention de Jacques Desallangre

Réunion du 29 octobre 2008 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Desallangre :

Et ne me répondez pas que nous n'avons rien à proposer, car vous savez très bien que, pour ma part, je plaide depuis des années pour une réforme globale de l'assiette de cotisation – je me souviens l'avoir déjà fait en 2004 auprès de M. Bertrand. Seule une telle réforme nous permettrait de préserver l'essentiel, à savoir la mutualisation des risques, la gestion intergénérationnelle et la solidarité.

Si le Gouvernement s'obstine à refuser d'explorer la voie d'une réforme des prélèvements, il se condamne à une perpétuelle agitation improductive comme celle à laquelle nous assistons depuis sept ans. À n'appliquer que quelques vieilles recettes consistant à abaisser les pensions, diminuer les remboursements, ponctionner telle ou telle catégorie – cette année, c'est le tour des mutuelles –, vous risquez de mettre à mal le principe de solidarité et de détruire le pilier principal, à savoir la confiance intergénérationnelle, sans pour autant assurer l'équilibre financier du régime.

Si vous poursuivez dans cette voie, le déficit va s'accroître en raison du vieillissement de la population. En 2030, la France comptera 20 millions de personnes de plus de 60 ans, dont 5 millions de plus de 80 ans, alors que les proportions étaient inférieures de moitié en 1975. Le vieillissement aura une incidence directe sur la situation financière du régime de retraite. Les comptes de la CNAV se dégradent rapidement : le déficit, qui était de 2 milliards en 2006, est passé à 4,6 milliards en 2007 et à 5,7 milliards en 2008. Il est permis de se demander si l'on doit faire confiance à vos projections pour 2009 à 2012 inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous faites semblant de croire, monsieur le ministre, à une résorption du déficit, alors que l'ensemble des études sérieuses des économistes et de la CNAV tablent sur son aggravation.

Les études prospectives menées avec l'INSEE prévoient un triplement de la masse des pensions à servir chaque année entre 2006 et 2050. En l'absence d'actions structurelles, le déficit annuel franchira la barre des 15 milliards en 2015 et celle des 25 milliards en 2020. En termes de déficit cumulé, la CNAV aura plus de 65 milliards de dettes en 2015 et 115 milliards en 2020. Ces chiffres sont d'une telle ampleur qu'ils ne sont pas sans évoquer ceux de la crise financière que nous traversons actuellement !

Vos mesurettes sont donc hors de proportion avec les enjeux. Plutôt que de prendre le risque d'une réelle réforme qui déplairait à vos alliés, vous allez progressivement amputer les pensions versées, par des biais multiples : absence de revalorisation malgré l'inflation, ou encore allongement de la durée de cotisation, qui se traduit en fait par une baisse des pensions.

Cette faillite annoncée a peut-être été souhaitée par certains d'entre vous, qui ne rêvaient que de substituer au système par répartition un régime de capitalisation, mais le modèle libéral est un peu moins en vogue ces derniers temps ! Il est vrai que la crise financière et la chute des fonds de pensions chargés de verser les retraites, notamment aux États-Unis, conduisent les libéraux à la prudence, alors qu'hier encore, ils vantaient le régime par capitalisation avec une assurance dogmatique qui paraît aujourd'hui bien dérisoire.

En 2005, on comptait 2,2 actifs pour un retraité de plus de 60 ans ; en 2050, il n'y en aura plus que 1,3 ou 1,4. La France a un très fort rapport de dépendance, ce qui signifie que pour dix personnes en âge d'activité, il y en a sept autres – celles âgées de zéro à 19 ans et celles de plus 65 ans – qui seront inactives. Nous devons abandonner l'assiette salariale comme source principale du financement car elle est devenue insuffisante et inadaptée, son poids relatif étant en régression pour des motifs démographiques, mais aussi et surtout en raison de la baisse de la part du travail dans la création de valeur ajoutée. À mesure que les besoins de financement, en croissance, reposeront sur une part de plus en plus faible de la population, la situation sera de moins en moins tenable. Il faut donc impérativement trouver d'autres sources de financement, qui existent bel et bien : prélevons sur la richesse produite et allégeons progressivement la charge pesant sur la masse salariale !

Voilà, monsieur le ministre, madame la ministre, quelques pistes de réflexion pour sauver nos régimes solidaires, expression de notre idéal républicain. Je crains que votre majorité n'y soit malheureusement pas favorable et qu'elle préfère attendre la faillite – ce refus d'agir constitue un choix politique – pour remplacer le système actuel de retraites par un régime par capitalisation, ce qui revient à opter pour un « chacun pour soi » irresponsable.

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