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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 30 juillet 2007 à 15h00
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

La majorité remue encore ? (Sourires.)

Un large consensus syndical s'est d'ailleurs dégagé, comme le révèle le rassemblement du 31 juillet organisé à l'appel de sept confédérations syndicales et de quatre fédérations, appuyées par des associations d'usagers, pour considérer inutile une telle intervention législative, en dénoncer la dangerosité pour le droit constitutionnel de grève et les effets pervers sur le climat interne des entreprises.

Force Ouvrière a judicieusement rappelé que la suppression des conséquences des conflits ne permettait pas de traiter leurs causes. Pas plus que les textes adoptés sous la précédente législature – et se targuant, eux aussi, de renforcer le dialogue social – celui-ci ne permettra ni de prévenir ni de mieux réguler les conflits, ni d'enrichir la négociation, encore moins de mieux articuler démocratie sociale et démocratie politique.

En 2007, vous avez voté un texte rappelant un engagement vertueux, mais déjà couché par le Parlement trois ans auparavant : tout projet de loi portant réforme du droit du travail devait, avant son examen par le Parlement, être renvoyé à la négociation collective. Ce principe, largement inappliqué, est foulé aux pieds par ce texte, dont les articles 2, 5 et 6 modifient les articles du code du travail relatifs au droit de grève.

Autre exemple de votre lecture singulière du dialogue social : en 2004, M. Fillon, alors ministre du travail, sous prétexte de dynamiser la négociation d'entreprise, bouleversait la hiérarchie des normes, balayait le principe de faveur et entamait le socle de garanties communes à l'ensemble des salariés en permettant à un accord d'entreprise de déroger, dans un sens moins favorable aux salariés, aux accords de branche, voire au code du travail. Toujours dans le but de réduire la conflictualité au sein des entreprises, le même ministre privilégiait le droit d'opposition majoritaire par rapport à la majorité d'engagement.

Manifestement, nous ne nous entendons pas sur ce que signifie « modernisation du dialogue social », et nous craignons que cet objectif ne serve à nouveau à habiller un texte dont l'unique objet est d'étouffer la contestation sociale en corsetant l'exercice du droit de grève dans le secteur des transports terrestres de voyageurs.

Si votre souhait était effectivement de favoriser un « dialogue social maximum », vous vous seriez attachés à la qualité de ce dernier. Vous auriez garanti le respect par l'employeur de son obligation – annuelle, triennale ou quinquennale – de négocier, sur les salaires, les conditions d'emploi, l'égalité professionnelle. Or 55 % des entreprises n'appliquent pas la loi. Vous auriez créé un lieu de concertation et de dialogue entre les autorités organisatrices de transports et les organisations syndicales de salariés du secteur public. Vous auriez enfin renforcé les droits de ces derniers dans l'exercice de leurs fonctions syndicales. Enfin, vous auriez cherché à parfaire les dispositions du code du travail applicables aux fonctionnaires et aux salariés du secteur public au lieu de pervertir la nature du préavis.

Dans une note de jurisprudence publiée en 2006 par la revue Droit social, Emmanuel Dockès rappelle que si, dans les services publics, le préavis de grève est un temps laissé à l'employeur pour proposer des mesures d'apaisement, il ne s'agit nullement d'un temps destiné à lui permettre de réduire au maximum le préjudice d'une grève... Or la superposition des préavis vise à faire gagner du temps et non à nouer un vrai dialogue.

Au lieu d'inciter, par voie contractuelle, au dialogue au niveau de la branche et sans même avoir dressé le bilan des grèves, de leurs causes, et le bilan des accords signés à la RATP et à la SNCF pour améliorer la concertation, vous imposez autoritairement aux 15 000 entreprises de transport de notre pays une obligation de résultat avec la création d'un dispositif de prévention des conflits – obligation enserrée dans un délai irréaliste de quatre mois, qui obère les chances de réussite de la négociation d'un accord-cadre et rend probable la fixation unilatérale des règles d'organisation et du déroulement de la négociation par le Gouvernement dans un grand nombre d'entreprises, sans qu'aient été envisagés – et encore moins négociés – les changements internes que ces règles vont induire.

Comble de l'absurde et belle illustration de votre conception du dialogue social, l'article 2 conduit à remettre en cause les dispositifs d'alarme sociale de la SNCF et de la RATP. Nous pensons qu'il ne s'agit que de manoeuvres politiciennes pour vous permettre d'atteindre votre unique objectif : faire reculer le droit de grève et faire des salariés du secteur des transports de voyageurs les cobayes d'un nouveau coup porté aux droits des salariés de notre pays.

La France, selon vous, se distinguerait par sa « gréviculture ».

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